d’en porter tr.ois ; le goût en forma la différence*
La première étoit une fimple .chemife ; la fécondé,
une efpece de rpchet ; 8c la .trpifieme, c’eft-à-dire
celle qui fe trouvoit la fupériéure , ayant reçu davantage
de plis, 8c s’étant augmentée de volume,
forma, à l’aide des ornemens dont elle fe trouva
fufcèptible, la ftôle que j’ai nommée plus haut, en
remarquant qu’elle ht tomber la tog e , ou du-moins
u ’en laiffa l ’ufage qu’aux hommes 8c aux courti-
fannes.
Le luxe fit bientôt ajouter par-deffus la ftole un
manteau ou mante à longue queue traînante, qu’on
appelloit fytparre : 'op l’attachoit av,ec une agraffe
plus ou moins riche fur l’épaule droite, afin de laiffer
plus de liberté au bras que Ips dames tenoient découvert
conime lés hommes. Cette fymarre portant
en plein fur l’autre épaule, formoit en d,efcendant
un grand nombre de plis qui donnoient beaucoup
de grâce à cet habillement. Aufli les aflrices s’en
fervoient fur le théâtre, Voye^ Sym a r e .
La couleur blanche étoit la couleur générale des
habits des Romains, pomme aufli la plus honorable,
indépendaippient des dignités qui étoient marquées
par la pourpre. Les citoyens dans les réjoiiiflances
publiques paroiffoient ordinairement vêtus de blanc:
Plutarque nous inftruit qu’ils en ufoient de même
dans les réjoiiiflances particulières, 8c fur-tout dans
celles du jour de leur naiflance, qu’ils célébroient
tous lès ans.
On diffinguoit les perfonnes de quelque rang ou
qualité par la fineffe, la propreté & la blancheur
éclatante de F habit. Aufli dit-oh dans les auteurs,-
qu’on envoyoit fouvent les robes au foulon pour
les détacher 8c les blanchir ; le menu peuple hors
d’état de faire cette dépenfe, portoit généralement
des habits bruns.
Il fau t pourtant remarquer que fur la fin de la république
, la diftin&ion dans les habits ne s’obfer-
yoit déjà plu? à Rome ; les affranchis étoient confondus
avec les autres citoyens ; l’efclave s’habil-
loit comme fon maître -, & fi l’on excepte le feul habit
du fénateur, l’ufage de tous les autres fe prenoit
indifféremment : le moindre tribun des légions portoit
le Iaticlave.
Mais, au milieu de cette confufion, les habits de
tout le monde étoient encore tiffus de laine pure ;
fon emploi dans les étoffes a été le plus ancien 8ç le
plus durable de tous les ufages. Pline, en nous di-
fant que de fon tems le luxe fe joiioit de la nature
même, 8c qu’il a vu. des toifons de béliers vivans
teintes en pourpre Sc en écarlate, ne connoiffoit encore
que la laine pour matière de toutes fortes d’é-
îpfies, qui ne recevoit de différence que de la diversité
des couleurs 8c de l’apprêt. De-là ce fréquent
ufage des bains, que la propreté rendoit fi néçeflaire.
Ce ne fut que fous le régné des Céfars, que l’on
commença à porter des tuniques de lin ; Vopifcus
prétend que la mode en vint d’Egypte ; & l’èmpe-
reur Alexandre Sévere trouvoit avec raifon qu’on
çn avoit corrompu ‘la bonté, depuis qu’on s’étoit
avifé de mêler dans le tiffu des raies ou des bandes
de pourpre. Si le lin eft doux fur la peau, çlifojt-il,
pourquoi ce$ ornemens étrangers qui ne fervent
qu’à rendre la tunique plus rude ?.
L’ufage de la foie dans les habits d’hpmme s’étant
introduit fous Tibere, il fit rendre un decret par le
fénat conçu en ces termes remarquables : Decretum,
ne vejlis Jerica viros foejaret. Çe fut Jules-Céfar qui
infpira çe nouveau goût de recherches, en faifant
couvrir dans quelques fp.etftaçles qu’il donna, tout
le théâtre de voiles de foie. Caliguîa parut le premier
en public en rob.ede foie. Il efl: vrai que fous
Néron les femmes commencèrent à en porter; mais
il y a fieu de croire que leurs étoffes êtqiçnt ipêïées
de lin & de foie, ,8c que jufqn’à Eliogabale le
luxe n’a point fourni d’exemple d’une robe toute
de foie, Eliogftbalu} primas Ropianorum, holofericâ
yejle ufys, fertur.
Aurélien n’avoit pas une feule robe holoférique
dans toute fa garderobe ; aufli refufa-.t-il à l’impé*-
ratrice fa femme ,1e manteau de foie qu’elle l,ui de-r
m.andoit, en lui.dpn.nant pour raifon de fon refus,
qu’il n’avoit garde d’acheter des fils au poids de l’or.
La livre de loie valoit une livre d’or.
No,us ne .devons pas ,no,us ,étonner de cette valeur
de la foie dans ces tems-là, fi nous nous rappelions
que Henri IL fut le premier en France qui
porta une paire de bas de foie aux noces de fa
îbeur , 8c que la femme de Lopez de Padilla crut
faire un préfent magnifique à Philippe II. en lui envoyant
de Telede en Flandres une paire de bas fem-
blables. Cependant, malgré le prix de ce genre de
lux,e, les habits de foie devinrent fi communs à Rome,
que l’empereur Tacite qui fe glorifioit d’être
parent de l’hiftorien de c,e nPm, & qui fut le fuc-
ceffeur d’Aurélien même, fe contenta de ne défendre
qu’aux hommes la robe holoférique, dont Eliogabale
s’étoit le premier vêtu foixante ans auparavant.
Terminons cet article par çonfid.érer la gradation
du luxe des Romains .dans leur parure.
S.ous la république, il n’y avoit que les courtifan-
nes qui fe montr^ffent dans la ville en habits de
couleur. Sous les empereurs, les dames affortirent
les couleurs dp leurs habits à leur teint, ou au goût
de mode qui régnoit alors. « La même coulpur, dit
» Ovid e, ne va pas à teut le monde : çhpififfez celle
» q,ui vous pare davantage ; le noir figd bien aux
» blanches, 8c le blanc aux brimes. Vous aimiez le
>t blanc, filles de Cephée, & vpus en étiez vêtues,
» quand l ’île de Seriphe fut preffée de vos pas. . . »
Le même poëte ne réduit point à la feule couleur
pourpre tout l’honneur de la teinture. Il nous parle
d’un bleu qui reffemble au ciel, quand il n’eft point
couvert de nuages ; d’une autre couleur femblable
à celle du bélier qui porta Pnryxus Sc fa foeur Hellé,
& les déroba aux iupercheries d’Ino. Il y a , félon
lu i, un beau verd-de-mer dont il croit que les Nymphes
font habillées : il parle de la couleur qui teint
les habits de l’Aurore, de celle qui imite les myrthes
de Paphos , 8c d’une infinjté d’autres, dpnt il compare
le nombre à celui des fleurs du printems..
Sous la république, les femmes portoient des habits.
poqr les couvrir; foqs les empereurs, ç’étoit
dqps un autre deffein. « V oyezrvops, «dit Spneque,
» ces habits tranfparens , fi toutefois l’on peut les
» appeller habits ? Qu’y découvrez-vous qui puifle
» défendre le corps ou la pudeur ?. Celle qui les met
» ofera-t-elle jurer qu’elle ne foit pas nue ? On fait
» venir de pareilles étoffés d’un pays pii le Com-
» mer çe n’a jamais été ouvert, pour avoir droit de
» montrer en public ce que les femmes dans, le par-
» ticulier n’ofent montrer à leurs amans qu’avec
» quelque referve : ut matrones, ne adulttris quidem.
» plus fiiis , in cubicuLo quàm in publiçoy ojiendant »,
Vojye^ G^SE DE Ç os.
Sous la république, les dames ne fortoient point,
fans avoir la tête couverte d’un voile ; fous les empereurs,
cet ufage difparut; on fe tourna du côté
de la galanterie. Cette çclebre romaine qui poffé-
doit tous les avantage5 de fon fexe, hors la chafte-
té ; Poppée, dis-je, portoit en public un voile ar-
tiftement rangé, q1“ hû çouvroit à-demi le vifage,
ou parce qu’v lui féyoit mieux de la forte, dit Ta cite
, ou pour donner plus d’envie dç voir le refte.
Sous la république , les dames fortoient toujours
décemment habillées & accompagnées de leurs
femmes; fous les empereurs, elles leur fubfiituerent
des eunuques, & ne gardèrent plus de décènce dans
leurs ajuftemens.
Sous la république, les femmes & les hommes
avoient des habits qui les diftinguoient; fous Tibere,
les deux fexes avoient déjà revêtu les habits l’un
de l’autre. Les femmes commencèrent au fortir de
leur lit ,& de leur bain à prendre un habillement
qu’elles avoient en commun avec les hommes ; la
galanterie ne laiffoit point fans deffein & fans goût
une robe faite pour fe montrer négligemment à fes
amis particuliers & aux perfonnes les plus cheres.
• Sous la république, les dames n’avoient des pierreries
que pour reffource dans les malheurs, & elles
ne les portoient fur elles que dans les fêtes fa-
crées ; fous les empereurs, elles les prodiguoient fur
leurs habits. Dans ces tems-là, les femmes les plus
modeftes n’ofoient non plus aller fans diamans, dit
Pline, qu’un conful fans les marques de fa dignité.
J’ai v û , ajoûte le même auteur, Lollia Paulina fe
charger tellement de pierreries, même après fa répudiation
, pour faire de fimples vifites, qu’elle
n’avoit aucune partie de fon corps, depuis la racine
des cheveux jufque fur fa chauffure, qui ne fût
ébloiiiffante. L’état qu’elle affeéloit d’en étaler elle-
même , fe montoit à un million d’o r , fans qu’on pût
dire que ce fuffent des préfens du prince ou les
pierreries de l’empire ; ce n’étoit que celles de fa
maifon, l’un des effets de la fucceflion de Marcus
Lollius fon oncle.
Ainfi la tog e, le v o ile , le capuchon de groffe laine
fe changèrent en chemifes de fin lin, en robes
tranfparentes, en habits de foie d’un prix immenfe,
& en pierreries fans nombre. C ’eft-là l’hiftoire de
Rome à cet égard, & c’eft celle de tous les peuples
corrompus; car ils font'tous les mêmes dans l’origine
de leur luxe, & dans fes progrès. (D . ƒ .)
H a b i t e c c l é s ia s t iq u e , habitus religionis,
{Hifi. eccléjiajliq.) On ne peut pas douter que dans
les premiers fiecles de l’Eglife, les clercs n’ayent
porté les mêmes habits dont les laïcs étoient vêtus;
ils avoient trop de raifon de fe cacher, pour fe déclarer
par un habit qui les fît connoître. Il n’eft
donc pas aifé de découvrir l’époque de la prohibition
que l’on fit aux eccléfiaftiques de s’habiller
comme les laïcs ; mais félon les apparences, cette
époque ne remonte pas avant le cinquième fiecle.
On trouve feulement dans le canon X X . du concile
d’Agde, tenu en 506, que les peres de ce concile
défendirent aux clercs de porter des habits qui
ne convenoient point à leur état, e’eft-à-dire qu’ils
commençoient dès-lors à s’écarter des réglés de la
modeftie & de la bienféance.
Le mal empira, & la licence devint fi grande dans
le même fiecle, que le concile de Narbonine tenu
en 589, fut oblige de leur défendre de porter des
habits rouges ; mais comme de fimples défenfes n’ar-
retoient pas le luxe & la vanité des eccléfiaftiques,
les conciles fuivans introduifirent une peine contre
les infra&eurs. On ordonna en Occident que ceux
qui contreviendroient à la défenfe, feroient mis en
prifon au pain & à l’eau pendant trente jours.. Un
concile tenu à Conftantinople ordonna la fufpenfion
pendant une femaine contre ceux des eccléfiaftiques
qui imiteroient les laïcs dans leurs vêtemens. Enfin
la punition devint encore plus févere dans la fuite ;
car nous apprenons de Socrate, qu’Euftate évêque
de Sebafte en Arménie fut réellement dépofé, parce
qu’il avoit porté un habit peu convenable à un prêtre.
Le concile de Trente , xjv. ckap. vj. fe conformant
aux anciens conciles, s’eft expliqué fuffi-
famment fur ce fujet, fans qu’il foit beloin d’entrer
dans de plus grands détails.
Les conciles particuliers & les fynodes qui ont
ete tenus depuis celui de Trente, ont confirmé l’obligation
impofée aux eccléfiaftiques de porter Vhabit
clérical; mais aucun concile n’a jamais rien détermine
fur la couleur & fur la forme de cet habit.-
M. de Sainte-Beuve confulté,fi un clerc pouvoir
porter le deuil de la maniéré dont les laïcs le portent,
répond qu’il n’y avoit aucun canon qui le défendît
aux eccléfiaftiques.
Socrate raconte dans fon hiftoirede l’Eglife, liv.'
VI. c. xxij. que quelqu’un ayant demandé à Sifin-
pourquoi il portoit des habits blancs, quoiqu’il
fut eveque, celui-ci lui répondit qu’il feroit bien-
aife d^’apprendre en quel endroit il étoit écrit, que
les prêtres doivent être vêtus de noir, puifque l’on
voit au contraire dans l’Ecriture que Salomon recommande
aux prêtres d’avoir des habits blancs.
C ’eft en effet celui que S. Clément d’Alexandrie &
S. Jérôme leur confèillent par préférence. I Le cardinal Baronius prétend que le brun & le
violet ont été les premières couleurs dont les eccléfiaftiques
fe font lervis pour fe diftinguer des laïcs.
Je n’entrerai point dans cette recherche ; c’eft affez
de dire qu’à-préfent le noir eft la feule couleur que
l’on fouffre aux eccléfiaftiques ; & quant à la forme
de leur habit, il fuffit qu’il foit long & defeende fur
lés fouliers.
Quelques-uns fe contentent d’une demi-foutane ;
mais c eft une tolérance de l’évêque qui pourroit
défendre ce retranchement de Y habit cccléfîajlique ,
que les canons appellent vejlis talaris. Enfin, quoiqu’un
dofteur de Sorbonne ait tâché de prouver
par un traité imprimé à Amfterdam en 1704, fous
le titre de re vejliariâ hominis Jacri , que Y habit ec-
cléjtajlique eonfifte plûtôt dans la fimplieité que dans
la longueur & dans la largeur, il faut convenir que
1 habit long a plus de majèfté que celui qui ne l’eft
pas, & qu’en même tems l’abbé Boileau a raifon
dans le principe qu’il établit. (Z>. /.) Habits sacrés, (Hijl. eccléjiajliq. ) nom qu’on
a donné parmi les Chrétiens aux habits ou ornemens
que portent les eccléfiaftiques pendant le fer-
vice divin, 8c fur-tout durant la célébration de la
Liturgie.
^Dès les premiers tems de l’Eglife, dit M.Fleury,'
l’évêque étoit revêtu d’une robe éclatante, auffi-
bien que les prêtres 8c les autres miniftrés ; car dès-
lors on avoit des habits particuliers pour l’office. Ce
n’eft pas, ajoûte le meme auteur, que ces habits
fuffent d’une figure extraordinaire. La chafublè étoit
Yhabit vulgaire du tems de faint Auguftin. La dalma-
tique étoit en ufage dès le tems de l’empereur Va-
Iérien. L’étole étoit un manteau commun même
aux femmes.Enfin le manipule, en latin mappula ,
n’étoit qu’une ferviette que les miniftrés de l’autel
portoient fur le bras pour fervir à la fainte table.
L ’aube même, c’eft-à-dire la robe blanche de laine
ou de lin, n’étoitpas du commencement un habit
particulier aux clercs, puifque l’empereur Aurélien
fit au peuple romain des largeffes de ces fortes de tuniques.
Vopifc. in aurèlian.
Mais depuis que les clercs fe furent accoutumés
à porter l’aube continuellement, on recommanda
^ux prêtres d’en avoir qui ne ferviffentqu’à l’autel,
afin qu’elles fuffent plus blanches. Ainfi il eft à
croire que du tems qu’ils portoient toujours la cha-
fuble 8c la dalmatique, ils en avoient de particulières
pour l’autel de même figure que les communes,
mais d’étoffes plus riches & de couleurs plus éclatantes.
Moeurs des Chrét. tit. xlj.
Saint Jérôme n’a pas voulu fignifier-autre chofe '
lorfqu’il a dit : Religio divina alterum habitum habet
in minijlerio , alterum in ufu vitâque communi. Car
toute l’antiquité attefte 'que ces habits étoient les
mêmes pour la forme; mais elle a hien changé depuis,
8c celle qu’on leur a donnée eft plus-pour