532 JEU mettre tout fon bien au hafard àujeu eft marque précisément
dans fa première fatyre, vers 88.
..................■ . . Aléa qiuindo
ffos animos ? Neque enim lôculis comitantibus ,
Ad. cafum tabula , pojîta fed luditur area.
» La phrénéfie des jeux dé hafard a-t-elle .jamais été
»plus grande? Car ne vous figurez pas qu’on fe
» contente de rifquer, dans ces académies de jeux ,
» ce qu’on a par occafion d’argent fur foi ; on y fait
» porter exprès des caffettes pleines d’o r, pouf les
» jouer en un coup de dé ».
Ce qui paroît plus fingulier, c’eft que les Germains
mêmes goûtèrent fi fortement les jeux de hafard,
qu’après avoir joué tout leur bien, dit Tacite,
ils finiffoient par fe jouer eux-mêmes, & rifquojent
de perdrejnovijjirno jaclu, pour me fervir de fon
expreflion, leur perfonne 8c leur libertés Si nous regardons
aujourd’hui les dettes du jeu comme les plus
lacrées de toutes, c’eft peut-être un héritage qui
nous vient de l’ancienne exa&itude des Germains à
remplir ces fortes d’engagemens.
Tant dé personnes de tout pays ont mis 8c mettent
fans- c.effe une partie confidérable de leur bien
à ia merci dès.cartes & des dés, fans en ignorer les
mauvaifes fuites, qu’on ne peut s’empêcher de rechercher
les çaufes d’un attrait fi puiffant.
Un joueur habile, dit l’abbé du Bos, pourroit
faire tous lès jours un gain certain, en ne rifquant
fon argent qu’aux jeux oh le fuccès dépend encore
plus de l’habilité des tenans que du hafard des cartes
8c des dés ; cependant il préféré fouvent les jeux où
le gain dépend entièrement du caprice des dés 8c
des cartes, & dans lefquels fon talent ne lui donne
point de fupériorité fur les joueurs. La raifon principale
d’une prédile&ion tellement oppofée à fes intérêts
, procède de l’avarice, ou de l’efpoir d’augmenter
promptement fa fortune.
Outre cette raifon, 1 es jeux qui laifTent une grande
part dans l’événement à l’habileté du joueur, exigent
une contention d’efprit trop fuivie, & ne tiennent:
pas l’aine dans une émotion continuelle, ainfi
que le font le paffe-dix, le lanfquenet, la baffette,
8c les autres jeux où les événeniens dépendent entièrement
du hafard. A ces derniers je u x , tous les
coups.font décifîfs, & chaque événement fait perdre
ou gagner quelque chofe ; ils tiennent donc l’ame
dans une efpece d’agitation, de mouvement, d’exta-
f e , 8c ils l’y tiennent encore fans qu’il foit befoin',
qu’elle contribue à fon plaifir par une attention fé-
rieufe , dont notre pareffe naturelle eft ravie de fe
difpenfer.
M. de Montefquieu confirme tout cela par quelques
courtes réflexions fur cette matière. » Le jeu
» nous plait en général, dit-il, parce qu’il attache
» notre avarice, c’e ft-à -d ire , l’efpérance d’avoir
» plus. .11 flatte notre vanité, par l’idée de la préfé-
» rence que la fortune nous donne, 8c de l’atten-
» tion que les autres ont fur notre bonheur. Il fatis-
» fait notre curiofité, eH nous procurant un fpetta-
» cle. Enfin, il nous donne les différens plaifirs de
» la furprife. Les jeux de hafard nous intérelfent
» particulièrement, parce, qu’ils nous préfentent fans
» celle des événemens nouveaux, prompts 8c inar-
» tendus. Les jeu x de fociété nous plaifent encore,
» parce qu’ils font une fuite d’événemens imprévus
» qui ont pour cftufe l’adreffe jointe au hafard ».
Aulïi le jeu n’eft-il regardé dans la fociété que
comme un amufement, & je lui laiffe cette appellation
fayorable, de peur qu’une autre plus exafte ne
fît rougir trop de monde. S’il y a même tarit de gens
fages qui. jouent volontiers, c’eft qu’ils ne voyent
point quels font les égaremens cachés du jeu , fes
violences 8t fes diflipations, Ce n’eft pas que je
J E, U prétende que les jeux mixtes, ni même les jeux de
hafard ayent rien d’injufte, à en juger par le feul
droit naturel ; car outre que l’on s’engage au jeu de
plein gré, chaque joueur expofe fon argent à un
péril égal ; chacun aufli, coirime nous le fuppofons,
joueffon propre bien, dont il peut par eonféquent
difpofer. Les je u x , & autres contrats où il entre du
hafard, font légitimes dès que ce qu’on rifque de
perdre de part & d’autre, eft égal ; 8c dès que' le
danger de perdre, 8c l’efpérance de gagner, ont de
part & d’autre une jufte.proportion avec laf chofe
que l’on joue; . . :
Cependant, cet amufement fe: tient rarement dans
les bornes que fon nom promet ; fans parler du
tems précieux qu’il nous fait perdre , & qu’on pourroit
mieux employer , il fe change eri habitude ^puérile
, s’il ne tourne pas en paffiori funefte par l ’amorce
du gain. On connoit à eeifujet les vers fl délicats
8c fl pleins de vérité de Mje Deshoulieres. :
Ledefir de gagner, qui huit & jour oçcüpe9
Efl un dangereux aiguillon :
Souvent quoique l'efprit, quoique le ccÉurfoit boni
On commence par être dupe ,
On jinit par être fripon.
C ’eft efivain qu’on fait que les perfonnes ruinées
par le je u ,. paffent en nombre les gens robuftes que
les médecins ont rendu infirmes ; on fe flate qu’on
fera du petit nombre de ceux que fes bienfaits ont
favorifé depuis l’origine du monde.
Mais comme le fouverain doit porter fon attention
à empêcher la ruine des citoyens dans toutes
fortes de contrats, c’eft à lui qu’il appartient dé régler
celui-ci, & de voir jufqu’où l’intérêt de l’état
8c des particuliers exige qu’il défende le je u , ou
fouffre qu’il le permette en général. Les lois des
gou vernemens fages ne faurôient trop févir contre les
académies Philocubes ( pour me fervir du terme
d’Arifténete) ,8c celles de tous les jéu x de hafard dif-,
proportionnés.
. M. Barbeyrac a publié un traité des jeu x , à Amsterdam
en 1709. in-i'%. où cette matière,- envifa-
gée félon les principes de Morale êc de Droit naturel,'
eft traitée à fond avec autant de lumières- que de
jugement : j’y renvoie les leâeurs curieux. ( D . ƒ.)
Le jeu occupe 8c flate l’efprit par un ufage facile
de fes facultés ; il amufe par l’efpérance du gain.
Pour l’aimer avec paflion, il faut être avare,où, accablé
d’ennui ; il n’y a que peu d’hommes qui ayent
une averfion fincere pour le jeu. La bonne compagnie
prétend que fa converfation, fans le fecours du
je u , empêche de fentir le poids du defoeuvrement ;
on ne joue pas allez.
Jeu de la n a t u r e . ('Anat. Phy/iol.) On entend
par jeu de la nature dans le corps humain, une conformation
de quelques-unes, ou de plufieurs de fes
parties folides, différentes de celle qui eft appellée
naturelle, parce qu’elle fe préfente ordinairement.
Si l ’on ouvroitplus de cadavres* dit M. de Fon-
tenelle, les Angularités des jeux de la nature deviendraient
plus communes, les différentes .ftruc-
tures mieux connues, 8c par eonféquent les hy-
pothèfes plus rares. Peut-être encore qu’avec le
tems, on pourroit, par toutes les conformations
particulières, tirer des éclairciffemens fur la conformation
générale.
Je n’examinerai p o in té toutes ces conféquences
font également juftes ; c’eft affez de remarquer qu’on
peut raffembler un nombre tres-confidérable d’ob-
fervations qui conftatent les jeux de la nature à plufieurs
égards, 8c qui font en même tems fort fingulier
s. J’avois moi-même formé fur ce fujetun grand
recueil, que je regrette, 8c qui a péri dans un nau-S
frage. Je déliré que quelqu’un plus heureux tra vaille.
J E U an plan de cette efpece, en réunifiant avec choix
les faits épars fur cette matière, & fur - tout en accompagnant
fon* ouvrage de réflexions phyfiologi-
ques, dans le goût de celles que M. Hunaud nous a
données fur les jeux dü crâne. Ce travail ainfi digéré,
répandrait, je penfe, des lumières intéreflantes fur
l’économie animale. Au pis aller, un tel répertoire
contiendrait quantité de faits curieux ; le lefteur en
jugera par un petit nombre d’exemples, qui m’ont
paru dignes de lui être communiqués, 8c dont j’ai
confervé le fouvenir.
Premier exemple. Jeux variés de la nature dans un
même fujet. Non feulement l’on a découvert par l’A natomie
des jeux de la nature dans diverfes perfonnes,
fur quelques parties du corps humain en particulier
; mais il fe rencontre quelquefois dans un
même fujet plufieurs conformations différentes du
cours ordinaire. Morgagni en a v u de pareilles dans
trais ou quatre cadavres qu’il diffequoit en 174°*,
Savoir, i ° . fix vertebres lombaires dans un fujet
qui a voit vingt-fix côtes, dont la première foûtenoit
les petites côtes fnrnuméraires, 8c la derniere étoit
continuée à la première de l’os facrum. 20. Il a
trouvé dans un autre fujet la veine iliaque droite
revenant à fon origine, après avoir fait quelque
chemin au-deffous du tronc de la veine-cave, 8c formant
une efpece d’île. 30. Dans une femme de 39
,ans, il a vu quatre valvules, au lieu de trois, à l’orifice
de l’artere pulmonaire. Comme les autres variétés
qu’il trouva dans les mêmes fujets, portoient fur
des ramifications de vaiffeaux, fur des vertebres
doubles, fur des o s , &c. nous n’en parlerons pas.
Second exemple defemblables jeux. M. Poupart, fai-
fant la diffeÛion d’une fille âgée de fept ans, trouva
qu’elle n’avoit du côté gauche, ni artere, ni veine
cmulgente, ni rein, ni uretere, ni artere ni veine
fpermatiques ; il ne v it même nulle apparence qu’aucune
de ces parties eût jamais exifté, 8c fe fût flétrie
ou détruite par quelque indifpofition. Le rein 8c
l ’uretere du côté droit étoient feulement plus gros
qu’ils ne font naturellement, parce que chacun d’eux
etoit feul à faire une fonction qui aurait dû être partagée.
Hiß. de Vacad. ann. ty o o ,p .3«$. ^ ■
Troifieme exemple. Jeux de la nature tant intérieurement
q u 'extérieurement. Voici un troifieme exemple
de jeux de la nature, tant en-dedans qu’en-dehors,
dans une petite fille qui vécut peu de jours, 8c qui
fut difféquée foigneufement par Saviard 8c Duver-
ney.
Les mains de cette fille étoient extérieurement
Femblables aux mitaines que l’on met pendant l’hiver
aux petits enfans, fort unies au-dehors; elles
avoient en dedans plufieurs replis à l’ordinaire ; il
n’y avoit point de doigts à leurs extrémités , mais
elles étoient terminées par un gros bourlet ; les pies
étoient comme les mains fans orteils, 8t terminés
de la même maniéré.
L’on remarquoit à l’extrémité de chaque os du
métacarpe 8t du métatarfe un petit allongement qui
fembloit être difpofé à former la phalange d’un doigt
ou d’un orteil.
Quant aux vaiffeaux ombilicaux , il n’y avoit
quùine feule artere, au lieu de deux, qui font pour
l ’ordinaire des branches de l’iliaque ou de l’hypo-
gaftrique ; 8c cette artere étoit formée du tronc de
l’artere, qui aurait dû produire l’iliaque gauche.
Les capfules rénales étoient trois fois plus groffes
qu’elles ne le font naturellement, 8c leurs vaiffeaux
étoient à l’ordinaire.
Il n’y avoit dans la région lombaire, tant au cote
droit qu’au côté gauche, ni rein, ni vaiffeaux emul-
gens, ni ureteres; mais en pourfuivant la diffeftion
juiqu’à une tumeur qui s’élevoit fur l’os facrum , à
^’endroit où il commence fa courbure pour former
J E U 533
le baflin de Phypografte, 8c ayant ouvert la membrane
qui enveloppoit cette éminence, on apperçut
les deux reins. Ils étoient diftans l’un de l ’autre de
deux lignes ou environ, 8c cependant liés enfemble
par le moyen d’un petit uretere, qui fortant du rein
droit, alloit fe décharger dans un canal commun qui
recevoit pareillement un antre petit uretere fortant
du canal gauche ; ce canal commun fe portoit dans-
une poche commune.
Le fouffle introduit dans cette poche donna lieu
d’obferver deux petites matrices , qui avoient chacune
une veine 8c une artere fpermatiques, lefquelles
fe diftribuoient de leur côté à un petit tefticule attaché
au ligament large.
Ces deux petites matrices avoient chacune leurs
ligamens larges 8c ronds, leurs trompes, leurs franges
ou pavillons, leurs vaiffeaux déférens, 8c leur
vagin fort court ; cependant le droit un peu plus
long que le gauche, tomboit un peu plus bas dans
la poche commune; & le petit vagin gauche étoit
percé pour recevoir le canal commun de l’uretere ,
qui déchargeoit la férofité féparée par les reins dans
cette poche, laquelle n’étoit, à vrai dire, que la fin
du boyau droit un peu dilaté.
Il eft probable, par la defeription de ces organes
que fi cet enfant eût vécu jufqu’à l’âge des adultes ,
il eût été incapable de génération, par le mélange
qu’il y aurait eu de la femence avec les excrémens*
tant ftercoraux qu’urinaires, outre quéd’urine 8c les
matières ftercorales feraient forties involontairement.
Saviard, obftrv. $4.
Quatrième exemple de jeux de la nature dans la
tranfpojition des v 'ifceres d ’un enfant. J’ai lû les obfer-
vationsde deux ou trois exemples bien finguliers en
ce genre. Je commencerai par citer le fait communiqué
en 1742 à l ’académie royale des Sciences, par
M. Sué, parce que ce fait exclut tout fujet de doute.
L ’enfant, dont il s’agit, eft dans le cabinet du Roi*'
n°. 3 50. M .Daubenton en a donné la defeription 8c
la figure dans Yhijloirc de ce cabinet, tab. iij. p. 2.04.
Planche V I I I .
La poitrine 8c le bas-ventre de cet enfant, ainfi
que les vifeeres qui y étoient renfermés, paroiffent
à découvert ; on voit clairement leur tranfpofition;
Voici comme ils font fitués.
La pointe du coeur eft tournée à droite, 8c la bafe
eft inclinée à gauche. Les troncs des gros vaiffeaux
font tranfpofés d’un côté à l’autre ; ainfi la courbure
de l’aorte eft dirigée du côté droit, l’oefophage eft
placé du côté droit \ la bifurcation de la trachée-
artere fe trouve au côté gauche de l’aorte, & le poumon
a trois lobes de ce même côté.
Le foie eft à l’endroit où devrait être la rate, qui
eft placée du côté droit ; l’orifice fupérieur de l’ef-
tomac eft à droite, 8c le pylore à gauche. La direction
du canal inteftinal étoit en fens cohtraire, à
celui de l’état ordinaire. Le pancréas eft placé fous
la rate, 8c fon conduit eft dirigé du côté gauche,
pour entrer dans le duodénum avec le canal choli-
doque. Il n’avoit que le rein gauche, 8c il étoit plus
gros qu’il ne devoit être. Les capfules atrabilaires
étoient à leur place.
Les vaiffeaux étoient tranfpofés comme les vif*
ceres, & le canal thorachique s’ouvroit dans la fou-
claviere du côté droit. La veine ombilicale étoit di*
rigée du côté gauche, pour arriver dans la feiffure
du foie.
L’enfant eft mort cinq jours après fa naiffance ;
mais faut-il en attribuer la caufe au dérangement de
fes parties, qui étoient d’ailleurs très-bien conformées
? C ’eft ce dont il eft permis de douter, d’autant
mieux que nous avons l’exemple d’un foldat qui a
vécu 70 ans, quoiqu’il eût un déplacement général
de toutes les parties contenues dans la poitrine 8c