
870 J O I le cliquetis, la luxation, l’anchylofe, 6c Timpuif-
fance des motivemens.
Mais ces cas rares ne détruifent point le merveilleux
appareil des organes de notre charpente ; con-
fidérez feulement pour vous en convaincre., Pinfer-
tion des mulcles à l’aide delquels les jointures fe
peuvent tirer de différens côtés, félon les fondions
particulières de leur deftination ; la fabrique curieufe
des os, la variété de leurs articulations pour exécuter
tous les mouvemens de flexion , d’extenfion,
de reffort, de genou, de charnière, de couliffe ,
de pivot Si de roue.
Confidérez la force des ligamens pour maintenir
les os en refpeft; confidérez fur-tout les cartilages
placés aux extrémités des jointures, leur périchon-
dre, leurs vaiffeaux vafçuleüx, leurs glandes muci-
lagineufes & huileufes, qui diftillent perpétuellement
une humeur lubrifiante , pour arrofer, nour-
j-jj-, prévenir les frottemens, 6c faciliter en toute
occafionles mouvemens que nous voulons exécuter.
Enfin la foupleffe, la flexibilité à laquelle on peut
amener les jointures par un confiant exercice mis en
ufage dès la plus tendre enfance, eft une choie fl
furprenante, qu’on auroit de la peine à l’imaginer
fi l’on n’en avoir pas le fpectacle dans ces perl'on-
nes qui le donnent aux yeux du peuple pour de l’argent,
6c à ceux du phyficien pour confondre lès
connaiffances.
Les tranfaélions philofophiques, n. 242, p. 262,
parlent d’unAnglois nommé Clarck, qui avoit trouvé
fur la fin du dernier fiecle le fecret de déboiter, de
tordre , de luxer, de difloquer la plupart des jointures
de fon corps, à un degré de Angularité qu’on
croyoit impraticable. Il eut une fois le talent de
pouffer fi loin fes diftorfions, qu’un fameux chirurgien
appellé pour le traiter, après l’avoir attentivement
examiné, refufa de l’entreprendre, 6c déclara
que le cas étoit incurable ; mais à peine eut-il prononcé
cet arrêt, qu’à fon grand etonnement il vit
le prétendu malade effacer de lui-même toutes fes
diftorfions , 6c lui prouver combien le pouvoir de
la nature l’emporte fur celui de l’art. (D . J.)
Jo i n t u r e , (Ecriture.') fe dit aufli dans l’écriture
des différentes fituations de plume ; à la première
& fécondé jointure du doigt index.
Jo in tu r e , che^ les Cordonniers, c’efl la couture
qui joint les deux quartiers du foulier.
J o i n t u r e & Jo i n t e , (Maréchal.) fe dit pour
paturon dans les occafions fuivantes ; la jointure
grojjè, c’eft-à-dire, le paturon gros, ce qui eft une
bonne qualité ; la jointure menue eft une mauvaife
qualité, fur-tout lorfqu’elle eft pliante, c’eft-à-dire
que le bas du paturon eft fort en devant ; la jointure
longue ou courte fait dire d’un cheval, qu’il eft long
ou court jointe. Foye^ Jo i n t e .
Jo i n t u r e , (Peinture.) on appelle jointure en
Peinture le lieu où fe joignent deux parties différentes
de la même figure, comme la jambe avec la cuif-
fe , le bras avec l’avant-bras, &c.
JOINVILLE, ( Géog. ) petite ville de France en
Champagne, dans le Vallage, avec titre de principauté
érigée, en 15 52.
Ceux qui donnent à cette ville une grande ancienneté
, & qui en font remonter l’origine à Jovin,
lieutenant de Valentinien, empereur d’OcCident,
l’ont nommée Jovini villa j ceux au contraire qui
rapprochent fon origine au fiecle de Louis le Gros,
-c’ eft-à-dire au XII fiecle, 6c je crois qu’ils ont raifon,
l’appellent Johannis villa. Elle eft fur la Marne, à 6
-lieues de S.D iz ier , 28. S. E. de Reims, 10 S. O.
de Bar-le-Duc, 50 S. £. de Paris. Long. 22.45. lat.
,48.. a.©. , . .. w : e . .
Charges û§ Lçrraine i cardjpal 2 stâquit à, JQinyilte
J O I le 17 Février 1519; on ne peut s’empêcher de vouloir
le connoître, quand on confidereque cette con-
noiffance fait celle de‘trois régnés confccutifs, les
plus intéreflàns de notre hiftoire ; ainfi j’efpere qu’on
m’excufera, fi je'm’étends un peu à peindre un homme
qui a joué fous ces trois régnés un fi grand rôle,
6c dont la naiffance a été fi funefte à l’état.
Doué par la nature de grandes qualités, il ne
chercha qu’à fatisfaire fon ardeur infatiable d’.acqué-
rir des biens 6c des honneurs ; il s’infinua par de
baffes eomplaifances dans la faveur de la ducheffe
de Valentinois, maîtreffede Henri II, & qui menoit
tout à fa volonté ; fon crédit devint fans bornes fous
François II , car lui 6c le duc de Guife, fon frere,
gouvernoient le royaume à leur fantaifie ; en 1558,
ils entammcrent des conférences feçretes à Péronne
avec Granvelle, évêque d’Arras, pour la ruine des
Colignis 6c de leur parti.
La crainte qu’eut le pape d’un concile national en
France, l’obligea d’affembler en 1562 un concile
général à Trente; le cardinal de Lorraine s’y rendit
avec un train d’une magnificence incroyable ; les
légats, les évêques del’affemblée, les ambaffadeurs
des miniftres étrangers , allèrent au - devant de lui
pour le recevoir ; fa puiffance , fon cortège , fon
génie, cauferent de l’ombrage & de la jaloufie au
pontife de Rome ; il ramaffa fes forces, & faifi de
crainte, il pria Philippe de le foutenir dans le con-
cile.
Le rang 6c le pouvoir du cardinal de Lorraine
étoient portés fi loin , que le connétable Anne de
Montmorency lui écrivoit Monfeigneur , 8t fignoit,
votre très-humble & très-obéijjant ferviteur ; & le cardinal
écrivoit Monjieurle Connétable, 6c au bas, votre
bien bon. ami. A la mort de fon frere le duc de
Guife qu’il apprit étant à T rente, il nç fongea qu’à
s’accommoder avec le pape, ne foutint plus les libertés
de l’églife gallicane, 6c trouva convenable, pour
les intérêts de fa maifon, de s’humanifer avec fa
fainteté.
A fon retour de T rente, on lui accorda des gardes
, qui non-feulement eurent ordre de l’accompagner
jufques dans le Louvre, mais encore de ne le
pas quitter à l’autel, 6c de mêler ainfi l’odeur de la
mèche parmi l’odeur de l’encens & des parfums fa-
crés ; privilège affez fembkible à celui qu’obtint
depuis le cardinal de Richelieu.
En 1572, il fe rendit à Rome pour entretenir le
pape des grands projets qu’il avoit concertés avec la
reine-mere, dont le principal étoit le maffacre de la
S. Barthélemi ; il fit compter mille écus d’or à un
gentilhomme du duc d’Aumale, qui lui en apporta
la nouvelle, & fe rendit en proceffion à l’églife de
S. Louis, où il célébra la meffe à ce fujet avec une
pompe fuperbe. Il revint en FranceÆn 1574, aflifta
à une desprocefiions de pénitens, établie par Henry
I II, y prit du froid, de la fievre, & mourut le 23
Décembre, âgé de 55 ans.
Plongé dans la galanterie pendant tout le cours
de fa v ie , il féduifoit les femmes par fa figure, par
fon efprit, 6c plus encore par fes préfens. « J’ai oui
» conter , dit Brantôme , que quand il arrivoit à la
» cour quelque fille ou dame qui fût b elle, il la ve-
» noit accofter, & lui difoit qu’il la vouloit dreffer ;
» aufli y en avoit-il peu qui ne fuffent obligées de
» ceder à fes largèffes, 6c peu ou nulles font-elles
« forties de cette cour femmes ou filles de bien.. . .
Il n’eut pas fon égal en dépenfes fafteufes, qui
aocompagnoient toutes fes allions , & s etendoient
même fur les pauvres 6c les mendians. Son valet
de chambre, qui manioit fon argent des menus plai-
firs, portpit une grande gibeciere qu’ il rempliffoit
tous les matins de trois ou quatre cent écus, 6c les
diftribuoiç
J O L idiftribùôit aux pauvres qu’il rencohtrôit ; 6c ce qu’il
en tiroit, le donnoit fanS y rien trier. . .
La fierté avec laquelle il traita la ducheffe de Savoie
, en la baifant par force, peint fôn orgueil 6c
fon amour-propre. Eft-ce avec moi; lui d i t - i l ,
•„qu’il faut ufer dé Cette mine & façon ; je baifé
>, bien là reine ma maîtreffe, qui eft la plus grande
„ reine du monde , & v ou s, je ne vous baifèrois
pas , qui n’êtes qu’une petite ducheffe crottée., . .
La violence de fon caraétere s’exerça contre lés
prôteftans de France, tandis qu’il penfionnoit par
politique les prôteftans d’Allemagne ; l’infulte qu’il
reçût eh fortant de la maifon d’une courtifane ; l’obligea
à faire aller toute la cour à Saint-Germain,
malgré l ’ancienne coutume ; 6c la ridicule prédiâioii
d’un aftrologue, qu’il feroit tué d’un arme à feu ,
l’engagea à faire défendre tout port d’armes fous le
fegne de François II. Ajouterai-je ici qu’on a trouvé
dans les archives de Joinville, Une indulgence en ex-
pe&ative pour ce cardinal 6c douze perfonnes de fa
fuite, laquelle indulgence remettoit à chacun d’eux
par avance trois péchés à la fois. ( D . J. )
IOL , fi m. ( Coriim. ) nom d’une efpece de petits
vaiffeaux légers, dont les Ruffes 6c les Danois fe
fervent pour naviger.
IOLCOS , ( Géog.anc. ) c’étoitùné ville de Thef-
falie , dans le canton de Magnifie , à un quart de
lieue de Démétriade, fur le golphe Pélaigique ;
e ’eft Strabon qui. le dit, & qui ajoute enfuite qu’elle
étoit démolie depuis long-tems; Pline, /iv. F i l.
chap. Lvij. nous apprend que ce fut à Jolcos, qu’Aeaf-
te inventa les jeux funèbres ; le pays de Jolcûs étoit
eftimé par les magiciens pour la vertu de fes plantes;
voilà pourquoi ,• félon les poètes, Médées’y rendit
en venant du Pont. ( D . J.
IOLÉES, fi\f. pl. ( Littér. ) c’efl: lé nôni des fêtes
ou des jeux que les Athéniens confacrerent à Iolas *
fils d’ iphiclus ; neveu d’Hercule 6c compagnon de
fes travaux. La ville d’Athenes éleva des monu-
mensà ce héros, lui dreffaun autel, & inftitua les
lolées eh fon honneur. (D . J . )
JOLI, adj. (Gram.) notre langtvé à plufieurs traités
eftimés fur le beau , tandis que l’idole à laquelle
nosvoifins nous acculent de facrifier fans cêffe, n’à
point encore trouvé de panégyriftes parmi nous. La
plus jolie nation du monde n’a prefque rien dit encore
fur le joli.
Ce filencè reffemblerdit-il au faint refpèft qui dé-
fendoit anx premiers Romains d’ofer repréfenter les
dieux de la patrie , ni par des ftatues , ni par des
peintures , dans la crainte de donner de ces dieux des
idées trop foibles & trop humaines ? car on ne fau»-
toit penfér que nous rougilfions de nos avantages ;
le plaifir d’être le peuple le plus aimable, doit nous
Conloler un peudu ridicule qu’on trouve aux foins
que nous prenons de le paroître. E h , qu’importe
aux François l’opinion fauffe qu’on peut fe faire de
leurs charmes? Heureux fi par Une légérèté trop
peu limitée, ils ne détruifoient pas cette efpece d’a^-
gréméns qui leur font fi propres, en croyant les multiplier!
L’affeûatiort eft à côté des grâces , 6c là plus
légère exagération fait franchir les bornes qui les
féparent.
Les philofophes lés pliis aufteres ont approuvé le
culte de ces divinités ; leurs images e'nchantereffes
étoient forties des mains du plus fage de tous les
Grecs. Il eft vrai que le cifeau de Socrate les avoit
enveloppées d’un voile que peut-être nous àvons
Iaiffé tomber comme firent les Athéniens.
Speujtppe, dil’ciplé 6c fucceffeur de Platon, embellit
auffi du portrait des grâces la mêiiie école où
fon maître avoitéclairé le paganifmepar les lumières
de la plus haute raifon. Eh , qui ne fait le confëil
que.donnoit fouvent Platon même à Zinocrate, dont
Tome F I IL
J O L 871 il fouffroit avec peine la trifte & pédante févérité ?
Je ne crois pourtant pas que le projet de Platon
fût de rendre lôn difeipie aufli jo li que nous ; quoi
qu’il en foit, c’efl: la nature elle-même qui nous a
donné l’idée des grâces en nous offrant des fpetta-
cles qui femblenc être leur ouvrage. Elle ne veut
pas nous aflèrvir toujours fous le joug de l’admiration;
cette mere tendre 6c careffante cherche fou-*
Vent à nous plaire.
Si le beau qui nous fràppe 6c nous tranfporte, eft
un des plus grands effets de fa magnificence , le jo li
n’eft-il pas un de fes plus doux bienfaits ? Elle fem-
ble quelquefois s’épuilèr ( filé l’ofe dire.') en galanteries
ingénieufes , pour agiter agréablement notre
coeur & nos fens, 6c pour leur porter le fentiment
délicieux & le germe des plaifirs.
La vûe de ces aftres qui répandent fur nouà paf
lin cours 6c des réglés immuables , leur brillante 61
féconde lumière; la voûte imnienfe à laquelle ils
paroiffent fufpendus, le fpéftacle fublime dei mers ,
les grands phénomènes ne portent à l’ame que des
idéeà majeltueufes ; mais qui peut peindre le fecret
6c le doux intérêt qu’infpire.le riant afpeét d’un tapis
émaillé par le foufle de Flore 6c la main du pria;
tems? Que ne dit point aux coeurs fenfibles ce bo*
cage Ample 6c fans a r t , que le ramage de mille
amans ailés, que la fraîcheur de l’ombre 6c Tonde
agitée des ruiflèaux lavent rendre fl touchant ? T el
eft le charme des grâces, tel eft celui du joli qui
leur doit toujours fa naiffance ; nous lui cédons par
un penchant dont la douceur nous féduit. '
11 faut être de bonne foi. Notre goût pour le jo li
fuppofe .un -peu moins parmi nous de ces âmes élevées
& .tournées aux brillantes prétentions de Thé-
roïfme , que de ces âmes naturelles, délicates 6c faciles
, à qui la loei.été doit tous .fes attraits. Peut-
être les r.aiiOns dû climat 8c du gouvernement, que
le Platon de notre fiecle > dans le plus célébré, de fes
ouvrages.; donne fouvent pour là fpurce des aflions
des hommes, font-elles, lés véritables cailles de nos
avantagés fur les autres .nations , par rapport au
: .. . ;
Cet empire du nord ; enlevé de notre tems à fon
ancienne barbarie par les foins & le génie du plus
grand.dè fes rois, pourroit-il arracher de nos mainS
& la couronne des .grâces & la ceinturé du Vénus î
Le phyfique y mettroit trop d’obftaeles ; cependant
il peut naître dans cet empire quelque homme infpi-
ré fortement ; qui nous difpute un jour la palme dti
génie, parce que le fublimè & le beau font plus in-
dëpendànsdes caüfes locales.'
i Ce phantôme fahgiant dé là îiberté, qui avoit
câufé tant de troùbles chez les Romains , qui partout
fubfifte fi difficilement par d’autres voies, avoit
difparu fous Théritiër.& le neveu de Céfar. La paix
ramena l Jabondanee, 6c l’abondance iie permit de
fohger au nouveau joug ; que pour -en recueillir les
fruits ; l’intérêt de la choie publique né regardoit
plus qu’un feul homme , & dès-lors to;iis les autres
purent ne s’occuper que de leur bonheur 6c dé
leurs plaifirs. Otez les grands intérêts, les vaftes
paflions aux hommes , vous les ramenez aü per-*
fonnel. L’art d.é jouir devient de tous les arts le plus
précieux ; de-là naquirent bientôt le goût & la dé-
licateffe t il falloit cètte févôlution aux vers que
foupira Tibule;
T el eft -à peu près le .tableau de ce qui fe paffa
fous le fiecle de Louis le Grand. Tandis que Corneille
étonne & ra v it , les grâces 6c le dieu du goût
attendent pour naître des jours plus fereins. Voitu-
re paroît les annoncer ; fes contemporains croyent
les voir autour de lui ; cet écrivain en obtient même
quelquèfois un fouriré : mais les jours heureux
, des plaifirs délicats, les jours de Turbanïté françoi*