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bat un enfant, ce n’eft point en forme de peine ; ce
font de Amples correaions, par lefquelles. on le
propofe principalement d’empêcher qu’il ne con-
traôe de mauvaifes habitudes.
30. A l’égard de ce qui e t fait dans r ivreffe,
toute ivrefle contradée volontairement, n’empêche
point l’imputation d’une mauvaife action commife
dans cet état. \ ‘ / - ■ f
40. L’on n’impute à perfonne les chofes qui lont
véritablement’ au-deflus de les forces, non plus que
l’omiflion d’une chofe ordonnée fi l’occafion a manqué
: car l'imputation d’une omifjion fuppofe mani-
feftement . ces deux chofes, i°. que l’on ait eu l;es
Forces & les moyens néceflaires-pour agir ; 2°. que
l’on ait pu faire ufage de ces moyens fans préjudice
de quelqu’autre devoir plus indifpenfable. Bien entendu
que l’on ne fe foit pas mis par fa faute dans
i ’impuiflance d’agir : car alors le législateur pour-
roit aufli légitimement punir ceux qui fe font mis
dans une telle impuiflance que fi étant en état d’agir
ils refufoient de le faire. T el etoit à Rome le cas de
ceux qui .fe coupoient le pouce, pour fe mettre
hors d’état de manier les armes, 8c pour fe difpen-
fer d’aller à la guerre.
A l e g a r d d e s ch o fe s fa i te s p a r ig n o r a n c e o u p a r
e r r e u r , o n p e u t d ire e n g é n é r a l q u e l ’o n n’ e ft p o in t
r e fp o n fa b le d e c e q u e l’ o n fa i t p a r u n e ig n o r a n c e
in v in c i b l e , &c. Foye[ IGN ORAN C E.
Quoique le tempérament, les habitudes & les
pallions ayent par eux-mêmes une grande force
pour déterminer à certaines adions ; cette force n’eft
pourtant pas telle qu’elle empêche abfolumentl’u-
i'age de la raifon 8c de la liberté , du moins quant à
l’exécution des mauvais defleins qu’ils infpirent.
Les difpofitions naturelles , les habitudes & les paf-
fions ne portent point invinciblement les hommes
à violer les lois naturelles, & ces maladies de l’ame
ne font point incurables. Que fi au lieu de travailler
à corriger ces difpofitions vicieufes ^on les fortifie
par l’habitude, l’on, ne devient pas ^excufable
pour cela. Le pouvoir des habitudes e ft ,' à la vérité,
fort grand; il femble même qu’elles nous entraînent
par une efpece de nécefiité à faire certaines chofes.
Cependant l’expérience montre qu’il n’eft point im-
polîïble de s’en défaire, fi on le veut férieufement ;
8c quand même il feroit vrai que les habitudes bien
formées, auroient fur nous plus d’empire que la raifon
; comme il dépendqit toujours de nous de ne
pas les éontr'ader, elles ne diminuent en rien le vice
des a&idns mauvaifes, 8c ne fâuroient en empêcher
Y imputation. Au contraire, comme l’habitude à faire
le bien rend.les allions plus louables, l ’habitude, au
vice ne peut qu’augmenter le blâme. En un mot,
fi les inclinations , les paflions 8c les habitudes pou-
v oient empêcher l’effet des lois,, il ne faudroit plüs
parler .d’aucune diredion pour les allions humain
es ; car lé principal objet des lois en général eft
de corriger les. mauvais penchans, de prévenir les
habitudes yicieufes, d’en empêcher les effets, 8c de
déraciner les pa yon s, ou du moins de les contenir
dans leurs juftes bornes..!.....
Les' différen.s cas que nous avons parcourus juf-
qu’iç ï n’ont rien de bien difficile. Il en refte quelques
autres ufi peu plus embarraflans, 8e qui demandent.
une dileufliqh un peu plus détaillée.
Premièrement on demande ce qu’il faut penfer
des avions auxquelles on eft forcé ; font-elles de
nature à pouvoir être imputées, "8c doivent-elles
l’être effediv ement ?
_ Jè réponds, i° . qu’une violence phyfiqlië,'8c
tellé qu’ il eft abfolument împoffîble d’y réfifter, produit
une. adion involontaire, qui bie'n-loin de yne-
riter d’ êtrê aduellemént imputée, n’eft pas même
imputable &Ç, fa nature.
I M P
- 2.0. Mais fi la contrainte eft produite par la craintë
de quelque grand mal, il faut dire que l’adion à laquelle
on fe porte en conféquence, ne laiflé pas
d’être volontaire, & que par conféquent elle eft de
nature à pouvoir être imputée.
Pour connoitre enfuite fi elle doit l’être effedi-
vement, il faut voir fi celui envers qui on ufe de
contrainte eft dans l’obligation rigoureufe de faire
une chofe ou de s’en abftenir, au hafard de fouffrir
le mai dont il eft menacé. Si cela e f t , & qu’il fe
détermine contre fon devoir , la contrainte h’eft
point une raifon fuffifante pour le mettre à couvert
de toute imputation ; car en général, on ne fauroit
douter qu’un fupérieur légitime ne puiffe nous mettre
dans la néceflîté d’obéir à fes ordres, au hafard
d’en fouffrir, 8c même au péril de notre vie.
En fuivant ces principes, il faut donc diftinguer
ici entre les avions indifférentes (voyeç L'article MORALITÉ)
& celles qui font moralement néceflaires.
Une adion indifférente de fa nature, extorquée par.
la force, ne fauroit être imputée à celui qui y a été
contraint, puifque n’étant dans aucune obligation
à cet égard, l’auteur de la violence n’a aucun droit
d’exiger rien de lui. Et la loi naturelle défendant
formellement toute violence, ne fauroit en même
tems l’autorifer, en mettant celui qui la foùffre dans
la nécefiité d’exécuter ce à quoi il n’a confenti que
par force. C ’eft ainfi que toute promeffe ou toute
convention forcée eft nulle par elle-même, 8c n’a
rien d’obligatoire en qualité de promeffe ou de convention
; au contraire elle peut & elle doit êtrè imputée
comme un crime à celui qui eft auteur de la
violence. Mais fi l’on fuppofe que celui qui emploie
la contrainte ne fait en cela qu’ufer de fon droit 8c
en pOurfuivre l’exécution, l’adion, quoique forcée,'
ne laiffé pas. d’être valable, 8c d’être accompagnée
de tous fes effets moraux. C ’eft ainfi qu’un débiteur
fuyant, ou de mauvaife foi, qui ne fatisfait fon
créancier que par la crainte prochaine de l ’empri-
fonnement ou de quelque exécution fur fes biens ,
ne fauroit réclamer contre le payement qu’il a fait,
comme y ayant été forcé.
Pour ce qui eft des bonnes adions auxquelles on
ne fe détermine que par force, 8c, pour ainfi dire ,
par la crainte des coups ; elles ne font comptées
pour rien, 8c ne méritent ni louange ni récompense.
L’on en voit aifément la raifon. L’obéiflance que
les lois exigent de nous doit être fincere, 8c il faut
s’acquitter de fes devoirs par principe de confidence
, volontairement & de bon coeur.
Enfin à l’égard des adions manifeftement mauvaifes
8c criminelles, auxquelles on fe trouve forcé
par la crainte de quelque grand mal, 8c fur-tout de là
mort ; il faut pofer pour réglé générale, que les circonftances
fâcheufes où l ’on fe rencontre , peuvent
bien diminuer le crime de celui qui fuccombe à cette
épreuve ; mais néanmoins l’adion demeure toujours
vicieufe eri elle-même , 8c digne de reproche ; en
conféquence de quoi elle peut être imputée, & elle
l’eft effectivement, à moins que l’on n’allegue en fa
faveur l ’exception de la nécefiité. Une perfonne qui
fe détermine par la crainte de quelque grand mal ,
mais pourtant fans aucune violence phyfique, à exécuter
une adion vifiblement m auvaife, concourt en
quelque maniéré à l ’adion , 8c agit volontairement,
quoiqu’avec regret. D ’ailleurs il n’eft point àbfolu-
ment au-deflus de la fermeté dé l’efprit humain , de
fe réfoudre à fouffrir & même à mourir, plutôt que
de manquer à, fon devoir. Le légiflatèur peut donc
im'pofer l ’obligation rigoureufe d’obéir , & il peut
avoir de juftes raifons de le faire. Les nations civili-
fées h’ont jamais mis enqueftion fi l ’on pouvoir, par
exemple,; trahir fa patrie pour conferVér fa vie. Plü-
fieurs moraliftes payens ont fortement foutenu qu’il
' • ....i:
I M P ne falloit pas céder à la crainte des douleurs 8c des
tourmens, pour faire des chofes contraires à la religion
8c à la juftice.
Ambigu ce f i quando citabere tefiis
Incertoeque reif Phalaris licet imperet, ut fis
F al fus, & admoto dicter perjuria tauro ,
Summum crede nefas animam praferre pudori ,
E t propter vitam vivendi perdere caufas.
Juvenal, Sat. S.
Telle eft la réglé. Il peut arriver pourtant, comme
nous l’avons infinité, que la nécefiité où l’on fe
trouve fournifle une exception favorable, qui empêche
que l’aftion ne foit imputée. Les circonftances
où l’on fe trouve donnent quelquefois lieu de préfu-
mer raifonnablement, que le légiflatèur nous dif-
penfe lui-même de fouffrir le mal dont on nous menace
, & que pour cela il permet que l’on s’écarte
alors de la difpofition de la loi ; & c’eft ce qui a lieu
toutes les fois que le parti que l’on prend pour fe tirer
d’affaire, renferme en lui-même un mal moindre
que celui dont on étoit menacé.
Des actions auxquelles plufieurs perfonnes ont part.
Nous ajouterons encore ici quelques réflexions fur
les cas où plufieurs perfonnes concourent à produire
la même action. La matière étant importante & de
grand ufage, mérite d’être traitée avec quelque pré-
cifion.
i ° . Les a étions d’autrui ne fâuroient nous être imputées
, qu’autant que nous y avons concouru, &
que nous pouvions & devions les procurer, ou les
empêcher, ou du-moins les diriger d’une certaine
maniéré. La chofe parle d’elle-même ; car imputer
l’aétion d’autrui à quelqu’un , c’eft déclarer que celui
ci en eft la caufe efficiente, quoiqu’il n’en loit pas
la caufe unique ; & que par conféquent cette aétion
dépendoit en quelque maniéré de fa volonté dans
fon principe ou dans fon exécution.
20. Cela pofé , on peut dire que chacun eft dans
une obligation générale de faire enforte, autant qu’il
le peut*, que toute autre perfonne s’acquitte de fes
devoirs, & d’empêcher qu’elle ne fafle quelque mauvaife
aétion, 8c par conféquent de ne pas y contribuer
foi-même de propos délibéré, ni directement,
ni indirectement.
3°. A plus forte raifon on eft refponfable des actions
de ceux fur qui l’on a quelque infpeCtion particulière.
C ’eft fur ce fondement que l’on impute à un
pere de famille la bonne ou la mauvaife conduite de
fes enfans.
4 . Remarquons enfuite que pour être raifonnablement
cenfé avoir concouru à une aCtion d’autrui,
il n’eft pas nécefiaire que l ’on fût sûr de pouvoir la
procurer ou l’empêcher, en faifant ou ne faifant pas
certaines chofes ; il fuffit que l’on eût là-deflus quelque
probabilité ou quelque vraiflemblance. Et comme
d’un côté ce défaut de certitude n’exeufe point
la négligence ; de l’autre fi l’on a fait tout ce que l’on
de voit, le défaut de fuccès ne peut point nous être
imputé; le blâme tombe alors tout entier fur l’auteur
immédiat de l’aClion.
50. Enfin il eft bon d’obferver encore , que dans
la queftion que nous examinons, il ne s’agit point du
degré de vertu ou de malice qui fe trouve dans l’action
même, 8c qui la rendant plus excellente ou plus
mauvaife, en augmente la louange ou le b lâme, la
récompenfe ou la peine. Il s’agit proprement d’efti-
mer le degré d’influence que l’on a fur l’aCfion d’autrui
, pour favoir fi l’on en peut être regardé comme
la caufe morale, & fi cette caufe eft plus ou moins
efficace, afin demefurerpour ainfi dire ce degré d’influence
qui décide de la maniéré dont on peut imputer
à quelqu’un une aCtion d’autrui ; il y a plufieurs
circonftances 8c plufieurs diftinCtions à obferyer.
Tome F U I .
I M P 639
Par exemple » il eft certain qu’en général, la fimple
approbation a moins d’efficace pour porter quelqu’un
à agir, qu’une forte perfuafion, qu’une inftigation
particulière. Cependant la haute opinion que l’on a
de quelqu’un , peut faire qu’une fimple approbation
ait quelquefois autant, 8c peut-être même plus d’influence
fur une a&ion d’autrui que la perfuafion la
plus preflante, ou l’inftigation la plus forte d’une autre
perfonne.
L ’on peut ranger fous trois clafles les caufes morales
qui influent fur une adion d’autrui. Tantôt
cette caufe eft la principale, enfortë que celui qui
exécute , n’eft que l’agent fubalterne ; tantôt l’agent
immédiat eft au contraire la caufe principale, tandis
que l’autre n’eft que la caufe fubalterne ; d’autres fois
ce font des caufes collatérales qui influent également
fur l’aâion dont il s’agit.
Celui-là doit être cenfé la caufe principale qui
en faifant ou ne faifant pas certaines chofes , influe
tellement fur l’aâion ou l’omiflion d’autrui, que fans
lui cette aôion n’auroit point été faite , ou cette
omiflîon n’auroit pas eu lieu , quoique d’ailleurs l’agent
immédiat y ait contribué Iciemment. Ainfi David
fut la caufe principale de la mortd’Urie , quoique
Joab y eût contribué connoiflant bien l’intention du
roi.
Au refte, la raifon pour laquelle un fupérieur eft
cenfé être la caufe principale de ce que font ceux
qui dépendent de lu i , n’eft pas proprement la dépendance
de ces derniers, c’eft l’ordre qu’il leur donn
e , fans quoi l’on fuppofe que ceux-ci ne fe feroient
point portés d’eux-mêmes à l’aftion dont il s’agit.
Mais celui-là n’eft qu’une caufe collatérale, qui
en faifant ou ne faifant pas certaines chofes , concourt
fuflifamment & autant qu’il dépend de lui , à
l’aôion d’autrui ; enforte qu’il eft cenfé coopérer
avec lu i, quoique l’on ne puiffe pas préfumer abfolument
que fans fon concours, l’aftion n’ait pas été
faite. -
Tels font ceux qui fourniflent quelques fëcours
à l’agent immédiat, ceux qui lui donnent retraite &
qui le protègent, celui par exemple, qui tandis qu’un
autre enfonce une porte, prend garde aux avenues,
&c. Un complot entre plufieurs perfonnes , les rend
pour l’ordinaire également coupables. Tous font
cenfés caufes égales & collatérales, &c.
Enfin la caufe fubalterne eft celle qui n’influe que
peu fur l ’a dion d’autrui, qui n’y fournit qu’une légère
occafion , ou qui ne fait qu’en rendre l’exécution
plus facile , de maniéré que l’agent,.déjà tout
déterminé à agir, & ayant pour cela tous les fecours
néceflaires, eft feulement encouragé à exécuter fa
réfolution. Comme quand on lui indique la maniéré
de s’y prendre, le moment favorable, le moyen de
s’évader, ou quand on loue fon deflfein, & qu’on
l’excite à le fuivre, &c.
Ne pourroit-on pas mettre dans la même clafle
l’a&ion d’un juge , qui au lieu de s’oppofer à un avis
qui a tous les fuftrages, mais qu’il croit mauvais, s’y
rangeroit par timidité ou par complaifance ? Le mauvais
exemple ne peut aufli être mis qu’au rang des
caufe,s fubalternes, parce que ceux qui les donnent
ne contribuent d’ordinaire que foiblement au mal
que l’on fait en les imitant. Cependant il y a quelquefois
des exemples fi efficaces, à caufe du caradere
des perfonnes qui les donnent, & de la difpofition
de ceux qui les fuivent, que fi les premiers s’étoient
abftenus du m al, les autres n’auroient pas penfé à le
commettre ; 8c par conféquent ceux qui donnent ces
mauvais exemples , doivent être confédérés tantôt
comme caufes principales, tantôt comme caufes collatérales
, tantôt comme caufes fubalternes.
L’application de ces diftindions 8c de ces principes
fe fait d’elle-même : toutes chofes d’ailleurs éga-
M M m m