
612 I M P tre côté du chaflïs , avec la même précaution 8c la
même attention, ferre avec les doigts, & y met les
coins. Puis il prend un taquoir (voyc{ Varticle T a *
q u o ir & lts Planches) ,.taque la forme, c’eft-à-dire
porte le taquoir fur toutes les pages de la forme l ’une
après l’autre, en frappant doucement deflus avec
le manche d’un marteau , pour abaiffer les lettres
hautes ; enfuite en frappant avec la maffe du même
marteau fur les coins, il les ferre peu -à -peu , 8c
par degrés l’un après l’autre, en commençant par
ceux du pié & par les plus petits. Après avoir ferré,
il fouleve tant-foit-peu la forme , pour voir s’il y a
quelque lettre qui branle, & qui puiffe tomber en levant
la forme. Si cet inconvénient vient d’un défaut
des b.ois de garniture' ou du chaflïs, il eft facile d’y
remédier, en pouffant un peu avec la pointe les lettres
de deflus ou de deffouS fur celles qui veulent
tomber. Si au contraire l’inconvénient vient de quelque
ligne mal juftifiée, c’eft-à-dire trop foible par
elle-même, ou parce qu’elle fe trouve précédée ou
fuivie d’une ligne trop for te , qui l’empêche d’être
ferrée par le bois de la garniture, le compofiteur eft
obligé de deflerrer, de juftifier la ligne, ou celle de
deflus ou de deflous qui càufe l’inconvénient, de ferrer
, & de fonder la forme : alors fl rien ne b ranle, il
la leve , regarde fur le marbre fl rien n’eft tombé ,
la porte auprès de la prefle aux épreuves , & la met
de champ contre un mur ou quelque chofe de ftable,
de façon qu’elle ne préfente que le pié de la lettre.
Il n’y a encore qu’une forme impofée, qui eft celle
àppellée la deux & trois ; il faut préfentement impo-
fer le côté de la première. Le compofiteur va prendre
fous fon rang les huit pages qui reftent, qui font
la première, la quatre & la cinq, la huit & la neuf,
la douze & la treize, & la feize, qui eft la derniere,
& les apporte fur le marbre. Il place la premierefous
fa main gauche, la quatre fous fa main droite, la cinq,
tête contre tête au-deffus de la quatre , la huit, tête
contre tête au-deflus de la première , la neuf à côté
de la huit, la douze à côté de la cinq, la treize à côté
de la quatre, 8c la feize à côté dé la première ; la
première & la derniere d’une feuille étant toujours
dans i’impofition à côté l’une de l ’autre, excepté
dans le cas où la feuille forme plufieurs cartons fé-
parés; alors la première & la derniere de chaque carton
doivent être placées à côté l’une de l’autre, ainfi
qu’à toutes les impofitions quelconques. Le compofiteur
revoit les folio de lès pages, les mouille avec
uné éponge , couche Ion chaflïs , met la garniture,
délie fes pages, garnit de coins un côté, puis en fait
autant de l’autre côté, taque la forme, la ferre , la
fonde pour voir fi rien ne branle, la le v e , la porte
où il a mis l’autre, & la met avec elle pié contre pié.
Auflitôt que ces deux formes fonr impofées, le
compofiteur avertit les ouvriers de la prefle ([voyeç
l'article PRESSE & les Planches) de faire épreuve (voyeç
l'article Epreuve) , leur indique où il a mis les formes,
& de quel format elles fon t, & leur en donne
la copie (vaye{ l'article C o pie ) pour la remettre au
prote avec l’épreuve. Celui des deux ouvriers de la
prefle qui doit faire l’épreuve, prend les balles (voyez
l'article Balle & nos Planches) & une feuille de papier
blanc ramoitie, enveloppée (fi c’eft l’été) dans
une feuille de papier gris aufli ramoitie, pour empêcher
la feuille blanche de fecher^'va à la prefle
aux épreuves (dans prefque toutes les imprimeries,
il y en aune deftinée à cet ufage) ,met les balles fur
les chevilles, & les feuilles ramoities fur le tympan,
déroule la prefle fi elle eft roulée, regarde s’il y a
deflus quelques lettres tombées de la forme dont on
a fait précédemment épreuve, & les ôte s’il en trouve.
Pendant cet intervalle le fécond ouvrier de la
prefle prend une des formes à faire épreuve , celle
qui fe trouve devant, la met de champ fur la prefle
î M P
de façon que le côté de l’oeil foit tourné du côté des
jumelles, 8c la préfente au premier imprimeur, qui
la reço it, la couche , l’ajufte bien au milieu de la
prefle , roule un peu la prefle pour voir fi la forme
fe trouve' précifément fous le milieu de la platine,
déroule la prefle, prend de l’encre, en appuyant légèrement
une des balles fur le bord de l’encrier, les
diftribue en les faifant plufieurs fois pafler 8c repaf-
fer l’une fur l’autre, en les tournant en fens contraire
; touche la forme , c’eft-à-dire l’empreint d’une
couche d’encre très-légere, en appuyant deux ou
trois fois les balles fur l’oeil du caraftere, & remet
les balles fur les chevilles. Comme en touchant la
forme avec les balles, les bois de la garniture ont été
un peu atteints d’encre, 8c qu’ils pourroient noircir
les marges de la feuille deftinée pour l ’épreuve, les
deux ouvriers de la prefle couvrent ces bois avec
des bandes de maculature, ou avec une braie, qui
eft une maculature découpée fuivantla grandeur des
pages ; puis ils regardent avec attention fi la braie
ou les bandes ne portent pas fur la lettre, ce qui fe-
roit mordre l’épreuve, c’eft-à-dire qu’il y auroit fur
l’épreuve quelqu’endroit qui ne viendroit pas, ou ne
paroîtroit pas imprimé ; à quoi on remédie facilement
en éloignant la bande ou la braie autant qu’il
eft néceflaire. Celui qui fait l’épreuve, couche fa
feuille de papier blanc lur la forme, en prenant garde
à la bien marger ; couche aufli fur cette feuille la
feuille de papier gris, s’il craint que la feuille blanche
ne foit pas allez moite , ou qu’elle feche trop
tôt ; met par-deffus un blanchet, abaifle deflus le
tympan dégarni pour maintenir le blanchet ; roule la
prejfe à moitié, & tire le barreau deux ou trois fois ,
plus ou moins fort, en raifon de la grandeur du format
& de la petiteffe du caraâerë ; roule encore la
prefle plus ou moins avan t, fuivant la grandeur de
la forme, & tire le barreau deux ou trois fois ; déroule
allez pour que le milieu de la forme fe trouve
fous le milieu de la platine, 8c tire encore le barreau
deux ou trois fois. L’ouvrier de la prefle déroule
alors entièrement la prefle, leve le tympan & les
blanchets feulement, & regarde fon épreuve. S’il
s’apperçoit qu’il y ait quelqu’endroit qui n’ait point
été imprimé , il monte ou defeend, avance ou recule
la forme fur la prefle, fans déranger aucunement
la feuille qui tient encore à l’oeil du cara&ere
remet le blanchet, abaifle le tympan , fait repaffer
fous la platine l’endroit qui n’a point été foulé, &
tire le barreau deux ou trois fois. S’il n’y a que quelque
inégalité dans le foulage, il y fupplée en appuyant
la racine du pouce fur les endroits qui pa-
roiffent avoir été moins foulés ; puis il leve la feuille
de deflus la forme doucement 8c avec précaution ,
crainte de la déchirer, 8c la remet dans fon enveloppe
pour la maintenir moite & en état de recevoir
l’impreflïon de l’autre cô té , n’étant encore imprimée
que d’un feul côté. II leve la forme de deflus la
prefle , l’y maintient de champ un inftant avec une
main, reçoit de l’autre main l’autre forme qui lui eft:
préfentée par le fécond ouvrier qui faifit celle qui
vient de pafler fous la prefle, & la porte auprès du
compofiteur. Le premier ouvrier abaifle la fécondé
forme fous la p refle, en regarde la fignature pour
voir fi fon compagnon ne s’eft point trompé, 8c ne
lui a point apporte une forme pour une autre, parce
qu’en ce cas il faudroit faire une autre épreuve ,
l’ajufte bien au milieu de la prefle, prend Un peu
d’encre s’il eft néceflaire, diftribue les balles y touche
la forme, met les bandes ou la braie fur les bois de
garniture, pofe la feuille du côté qu’elle eft blanche
fur la forme, de façon que les pages à imprimer puif-
fentfe rencontrer jufte fur celles qui viennent de l’être
, & prenant garde de tranfpoler, c’eft-à-dire intervertir
l’ordre des pages en renversant la feuille
I M P au lieu de la retourner, ou la retournant au lieu de
la renverfer ; met la feuille de papier gris ; met le
blanchet par- deflus , abaifle le tympan , roule la
prefle , imprime le fécond côté comme il a imprimé
le premier ; déroule la prefle, leve le tympan 8c le
blanchet, obferve le foulage, remédie aux défauts,
leve la feuille, la plie en trois ou quatre, félon le
format, la prefle un peu avec la main furie tympan
pour abaiffer le foulage, & la porte au prote avec la
copie, tandis que le compagnon porte la fécondé
forme auprès du compofiteur, 8c la met avec la première.
Il y a de l’art à faire une bonne épreuve •, tous
les ouvriers qui travaillent à la prefle n’y réufliffent
pas également, parce qu’ils négligent fouvent les
précautions indiquées ici.
Le prote déploie l’épreuve & la laifle fécher :
quand elle eft feche, il-la plie & la coupe : alors il
fait venir un lefteur, qui eft ordinairement un apprenti
, qui lit la copie, pendant que le prote le fuit
attentivement mot à mot fur l’épreuve , 8c marque
à la marge, au moyen de différens lignes ufités dans
l’Imprimerie^ 8c qu’on voit dans nos Planches, les fautes
que le compofiteur a faites en compofant, comme
les lettres renverfées , les coquilles., les fautes
d’orthographe, les fautes de grammaire & de ponctuation
, les bourdons ou omiflïons, les doublons ou
répétitions ; obfervant de rendre fes correftions intelligibles
, de les placer par ordre, 8c autant que
faire fe peut, à côté des lignes où elles fe trouvent.
Après que l’épreuve a été lue fur la copie, le prote la
repaffe encore feu l, s’il en a le tems, & marque les
fautes qui lui ont échappé à la première leâure. Enfin
il vérifie les folio, les fignatures 8c la réclame ;
après quoi il porte l’épreuve au compofiteur, & lui
explique les endroits où par la multiplicité des cor-
reàions il pourroit y avoir quelque difficulté , & qui
ont befoin d’explication.
Correction. Le compofiteur examine fon épreuve :
c’eft là qu’il trouve ou la récompenfe de fa capacité
8c de fon application , ou la peine dûe à fon impéritie
& à fon inattention. Etant obligé de corriger fes
fautes, moins il y en a fur fon épreuve, plutôt il en
eft quitte ; au lieu que quand l’épreuve eft chargée
de corrections, il faut y employer un tems confidé-
rab le, ce qui le fatigue beaucoup , la corre&ion
étant la fon&ion la plus pénible du compofiteur ; encore
eft-il prefqu’impoflïble que l’ouvrage n’en fouf-
fre. Après donc avoir examiné fon épreuve & bien
compris toutes les corrections, il va prendre une de
fes formes à corriger, la première qui fe préfente ,
s’il n’y a point dans la correction à reporter d’une forme
à l’autre : s’il y a à reporter d’une forme à l ’autre
, le compofiteur ne commence pas à corriger celle
dans laquelle il y aura à reporter, pour éviter de
defferrer deux fois la même formé. Il prend donc une
des deux formes, la met fur un marbre, l’y couche,
8c la defferre avec le marteau. Il revient enfuite à fa
ca fle, prend un compofteur, 8c leve fa correction,
c’eft-à-dire prend dans fa cafle les lettres dont il aura
befoin pour faire les corrections màrquéès fur fon
épreuve. En levant fa correction exactement, le
compofiteur ne peut manquer de tout corriger; car
s’il oublie de faire quelque correction , les lettres
qu’il trouve dans fon compofteur, autres que celles
qu’il a ôtées dans la forme corrigée, l’avertiffent de
l’omiflion. On fuppofe encore que l’ouvrage eft in-8°.
8c que la forme deffefrée fur le marbre eft le côté de
deux 8c trois. Il commence par lever les lettres qui
font marquées à la deux, puis il va à la trois ; pafle
la quatre 8c la cinq, levela correction de la fix & la
fept ; pafle la huit & la neuf, leve la correction de
la dix 8c la onze ; pafle la douze 8c la treize, levela
correCtion de la quatorze 8c de la quinze , & laifle la
feize. Il met enfyite une pinçée ou deux d’efpaçes fur
I M P 613 un papier J prend fa pointe , 8c va au marbre pour
corriger. Il regarde fi les coins de la forme font affez
defferrés pour donner tant-foit-peu de jeu au caractère
, fans cependant qu’aucune lettre puiffe fe déplacer.
Le compofiteur tenant donc de la main gauche le
compofteur dans lequel font les lettres néceffaires
pour la correCtion, & la pointe de la main droite ,
exécute fur la forme de la façon que nous allons
l’expliquer, les corrections marquées fur fon épreuve
, dans le même ordre qu’il en a levé les lettres :
il commence par corriger la deux, puis il va à la
trois, à la fix & à la fept, à la dix & à la onze, à la
quatorze 8c à la quinze. Chaque ligne où il y a de
la correCtion ( à-moins que ce ne foit Amplement un
efpace à abaiffer , ce qui fe corrige en appuyant lur
cet efpace le bout de la pointe ) , il faut l’ëie v er tant-
foit-peu au-deffus des autres, en preffant avec le
bout de la pointe une extrémité de la ligne ( le commencement
ou la fin, félon que la page eft tournée
relativement au compofiteur ) 8c en preffant en fens
contraire l’autre extrémité avec le bout du doigt du
milieu ou du doigt annuitaire de la main gauche. Au
moyen de cette petite élévation, il peut piquer avec
fa pointe les lettres à changer, fans craindre d’affe-
ôer l’oeil des lettres qunTe trouvent au-deffus ou
au-deffous. Il eft cependant mieux d’enlever la lettre
que l’on veut ôter avec le pouce & l’index de
la main droite ; on ne rifque nullement alors de gâter
la lettre ; les bons çompofiteurs l’exécutent ainfi.
Quand donc il n’y a qu’une lettre à changer, il pique
cette lettre du côté du cran ou du côté oppofé,
relativement à la pofition de la page, ibl’enleve, la
met dans le compofteur après les lettres de la correction,
prend la lettre qui fe trouve la première
dans le compofteur, la met à la place de celle qu’il
vient d’ôter, 8c l’enfonce avec le bout du doigt du
milieu de la main droite, ou avec le bout du manche
de la pointe, en frappant légèrement deflus. Si cette
lettre fubftituée eft precifémënt de la meme force,
il n’y a rien à ajouter ni à diminuer clans la ligne.
Si la lettre fubftituée eft plus forte, il faut diminuer
à proportion dans les efpaces de la ligne : fi au contraire
cette lettre fubftituée eft plus foible , il faut
ajouter aux efpaces dans la même proportion ; il en
eft de même quand il y a dans la ligne quelque lettre
à ajouter ou à fupprimer. S’il y a à ajouter quelque
lettre , il faut autant diminuer dans les efpaces
qui font entre les mots : s’il y a quelque lettre à fup-
primer, il faut ajouter dans les efpaces. Quand il y
a quelqué mot à changer, 8c que le mot à fubftituer
eft à-peu-près égal en nombre-de lettres, cette correction
eft très-facile à faire, 8c s’exécute le plus
fouvent dans la même ligne 8c fans aucun remani-
ment, c’eft-à-dire fans aucun mouvement d’une ligne
à l’autre. Mais s’il y a quelque mot à ajouter
ou à fupprimer, cela ne peut fe faire qu’eri remaniant
plufieurs lignes, & quelquefois même toutes
les lignes jufqu’à la fin de l’alinéa. S’il y a un mot à
ajouter ; le compofiteur enlevé la ligne de la forme,
la met dans le compofteur de la juftification, ôte de
la fin de la ligne autant de fyllabes qu’il èft nécefi-
faire pour faire pla.ee au mot à ajouter, met ces fyl-
labes à paft, juftifie la ligne & la met à fâ place. Il
prend enfuite ce qu’il a mis à part, Ientet d’abord
dans fon compofteur , enleve .de la forme là ligne
fuivànte, en met ce qu?il peut dans le compofteur,
diminue dans les efpaces le plus qu’il lui eftpoflîble,
s’il crOit par çe moyen pouvoir s’exempter de remanier
le refte de l’alinéa, ôte le furplus de la ligne
, le met encore à part, juftifie cette ligne, & la
met dans la forme. Il continue ainfi de porter d’une
ligne à Tautre ce qu’il a de trop, jufqu’à ce qu’il ne
lui refte plus rien 8c qu’il tombe jufte en ligne. Quand