commun, ta . I I I . chap. ij.filt. t. iifi. J . Le Prêtre,
arrêts de la cinquième, cent. z. chap. Ixxxix. Le ve ft,
Arrêt ty . Carondas , liv. y . rep. 10. Auzannet fur
d ’art. 2 4 4 . de la coût, de Paris.. (A ')
IMPERATIF, v. adj. ( Gram. ) on dit le fens
impératif, la forme impérative. En Grammaire on
-emploie ce mot fubftantivement au mafeulinparce
qu’on le rapporte à mode ou meeuf, & c’eft en effet
le nom que l’on donne à ce mode qui ajoute à la lignification
principale du verbe l’idée acceffoire de
la volonté de celui qui parle.
Les Latins admettent dans leur impératif deux formes
différentes, comme lege &c legito ; ôc la plupart
des Grammairiens ont cru l’une relative auprefent,
& l’autre au futur. Mais il eft certain que ces deux
formes différentes expriment la même relation temporelle,
puifqu’on les trouve réunies dans les mêmes
phrafes pour y exprimer le même fens à cet
•égard, ainfîque l’obferve la méthode latine de P. R.
Rem. fur les verbes, chap. ij. art. 6.
Au tfies dura , N EGA } fin es non dura, VENITO.
Propert.
E t potumpaftas AGE , Tityre ; & interagendum,
Occurfare capro (cornu ferit ille) C AV ET O. Virg.
- C e n’eft donc point de la différence des relations
temporelles que vient celle de ces deux formes également
impératives ; & il eft bien plus vraiffemblable
qu’elles n’ont d’autre deftination que de cara&érifer
-en quelqué forte l’efpece de volonté de celui qui
parle. Je crois , par exemple , que lege exprime une
fimple (exhortation, un coofeil, un avertiffement,
une priere même, ou tout au plus un confentement,
«ne fimple permiflion ; & que legito marque un commandement
exprès & abfolu, ou du-moins une exhortation
fi preffante, qu’elle femble exiger l’exécution
auffi impérieufement que l’autorité même : dans
le premier cas, celui qui parle eft ou un fubalterne
qui prie, ou un égal qui donne fon avis ; s’il eft fu-
périeur, c ’eft un fupérieur plein de bonté, qui consent
à ce que l’on defire, & qui par ménagement,
déguife les droits de fon autorité fous le ton d’un égal
qui confeilleouqui avertit : dans le fécond cas,celui
•qui parle eft un maître qui veut abfolu ment être
■ obéi, ou un égal qui veut rendre bien fenfible le de-
fir qu’il a de l’exécution, en imitant le ton impérieux
qui ne fouffre point de délai. Ceci n’eft qu’une
eonje&ure ; mais le ftyle des lois latines en eft le fondement
& la preuve ; ad divos adeunto caflè
■ (Cic. iij. de leg!) ; & elle trouve un nouveau degré
de probabilité dans les paffages mêmes que l’on vient
de citer.
Aut fie s dura , N EGA ; c’eft comme fi Properce
avoit dit : « fi vous avez de la dureté dans le earac-
» tere, & fi vousconfentez vous-même à paffer pour
» telle,il faut bien que je confente à votre refus,nega »:
(fimple conceffion). S in es non dura, venito ;
priere urgente qui approche du commandement absolu
, & qui en imite le ton impérieux ; c’eft comme
fi l’auteur avoit dit : « mais fi vous ne voulez point
avouer un caraâere fi odieux ; fi vous prétendez
» être fans reproche à cet égard, il vous eft indif-
» penfable de venir, il faut que vous veniez, venito ».
C ’eft la même chofe dans les deux vers de Virgile.
E t potum paftas A GE, Tityre ; ce n’ eft ici qu’une fimple
inftruélion, le ton en eft modefte, âge. Mais
quand il s’ intéreffe pour T ityre, qu’il craint pour lui
quelqu’accident, il é leve le ton , pour donner à fon
avis plus de poids, & par-là plus d’efficacité ; occurfare
Capro.. . cave To : cave feroit foible & moins
honnête, parce qu’il marqueroit trop peu d’intérêt ;
i l faut quelque chofe de plus preffant, caveto.
Trompé par lesfauffes idées qu’on avoit prifes des
«Leu* formes impératives latines, M, l’abbé Régnier
a voulu trouver de même dans Vimpératif de notre
langue, un préfent & un futur : dans fon fyftème le
prélent eft lis ou Hfe\ ; le futur, tu liras ou vous li-
rt[ (Gramm. franç. in-11. Paris 1706 , pag. 340) ;
mais il eft évident en fo i, & avoué par cet auteur
même, que tu liras ou vous lireç ne différé en rien de
ce qu’il appelle le futur fimple de l ’indicatif, & que
je nomme le préfent poftérieur (yoyc^ T ems) ; f i ce
n’e f t , dit-il, en ce qu'il ejl employé à un autre ufage.
C ’eft donc confondre les modes que de rapporter ces
expreflions à Vimpératif: & il y a d’ailleurs une erreur
de fait, à croire que le préfent poftérieur, ou fi
l’on v eu t , le futur de l’indicatif, foit jamais employé
dans le fens impératif. S’il fe met quelquefois
au lieu de Vimpératif, c’eft que les deux modes font
également directs (yoye^ Mo d e ) , & que la forme
indicative exprime en effet la même relation temporelle
que la forme impérative. Mais le fens impératif
eft fi peu commun à ces deux formes, que l’on ne
fubftitue celle de l’indicatif à l’autre, que pour faire
difparoître le fens acceffoire impératif, ou par énergie
, ou par euphémifme.
On s’abftient de la forme impérative par énergie,
quand l’autorité de celui qui parle eft fi grande ,»ou
quand la juftice ou la néceffité de la chofe eft fi évidente
, qu’il fuffit de l’indiquer pour en attendre
l’exécution : Dominum Deum tuum a d o r a b is , &
illi foli s e r v ie s ( Matth. iv. /O .) , pour adora ou
adorato, fervi ou fervito.
On s’abftient encore de cette forme par euphémifme
, ou afin d’adoucir par un principe de civilité,
l’impreffion de l’autorité réelle, ou afin d’éviter par
un principe d’équité , le ton impérieux qui ne peut
convenir à un homme qui prie.
Au refte le choix entre ces différentes formes eft
uniquement une affaire de g o û t, & il arrive fou-
vent à cet égard la même chofe qu’à l’égard de tous
les autres fynonymes, que l’on cjioifit plutôt pour
la fatisfaéUon de l’oreille que pour celle de l’efprit,
ou pour contenter l’efprit par une autre vue que
celle de la précifion. Au fond il étoit très-poffible ,
& peut-être auroit-il été plus régulier, quoique
moins énergique, de ne pas introduire le mode impératif',
& de s’en tenir au tems de l’indicatif que je
nomme préfent poftérieur : vous adorerez le Seigneur
votre JDieu , 6“ vous ne SERVIREZ que lui. C’eft
même le feul moyen direô que l’on ait dans plufieurs
langues, & fpécialement dans la nôtre, d’exprimer
le commandement à la troifieme perfonne : le ftyle
des réglemens politiques en eft la preuve.
Puifque dans la langue latine & dans la ffançoife,
on remplace fouvent la forme reconnue pour impérative
par celle qui eft purement indicative , il s’enfuit
donc que ces deux formes expriment une même
relation temporelle, & doivent prendre chacune
dans le mode qui leur eft propre, la même dénomination
de préfent poftérieur. Cette conféquence fe
confirme encore par l’ufage des autres langues. Non-
feulement les Grecs emploient fouvent comme nous,
le préfent poftérieur de l’indicatif pour celui de Vimpératif,
ils ont encore de plus que nous la liberté
d’ufer du préfent poftérieur de Vimpératif pour celui
de l’indicatif: oî&' ovvoJ'pdtov, pour «fyaW (Eurip.);
littéralement, feis ergo quidfac, pour faciès (vous
favez donc ce que vous ferez ? ). Ç ’eft pour la même
raifon que la forme impérative eft la racine immédiate
de la forme indicative correfpondante, dans la langue
hébraïque ; & que les Grammairiens hébreux regardent
Tune & l’autre comme des futurs : par égard
pour l’ordre de la génération, ils donnent à Vimpératif
\q nom de premier futur, & à l’autre le nom de
fécond futur. Leur penfée revient à la mienne ; mais
nous employons diverfes dénominations. Je ne puis
regarder comme indifférentes, celles qui font pro^
près au langage didaôique ; & j’adopterois volontiers
dans ce fens la maxime de Comenius (Janua
ling. tit. 1. period. 4.) : Totius eruditionis pofuit funda-
mentum, qui nomenclaturam rerum artisperdicit. J’ofe
me flater de donner à Varticle T ems une juftification
plaufible du changement que j ’introduis dans la nomenclature
des tems.
Je me contenterai d’ajouter ici une remarque tirée
de l’analogie de la formation des tems : c’eft qu’il en
eft de celui que je nomme préfent poftérieur de Vimpératif,
comme de ceux des autres modes qui font
reconnus pour des préfens en latin, en allemand, en
françois, en italien, en efpagnol ; il eft dérivé de la
même racine immédiate qui eft exçlufivement propre
aux préfens, ce qui devient pour ceux qui entendent
les droits de l’analogie, une nouvelle raifon
d’inferire dans la çlaffe des préfens, le tems impi*.1
ratif dont il s’agit.
Indicatif. Subjonâif. Infinitif.
Latin. laudo. laudcm. laudare.
Allemand. ich lobe. dafs ich lobe. loben.
François. je loue. que je loue. louer.
Italien. lodo. ch'io lodi. lodare.
Efpagnol. alabo. que aldbe. alabar.
Impératif.
lauda ou Laudato t
lobe.
loue ou loucq.
lodà.
alaba.
Si nos Grammairiens avoient donné aux analogies
l’attention qu’elles exigent ; outre qu’elles au-
roient fervi à leur faire prendre des idées juftes de
chacun des tems ,.elles les auroient encore conduits
à reconnoître dans notre impératif un prétérit, dont
je né fâche pas qu’aucun grammairien ait fait mention
, fi ce n’eft M. l’abbé de Dangeau, qui l’a montré
dans fes tables, mais qui femble l’avoir oublié
dans l’explication qu’il en donne enfuite. Opufc. fur
la lang. franç. On avoit pourtant l’exemple de la
langue greque ; & la facilité que nous avons de la
traduire littéralement dans ces circonftances, de-
voit montrer fenfiblement dans nos verbes ce prétérit
de Vimpératif. Mais Apollone avoit dit (^lib. I.
cap. 30.) qu'on ne commande pas Us chofes paffées ni
les préfentes : chacun a répété cet adage fans l’entendre
, parce qu’on n’avoit pas des notions exaftes du
préfent ni du prétérit ; & il femble en conféquence
que perfonne n’ait ofé voir ce que l’ufage le plus fréquent
mettoit tous les jours fous les yeux. A y e z l u
ce livre quand je reviendrai : il eft clair que l’expref-
fion aye{ Lu eft impérative ; qu’elle eft du tems prétérit
, puisqu’elle défigne l ’aûion de lire comme paffée
à l’égard de mon retour ; enfin que c’eft un prétérit
poftérieur, parce que çe paffé eft relatif à une époque
poftérieure à l’a&e de la parole, je reviendrai.
Ce prétérit de notre impératif a les mêmes propriétés
que le préfent. Il eft pareillement bien remplacé
par le prétérit poftérieur de l’indicatif ; vous
a u r e z l u ce livre quand je reviendrai : St cette fuhf-
titution de l’un des tems pour l’autre a les mêmes
principes que pour les préfens ; ç’eft énergie ou euphémifme
quand on s’attache à la prçcifion ; c’eft
harmonie quand on fait moins d’attention aux idées
accefloires différencielles- Enfin ce prétérit fe trouve
dans l’analogie de tous les prétérits françois; il eft
compofé du même auxiliaire, pris dans le même
mode.
Préf. aux il.
Prêt. .comp.
Préf. auxil.
Prêt. comp.
Indicatif. fflsÈ I j 'a i lit.
j t fuis,
je fuis forti.
Subjonôif.
que faye. ^
que faye lu.
que je fois,
que j e fois forti.
Infinitif.
avoir,
avoir là.
être.
être forti.
Impératif.
aye. I
aye lu.
fois.
fois forti.
M. l’abbé Girard prétend ( vrais princ. Difc. viij.
du verbe , pag. 13. ) que l 'ufage ri a point fait dans
nos verbes de mçde impératif, parce qu’il ne caraç-
térife l’idée acceffoire de commandement , à la première
6* fécondé perfonne, que par la fupprejjîon des pronoms
dont le verbe fe fait ordinairement accompagner,
& à la troifieme perfonne par l'addition de la particule
que.
J’avoue que nous n’avons pas de troifieme per-
fonne impérative, que nous employons pour cela celle
du tems eorrefpondant du fubjonâif, qu'il lift , qu'il
ait là ; 8c qu’alors il y a néceffairement une ellipfe
qui fert à rendre raifon du fubjonâif, comme s’il y
avoit par exemple, je veux qu'il lift , je délire qu'il
ait lu. En cela nous imitons les Latins qui font fouvent
le même ufage, non-feulement de la troifieme,
mais même de toutes les perfonnes du fubjonâif,
dont on ne peut alors rendre raifon que par une eR
lipfe femblable.
Mais pour ce qui concerne la fécondé perfonne au
finguüer, & les deux premières au pluriel, la fup-
prefiion même des pronoms, qui fontnéceffairçs partout
ailleurs, me paroît être une forme eara&érifti-
que du fens impératif, & fuflire pour en conftituer un
mode particulier ; comme la différence de c es mêmes
pronoms fuffit pour établir celle des perfonnes.
D ’après toutes ces confidérations , il réfultc que
l'impératif des conjugaifons latines n’a que le préfent
poftérieur ; que ce tems a deux formes différentes,
plus ou moins impératives, pour la fécondé perfonne
tant au finguüer qu’au pluriel, & une feule forme
pour la troifieme..
Jing. z . lege QU legito.
3. legito.
plur. %. legite ou legitote.
3. legunto.
Ce qui manque ^.Vimpératif, I’ufage le fuppléepar
le fubjonâif ; & ce que le? rudimens vulgaires ajoutent
à ç ç ç i , comme partie du mode impératif, y eft
ajouté fauffement & mal-à-propos.
La méthode latine de P. R. propofe une queftion,
favoir comment il fe peut faire qu’il y ait un impérat
if dans le verbe paffif, vu que ce qui nous vient des
autres ne femble pas dépendre de nous, pour nous
être commandé à nous-mêmes : & on répond que c’eft
que la difpofition & la eaufe en eft fouvent en notre
pouyoir.; qu’ainfi l’on dira amatoràb hçrq, ç’eft-à-dire
faitesfi bien que votre maître vous aime. Il me femble que
la définition que j’ai donnée de ce mode, donne unp
réponfe plus fatisfaifante à cette queftion. La forme
impérative ajoute à la lignification principale du verbe
, l’idée acceffoire de la volonté de celui qui parle ;
& de quelque caufe que puiffe dépendre l’effet qui en
eft l’objet, il peut le defirer & exprimer ce defir ; il
n’eft pasnéceftaireà l’exa&itude grammaticale, que
les penfées que l’on fe propofe d’exprimer aient
l’exaôitude morale ; on en a trop de preuves dans
une foule de livres très-bien écrits, & en même ten\s
très^-éloignés ,de çettoe exaflitude morale que des écrivains
fages ne perdent jamais de vue.
Par rapport à la conjugaifon françojfe, Vimpératif
admet un préfent & un prétérit, tous deux pofté-
rieiirs,; dans l’u.n & dans l’autre, il n’y a au fingur
lier que la fécondé perfonne, ôc au pluriel tes deux
premières»