
En 1560, Gonzales Silveria eft fupplicié an Mono-
motapa , comme efpion du Portugal & de fa fociété.
En 1573 , ce qu’il y a de Jéfuites dans Anvers en
«ft banni, pour s’être refufés à la pacification de
Gand.
En z 5 8 1 , Campian, Skeredn & Briant font mis à
mort pour avoir confpiré contre Elifabeth d’Angleterre.
Dans le cours du régné de cette grande Reine ,
cinq confpirations iont tramées contre fa v ie , par
des J(fuites.
En 1588, on les voit animer la ligue formée en
France contre Henry III.
La même année, Molina publie fes pernicieufes
rêveries fur la concorde de la grâce & du libre arbitre.
En 1593 » Barrière eft armé d’un poignard contre
le meilleur des rois, par le jéfuite Varade.
En 15 9 4 ,1 es Jéfuites font chafles de France, comme
complices du parricide de Jean Chatel.
En 15 9 5, leur pere Guignard , faifi d’écrits apologétiques
de l’affaflinat d’Henry IV. eft conduit à la
greve.
En 1597, les congrégations de auxiliis fe tiennent,
à l’occafiçn de la nouveauté de leur do&rine fur la
grâce , & Clément VIII. leur dit: brouillons, ce f l
vous qui trouble{ toute CEglife.
En 1598, ils corrompent un fcélérat, lui adminif-
trent fon Dieu d’une main, lui préfentent un poignard
de l’autre, lui montrent la couronne éternelle
defcendant du ciel fur fa tête, l’envoyent affafliner
Maurice de Naffau, & le font chaffer des états de
Hollande.
En 1604, la clémence du cardinal Frédéric Borro-
mée les chaffe dn college .de Braida , pour des crimes
qui auroient dû les conduire au bûcher.
En i6o5>Qldecorn & Garnet, auteurs de la conf-
piration des poudres , font abandonnés au fupplice.
En 1606, rebelles aux decrets du fénat de Venife,
on eft obligé de les chafter de cette ville & de cet
état.
En 16 10, Ravaillac affafline Henry IV. Les Jéfuites
reftent fous le foupçon d’avoir dirigé fa main ;
& comme s’ils en étoient jaloux, &c que leur defl'ein
fût de porter la terreur dans le fein des monarques,
la même année Mariana publie avec fon inftitution
du prince l’apologie du meurtre des rois.
En 1618,les Jéfuites font chafles de Boheme, comme
perturbateurs du repos public, gens foulevant
les fujets contre leurs magiftrats, infeftant les efprits
de la do&rine pernicieufe de l’infaillibilité & de la
puiffance univerfelle du pape, & femant par toutes
fortes de voies le feu de la difcorde entre les membres
de l’état.
En 1619, ils font bannis de Moravie, pour les mc-
ynes caufes.
En 16 3 1 , leurs cabales foulevent le Japon, & la
terre eft trempée dans toute l’étendue de l’empire de
fang idolâtre & chrétien.
En 1641, ils allument en Europe la querelle abfur-
de dujanfénifme, quia coûté le repos & la fortune
à tant d'honnêtes fanatiques.
En 1643 , Malte indignée de leur dépravation &
de leur rapacité> les rejette loin d’elle.
En i6 46 ,ils font à Séville une banqueroute, qui
précipite dans la mifere plufieurs familles. Celle de
nos jours n’eft pas la première , comme on voit.
En 1709, leur baffe jaloufie détruit Port-Royal,
ouvre les tombeaux des morts, difperfe leurs os, &
renverfe les murs facrés dont les pierres leur retombent
aujourd’hui lï lourdement fur la tête.
En 1713, ils appellent de Rome cette bulle Unigenitus
, qui leur a lervi de prétexte pour caufer tant
de maux, au nombre defquels on.peut compter quatfe
vingt mille lettres de cachets décernées cofitfé
les plus honnêtes gens de l’éta t, fous le plus doux
des minifteres.
La même année le jéfuite Jouvency, dans une
hiftoire de la fociété, oleinftaller parmi les martyrs
les aflaflins de nos rois ; & nos magiftrats attentifs
font brûler fon ouvrage.
En 1713, Pierre le Grand ne trouve de fûreté pour
fa perfonne, & de moyen de tranquillifer fes é tats,
que dans le banniffement des Jcfuitls.
En 1718, Berruyer traveftiten romahllfiftoire de
Moïfe, & fait parler aux patriarches la langue dô
la galanterie & du libertinage.
En 1730, lefcandaleux Tournemine prêche à Caen
dans un temple , & devant un auditoire chrétien ,
qu’il eft incertain que l’évangile foit Ecriture-fainte.
C ’eft dans ce même tems qu’Hardouin commence
à infe&er fon ordre d’un fcepticifme aufli ridicule
qu’impie.
En 1731, l’autorité & l’argent dérobent aux flammes
le corrupteur & facrilege Girard.
En 1743 , l’impudique Benzifufcite en Italie la
fefte des Mamillaires.
En 1745, Pichon proftitue les facremens de Pénitence
& d’Eucharilîie , & abandonne le pain des
faints à tous les chiens qui le demanderont.
En 17 5 5, les Jéfuites du Paraguay conduifent en
bataille rangée les habitans de ce pays contre leurs
légirimes fouverains.
En 1757, un attentat parricide eft commis contre
Louis X V . notre monarque, & c’eft par un homme
qui a vécu dans les foyers de la fociété de Jéfus,
que ces peres ont protégé, qu’ils ont placé en plufieurs
maifons ; & dans la même année ils publient
une édition d’un de leurs auteurs claflïques, où la
do&rine du meurtre des rois eft enfeignée. C ’eft comme
ils firent en 1610, immédiatement après l’affaf-
finat de Henry IV. mêmes circonftances, même conduite.
En 1758,1e roi de Portugal eft affaflïné, à la fuite
d’un complot formé & conduit par les Jéfuites Mala-
grida , Mathôs & Alexandre.
a En 1759, toute cette troupe de religieux affaffins
eft chaffée de la domination portugaife.
En 1761, un de cette compagnie, après s’être emparé
du commerce de la Martinique, menace d’une
ruine totale fes correfpondans. On réclame en France
la juftice des tribunaux contre le jéfuite banqueroutier,
& la fociété eft déclarée folidaire du pere la
Valette.
Elle traîne maladroitement cette affaire d’une ju-
rifdiftion à une autre. On y prend connoiffance de
fes conftitutions ; on en reconnoît l’abus, & les fuites
de cet événement amènent fon extinftion parmi
nous.
Voilà les principales époques du Jéfuitifme. Il n’y
en a aucune entre lelquelles on n’en pût intercaller
d’autres femblables.
Combien cette multitude de crimes connus n’en
fait-elle pas préfumer d’ignorés ?
Mais ce qui précédé fuffit pour montrer que dans
un intervalle de deux cens ans, il n’y a fortes de
forfaits que cette race d’hommes n’ait commis.
J’ajoute qu’il n’y a fortes de doctrines perverfes
qu’elle n’ait enfeignées. L’Elucidarium de Pofa en
contient lui feul plus que n’en fourniroient cent volumes
des plus diftingués fanatiques. C ’eft-là qu’on
lit entr’autre chofe de la mere de Dieu, qu’elle eft
Dei-pater & Dei-mater, & que, quoiqu’elle n’ait ét*
fujette à aucune excrétion naturelle, cependant elle
a concouru comme homme & comme femme,fecun-
dura generalem natura tenorem ex parte maris & ex parte
fernina, à la produ&ion du corps de Jéfus-Chrift,
& mille autres folies.
La doftrine du probàbilifme eft d’invetitiôn jésuitique.
<
La doftrine du péché philofophiqüe eft d’invention
jéfuitique.
. Lifez l’ouvrage intitulé les Affinions, & publié
cette année 1 7 6 1 , par arrêt du parlement de Paris,
& frémiffez des horreurs que les théologiens de cette
fociété ont débitées depuis fon origine, fur la fi-
monie, lé blafphème, le iâcrilege, la magie 3 l’irreligion
, l’aftrologie 3 l’impudicité, la fornication, la
pédéraftie, le parjure, la fauffeté, le menfonge 3 la
direftion d’intention, le faux témoignage, la prévarication
des juges, le v b l , la compenfation occulte
, l’homicide, le fuicide, la profîitution, & le
régicide ; ramas d’opinions, qui, comme le dit M. le
procureur général du roi au parlement de Bretagne,
dans fon fécond compte rendu page 7 3 , attaque ouvertement
les principes les plus facrés , tend à détruire
la loi naturelle, à rendre la foi humaine dou-
teufe , à rompre tous les liens de la fociété civile,
en autorifant l’infraftion de fes lois ; à étouffer tout
fentiment d’humanité parmi les hommes, à anéantir
l’autorité royale , à porter le trouble & la défola-
tion dans les empires , par l’enfeignement du régicide
; à renverfer les fondemens de la révélation,
& à fubftituer au chriftianifme des l'uperftitions de
toute efpece.
Lifez dans l’arrêt du parlement de Paris , publié
le 6 Août 1761, la lifte infamante des condamnations
qu’ils ont fubies à tous les tribunaux du monde chrétien
, & la lifte plus infamante encore des qualifications
qu’on leur a données.
On s’arrêtera fans doute ici pour fe demander
comment cette fociété s’eft affermie, malgré tout
ce qu’elle a fait pour fe perdre ; illuftrée , malgré
tout ce qu’elle a fait pour s’avilir; comment elle a
obtenu la confiance des fouverains en les affaifi-
nant, la prote&ion du clergé en le dégradant, une
fi grande autorité dans l’Eglife en la rempliffant de
troubles, & en pervertiffant fa morale & fes dogmes.
C ’eft ce qu’on a vû en même tems dans le même
corps 3 la raifon aflife à côté du fanatifme, la vertu
à côté du v ic e , la religion à côté de l’impiété , le
rigorifme à côté du relâchement, la fcience à côté
de l ’ignorance, l’efprit de retraite à côté de l’ efprit
de cabale & d’intrigue , tous les contraftes réunis.
II n’y a que l’humilité qui n’ a jamais pû trouver un
afile parmi ces hommes.
Ils ont eu des poètes, deshiftoriens, des orateurs,
des philofophes, des géomètres, & des érudits.
je ne fais fi ce font les talens & la fainteté de
quelques particuliers qui ont conduit la fociété au
Haut degré de confidération dont elle jouiffoit il n’y a qu’un moment ; mais j’affurerai fans crainte d’être
contredit, que ces moyens étoient les feuls qu’elle
eût de s’y conferver ; & c’eft ce que ces hommes
ont ignoré.
Liyrés au commerce, à l’intrigue, à la politique,
& à des occupations étrangères à leur é ta t, & indignes
de leur profeflion, il a fallu qu’ils tombaffent
dans le mépris qui a fu iv i, & qui luivra dans tous
les tems, & dans toutes les maifons religieufes, la
décadence des études & la corruption des moeurs.
Ce n’étoit pas l’or , ô mes peres, ni la puiffance
qui pouvoient empêcher une petite fociété comme la
vô tre , enclavée dans la grande, d’en être étouffée.
C ’étoit au refpett qu’on doit & qu’on rend toujours
à la fcience & à la vertu, à vous foutenir & à écarter
les efforts de vos ennemis, comme on voit au milieu
des flots tumultueux d’une populace affemblée 3
un homme vénérable demeurer immobile & tranquille
au centre d’un efpace libre & vuide que la
confidération forme & réferve autour de lui. V ous
avez perdu ces notions fi communes , & la .malé*
diéiiori de S. François de Bofgia, le troifieihe de vos
généraux 3 s’eft accomplie fur Vous. II vous difôit ;
ce faint & bon-homme : » II viendra un tems où
» vous ne mettrez plus de bornes à votre Orgueil
» & a votre ambition, Où vous ne vous Occuperez
» plus qu’à accumuler des richeffes & à vous faire
du crédit, où vous négligerez la pratique des ver-
» tus ; alors il n’y aura puiffancè fur là terre qui puifle
» vous ramener à votre première perfeftion, & s’il
» eft poffible de vous détruire, on vous détruira ».
Il falloir que ceux qui avoient fondé leur durée
fur la même bafe qui foutient l’exiftence & la fortune
des grands, paffaffent comme eux; la profpérité
des Jéfuites n’a été qu’un fonge un peu plus long.
Mais en quel tems le colofle s’eft-il évanoui ? aii
moment même où il paroiffoit le plus grand & lé
mieux affermi; Il n’y a qu’un moment que les Jéfuites
rempliffoient les palais de nos rois ; il n’y a qu’uii
moment qùe la jeuneffe, qui fait l’efpefance des premières
familles de l’etat, rempliflbit leurs écoles ; il
n y a qu’un moment que la religion les avoit portés
à la confiance la plus intime du monarque ; de fa
femme & de fes enfans ; moins protégés qiie protecteurs
de notre clergé, ils étoient l’anie de ce grand,
corps. Que ne fe croyoierit-ils pas ? J’ai vû ces chênes
orgAue^^eux toucher le ciel de leur cime ; j’ai tourné
la tête, & ils n’étoient plus.
Mais tout événement a fes eaufes. Quelles ont été
celles de la chûte inopinée & rapide de cette fociété
? en voici quelques-unes, telles qu’elles fe préfentent
à mon efprit.
L ’efprit philofophiqué a décrié ie célibat, & les
J (fuites fe font reffentis, ainfi que tous lés autres
Ordres religieux 3 du peu de goût qu’on a aujourd’hui
pour le cloître.
Les Jéfuites fe font brouillés avec les gens de lettres
, au moment où ceux-ci alloiént prendre parti
pour eux contre leurs implacables & triftes ennemis.
Qu’eii eft- il arrivé ? c’eft qu’au lieu de couvrir
leur coté fôible, oh l’a expofé, & qu’on a marqué
du doigt aux fombres énrhoufiaftes qui les me-
naçoient, l’endroit où ils dévoient frapper.
Il ne s’eft plus trouvé parmi eux d’hommè qui fé
diftinguât par quelque-grand talent ; plus de poètes,
plus de philofophes, plus d’orateurs, plus d’éruditsy
aucun écrivain de marque 3 & on a meprifé le corps.
Une anarchie interne les divifoit depuis quelques
années ; & fi par hafard ils avoient un bon fujet;
ils ne pouvoient le garder.
On les a reconnus pour les auteurs de tous noi
troubles intérieurs, & on s’eft laffé d’eux.
Leur journàlifte de Trévoux, bon-homme , à ce
qu’on dit, mais auteur médiocre & pauvre politique;
leur a fait avec fon livret bleu mille ennemis redoutables
, & ne leur a pas fait un ami.
Il a bêtement irrité contre fa fociété notre de V oltaire
3 qui a fait pleuvoir fur elle & fur lui le mépris
& le ridicule, le peignant lui comme un imbécille,
& fes confrères, tantôt comme des gens dangereux
& méchans, tan tôt comme des ignorans., donnant l’exemple
& le ton à tous nos plaifans fubalternes, &
nous apprenant qu’on pouvoit impunément fe moquer
d’un jéfuite, & aux gens du monde qu’ils en
pouvoient rire fans conféquence.
Les Jéfuites étoient mal depuis très-long-tems avec
les dépofitaires des lois, & ils ne fongeoient pas que
les magiftrats, aufli durables qu’eux, feroient à lî1
longue les plus forts.
Ils ont ignoré la différence qu’il y a entre des
hommes Ȏeeffaires & des moines turbulens , & que
fi l’état étoit jamais dans le cas de prendre un parti,
il tourneroit le dos avec dédain à des gens que rien
ne recommandoit plus.
Ajoutez qu’au moment où l’oçage a fondu fur eux;