
C e prince mourut, après trentô - quatre ans de
règne, des bleffures qu’il reçut dans une guerre
qu’il fit contre le roi de Syrie.
Phifcon s’empara du trône l’an 141 de J. C . ,
8c il époufa Cléopâtre j femme de Ton frère. Le jour
de fes noces, il fit mourir l’enfant de Philométor,
8c commit plufieurs autres meurtres , qui'lui attirèrent
la haine de fes fujèts, qui le chaffèrent du
trône. Ce prince répudia Cléopâtre, fit mourir
l ’enfant qu’il avoit eu de cette reine, & époufa
fa nièce. Quelque temps après, Phifcon revint à
la tête d’une paillante armée, remonta fur le trône,
où il régna paisiblement le relie de fa vie. Après
vingt-neuf ans de règne , il mourut à Page de
foixante-feize ans.
Ptolemée Lathure monta fur le trône, l’an 112
avant J. C. Sa mère le chaffa du trône , 8c mit
Alexandre, fon frère cadet, à fa place. Lathure
effaya inutilement quelque temps après de remonter
fur le trône d’Egypte ; il n’y réuffit que lorfqu’A -
lexandre voulut faire mourir Cléopâtre leur mère.
L ’énormité de ce crime fouleva les fujets , qui îe
chaffèrent honteufement, 8c rappellèrent Lathure.
C e prince voulut régner en Egypte fur le même
pied où étoit ce pays avant le règne de fa méchante
mère : mais la ville de Thèbes s’y étant i:e-
fu fé e , il s’en rendit le maître , & la mit au pillage.
Ce prince mourut peu de temps après , ayant
régné trente-fix ans. Il eut pour fucceffeur Alexandre
, fils de fon frère.
Alexandre fécond monta fur le trône , Pan 76
avant J. C. Ce frirent les Romains qui Py placèrent
: car les Egyptiens, après la mort de Lathure,
avoient abandonné la couronne à Cléopâtre, fille
unique de ce prince, 8c ne voulurent l ’accepter
pour roi, qu’à condition qu’i l épouferoit cette prin-
ceffe. Ce qu’il fit par malheur pour elle; car il
la fit affafliner dix-neuf jours après leur mariage.
Après quinze ans de règne , fes fujets le chaffèrent.
Il fe retira à T y r , où il mourut de chagrin.
Les Egyptiens , qprès avoir chaffé Alexandre ,
appelèrent Ptolemée Aulète , fils naturel de Lathure.
Ce prince monta fur le trône , l’an 61 avant
J. C. Voulant gagner l’amitié des Romains par des
préfens, il accabla fes fujets d’impôts : aufli ils le
chaffèrent du trône, 8c y placèrent fa fille Bérénice.
Gâbinrus, gouverneur de Syrie , attaqua les
Egyptiens avec ime puiffante armée, défit Ârche-
laüs, qui avoit époule Bérénice , 8c rétablit Aulète
fur le trône. Lorfque ce prince fut maître de l’Egyp
te , il fit mourir fa fille Bérénice, 8c s’empara
du bien de tous les riches citoyens qui étoient à
Alexandrie , après les avoir fait périr, pour donner
à Gabinius ce qu’il lui avoit promis. Aulète mourut
quatre ans après fon rétabliffement, 8c laiffa
deux fils' 8c deux filles.
Ptolemée, fon fils aîné , lui fuccéda, l’an 31
avant J. C . Ce prince époufa Cléopâtre fa foeur,
8c régna conjointement avec ellq pendant quelques
années ; mais, l’ayant chaffée | elle implora le fecours
de .Jules-Céfar. Ce conful attaqua Ptolemée £
qui au bout de quelque temps fe noya en paffant
le Nil. Jules-Céfar donna la couronne à Cléopâtrè ,
8c à fon jeune frère , âgé de onze ans. Cléopâtre
fuivit Céfar à Rome, dans l’efpérarice de l’épou-
fe r , parce qu’elle avoit' un fils de lu i, que Pou-
nommoit Céjarïon ; mais à fa mort, elle revint eii
Egypte , après avoir captivé Marc-Antoine. Elte
fit affafliner fon frère pour régner feule ; elle fe
déclara pour les Triumvirs , 8c porta du feconrs
-à Marc-Antoine : mais, étant tombée malade, elle
retourna à Alexandrie ,> où fon amant la fùrvit;
Augufre ayant déclaré la guerre à Cléopâtre, Antoine
fe mit à la tête des troupes de cette reine,
8c marcha contre lui : mais ayant été vaincu a
A'&ium, il fuivit Cléopâtre à Alexandrie. Augufte
s’avança vers Pélufe , dont les portes lui furent
ouvertes par les ordres fecrets de la reine, qui
trahiffoit Marc-Antoine. Celui-ci s’en étant apperçu,
courut au palais de Cléopâtre, pour fe venger ; mais
elle lui fit dire qu’elle s’étoit donnée la mort. Antoine
, au défefpoir, s’enfonça un poignard dans
le coeur. Cette reine fe fit mourir, n’ayant pu gagner
le coeur d* Augufte, 8c ne voulant pas fer*
vir d’ornement à fon triomphe. Elle fut la dernière
des Ptolemée qui régnèrent 293 ans en
Egypte:
R o m a i n s .
Après la mort de Cléopâtre , l’Egypte fut réduite
en province Romaine , 8c gouvernée par
un préfet, pendant l’efpace de 666 ans. Elle fut
partagée en un grand nombre de petits diftriéls',
portés par la fuite jufqu’à cinquante-trois. Dans îè
partage de l’empire , elle pafïa aux empereurs d’Q-
rient, qui y entretenoient un gouverneur. Enfin ,
en l’an 640 , fous le règne d’Héraclius, les Arabes
l’enlevèrent aux empereurs Grecs.
A7. B. On fait que ce fut le général Amrou ben-
As qui en fit la conquête pour le calife Omar.
ÆGYPTIUM MARE. Les anciens ont donné
c e nom à la partie de la mer Méditerranée* &1 qui
baigne les côtes de l’Egypte.
ÆGYPTUS , l’Egypte. (1) Etimolopie. Les fèn-
timens font partagés fur l’originè de ce nom ,
qui a été aufli celui du fleuve qui l’arrofo, plus
connu cependant fous celui de N il; on y met
cette différence, qu’il changeoit de genre félon
qu’il défignoit la région ou le fleuve. Quelques
auteurs ont cru que ce nom venoit de aîct , au lieu de
ya,7ci, lignifiant terre, 8c de Coptos, nom d’une des
(1) Comme l’article Egypte eft fort abrégé dans la
Géographie moderne , & que cependant, malgré l’état
de décadence dans lequel eft tombé ce pa ys , il continue
d’infpirer un allez • grand intérêt à caufe de fon
ancienne ilîuftratiom, je croirai rendre mon article plus
utije en rapprochant quelquefois ce que les modernes
nous font connoître de ce pays , de ce qu’en ont rapporté
les Anciens. Au refte, je reflerrai ces rapproche-
mens le plus qu’il me fera poffible.
«lus célèbres villes de l’Heptanomie : ainfi Egypte,
répondroit zpays de Coptos* D autres., fans rapprocher
deux mots, ont penfé que les Grecsvou lant
faire allufion à la couleur très-bafanée des Egyptiens,
avoient formé leur nom d’après celui du vautour
Aïyvmoç s qui èft un oifeau noir. Mais M. Gebel-in
a montré ( Ditt. Etym. de lang. grecque, pag. 255 f )
que h'iyw7noç venoit de l’oriental Cup, ou Copi
noir ) : o r , comme eiTu, ce , ac, a déligné les eaux^
pays bordé par les eaux, il me paroît naturel qu’il
ait été donné à- un pays couvert régulièrement chaque
année par Us eaux, 8c dont toute la furface ejl noire
lorfque ces eaux fe retirent ;■ ainfi Egypte figni-
fiera pays couverts d’eaux noirâtres. Au refte , c’eft
chez les Grecs que fe trouve ce nom , puifque les
Orientaux difoient mifrim, 8c peut-être d’abord
mifr, comme les Arabes aéhiels ; félon Plutarque,
les anciens habitans de l’Egypte appelloient leur
pays chemmis. M. le Brigant, favant très-verfè dans
les langues anciennes 8c modernes , que j’ai 8c que
j’aurai plus d’une fois occafxon de citer, prétend
que les Grecs n’ont formé le nom d’E gypte, qu’en
employant les mots radicaux ecou-ev-et, qui fignifie
ce qui efl caché fous les eaux. Ceci efr du-bas breton,
avoué pour celtique.
P A Y S*
Etendue. L’Egypte ne paroît pas avoir varié au
S. par rapport à fes limites. Les obfervations des
anciens oc des. modernes , les fixent à-peu-près au
23e deg. 50 min., elle s’étend du S. au N. d’environ
7 deg. 40 min., c’efr-à-dire jufqu’au 3,1e deg.
30 min. (1). ?
Si le cours un peu tortueux du Nil ne déter-
minoitpas, par la nature du terrein, le centre de l’Egypte
dans fa longueur , on pourroit dire que le 57e
deg. (du mérid. de Paris) , la fépare en deux parties.
Elle forme en effet, dans prefque toute fa longueur,
une vallée de quelques lieues . d’étendue,
mais moins large à la droite du Nil qu’a la gauche
de ce fleuve;, ce n’eft que vers le 3.0e deg. que les
montagnes, quirefferrent le lit du fleuve, s’éloigne
de chaque côté, 8c laiffent le Nil former par deux
bras confidérables , un triangle, qui ayant la côte
feptentrionale pour troifième cô té , a été comparé
parles^ Grecs à leur lettre D,ap p e llé delta 8c figurée
ainfi, A.
Xa longueur de la côte feptentrionale , évaluée
par Hérodote 8c par d’autres anciens ,. étoit d’en(
1) Cette mefure qui s’accorde avec celle d’Era«of-
thène, & ce qu’ont obfervé les modernes, n’eft pas celle
<jue donne.Ptolemée. Le, premier fixe Siéné à l’extrémité
dé l’Egypte, au 2.3e degré min. de latitude -,
& admettant 7 deg. 12 min. entre cette ville & Alexandrie,
il pla^oit celle-ci à 31 deg. 2 ou 3 min. Ptolemée,
dans--fon Almagefie , place Siéné à 23 deg. 52 min.,
& la v ille d’Alexandrie à 30 deg. 5$ min. -, ce qui ne laifle
entre ces deux villes que 7 dég. 7 min. Cette dernière
s écarte davantage de la mefure donnée par M. de
Cnazelle, qui eu de 32 deg,. 2 min.
viron .60 fehoenes, félon Hérodote , lefquels à rai-
fon de 3024 toifes chacune, donnent 71 lieues
trois quarts environ. On retrouve encore la même?
mefure aéluellement.
Nature des terres. La partie habitable de l’Egypte
n’étoit donc précifément que ce baflin prolongé der
chaque côté du fleuve 8c rendu fertile par fes inondations
annuelles , en y ajoutant les terres à l’oueft
qui s’étendoient dans le nome Arfmoïtes, 8c pour
l’arrofement defquels on avoit conftruit le fameux
lac de Moeris. Aufli Strabon dit-il expreffément,
qu’il n’y avoit en Egypte de terre habitable, que
celle qui recevoit les eaux du N il, 8c que tout ce
qui efl plus élevé que le niveau de ces inondations*
eft abfolument fans habitation : c’eft encore la même'
chofe aujourd’hui de l’examen des différentes me-
fures des pays habitables de l’Egypte, M. -d’Anvill©
croit devoir les porter à 2100 lieues carrées.
Cette étendue, félon Diodore 8c Hérodote
renfermoit 18 ou 20000 villes: fi ce fait eft v ra i,
i° . il n’y faut pas admettre de village : 20. il faut
que plufieurs de ces villes aient eu un terrein très-
peu étendu.
Selon M. Maillet , ou du moins l’ouvrage qui a
été publié en fon nom ( 1 ) , l’Egypte renferme
20000 villes , bourgs ou villages* C ’eft une erreur
frappante, adoptée par plufieurs' auteurs qui ont
écrit depuis. Ils n’ont pas fentiTimpofliBilité de ce
fa it , dans l’état actuel de l’Egypte ; un lexicographe
Arabe, cité par Schuldens, n’admet en Egypte
que 2496 villes ou bourgs, dont 957 dans la haute
Egypte.DanSun dénombrement communiqué en ma-
nulcrit à M. d’Anville , on porta ce nombre à 2696.
Je vais aéluellement entrer dans quelque détail.
Terres , eaux, productions. Toute l’antiquité, fans
excepter Moïfe, s’accordent à vanter la fertilité de
l’Egypte. On l’a appellée le grenier de Rome.
Quoique ce pays loit très-fertile aujourd’h u i, il
l’eft beaucoup moins que du temps des Romains*
On prétend que la mauvaife politique du gouvernement
aéfiiel en eft la caufe.
Prefque tous les anciens ont ignoré la fource
du fleuve dont les débordemens annuels fertili-
fent ce pays. Surpris de ce que le Nil baiffoit eri
hiver 8c hauffoit en été , ils s’en font tenus là
des raifonnemens. On trouvé cependant dans Diodore
de Sicile 8c meme dans Homère, des con-
jeélures affez heureufes fur la caufe du débor-
; dement de ce fleuve : elles furent confirmées fous
le règne de Ptolemée Philadelphe ( Voye£ au
(1) On fait que cet ouvrage fut rédigé par M. l’abbé
le Mafcrier, qui a fait des livres pour des libraires. J’ai
vu les-lettres originales de M. Maillet: elles 'étoient
écrites à demi-marges *, d’un côté étoient les queftioîis
faites par un homme dé lettres très-inftruit, qui parloit
toujours de quelque point d’antiquité , & M. Maillet y
oppofoit fa réponfe. C’eft en rapprochant les réponfés
des queftions, en les fondantpour ainfi dire, enfemble,
que M. l’abbé le Mafcrier a fait ce ijyre , .qui, au refte,
eft un des meneurs que-l’oR ait fur-l'Égypte-, avant celui
de-M, Savary.