
patrons. Ils étoient tenus d’obferver toutes les loix
de la république, & d’en luivre exactement toutes
les coutumes. Ils payoient, chaque année à l’état,
un tribut de 12 drachmes (1); & , faute de paiement,
ils étoient réduits en fervitude & expofés en venté.
On rapporte à ce fujet le trait fuivant :
Zénocrate, célèbre philofophe, mais étranger &
pauvre, n’avoit pas payé le tribut ; déjà les fermiers
de la république l’avoient fait arrêter & le menoient
enprifon. L’orateur Licurgue, qui le fut, paya fa
taxe & le retira des mains de ces traitans implacables,
fi avides d’argent, & fipeu fenfibles au mérite
d’un homme vertueux. Cette générofité .de L y curgue
fit du bruit. C ’eft ce qui ht dire à ce même
Zénocrate, en parlant au fils de fon libérateur,
« je paie avec ufure à votre père le plaifir qu’il
37 m’a fait ; car je fuis caufe que tout le monde le
*7 loue 77. Ce philofophe étoit, ce me femble,un peu
arrogant.
. 30. Il y avoit deux fortes de ferviteurs à Athènes.
Les uns, hommes de condition libre, fe trou-
voient obligés par le mauvais état de leurs affaires,
à fe mettre en fervitude : leur fituation étoit plus
honnête & moins pénible. Les autres étoient afîu-
jettis à un travail contraint & forcé : c’étoient des
efclaves, foit qu’ils euffent été faits prifbnniers à
la guerre, foit qu’ils euffent été achetés dans lés
places où ils fe vendoient publiquement.
En général, malgré la politeffe que nous attribuons
aux Grecs, Us étoient fon durs envers leurs
prifonniers & à l’égard de leurs efclaves. Il faut
convenir cependant à l’avantage des Athéniens,
comme le remarque Démoflhène, qu’ils traitoient
leurs efclaves bien plus humainement que beaucoup
d’autres Grecs. Quand les efclaves étoient
traites avec trop de dureté, non-feulement ils pou-,
voient fe retirer dans le lieu où l’on avoit enfeveli
les os de Théiee', lequel étoit pour eux un afyle
facré ; mais même ils avoient aétîon contre leurs
maîtres., qui finiffoient quelquefois par être obligés
de les vendre. Çeiix de ces efclaves qui favoient
travailler, rendoient à leurs maîtres une partie., du
bénéfice le refte étoit pour eux. Ils s’en fervoient
ordinairement pour fe racheter-; car, après un certain
temps & pour une certaine fournie, les maîtres
ne pouvoient leur refufer la liberté. Souvent les
maîtres eux-mêmes,. & quelquefois l’état, quand
on les avoit employés, à la guerre, les remettoit
en liberté' gratuitement & fang. aucun frais. Il efl
même arrivé dans certaines eirconflances, qu’ils
ont été enrôlés fur les regiftres des citoyens.
A d m in is t r a t io n p o l it iq u e e t co n t e n t ie u s e .
Tribunaux. On comptait à Athènes dix tribunaux
dont Ifes juges étoient éle&ifs ;rquatre étoient
pour les matières criminelles; fix pour les matières
civiles. Il y faut ajouter, Y Aréopage qui é*oit un tribunal
fuprême, jugeant de toutes les caufes, &
l’affemblée de la nation où l’on jugeoit par l’oftra-
cifme. Des dix premiers je ne vois que les Pry-
tanes & les Héliafies dont il foit indifpenfable de
parler ici.
Prytanea. Le Prytanée étoit un terrein affez
étendu au milieu de la ville d’Athènes, couvert de
bâtimens deftinés à différens ufages pour l’utilité de
la république,.
Les officiers appellés Prytanes , entroient chaque
année en exercice, étoient chargés d’un grand nombre
de fondrions ; favoir , i°. 1 adminîftration de la
juffice ; 20. la diftribution des vivres; 30. la police
générale de l’état, & particulièrement'de la v ille;
40. la conclufion-& la publication delà paix; 5 °. la
déclaration de guerre^ 6°. la nomination des tuteurs
& curateurs pour les mineurs, ou pour tous
ceux que leur foibleffe a renfermés fous ce titre
dans les loix; 70. enfin la difcuffion de toutes les
affaires qui, après avoir été inftruites dans les tribunaux
Subalternes, reffortiffoient à ce confeil.
L’adminifiration de ces officiers ou magiftrats
publics parut fi fage & fi utile à la république d’A thènes,
que dans la fuite ce terme fut employé par
lésf poètes pour défigner & qualifier les hommes
qui s’élevoient au-defïùs du commun par leur
excellence. Voici comment fe faifoit l’éleétion des.
Prytanes.
De chacune des qttatre tribus d’Athènes on éli-
foit tous les ans deux cens fujets qu’une nouvelle
élection réduifoit à cent. Le total donnoit quatre,
cens qui formoient les Prytanes de l’année : les
quatre cens autres étoient deftinés à remplacer ceux
qui, étant en fondrions, viendroient à mourir, à paroi
tre indignes de leur place. Tout citoyen qui
montroit des vertus, de la conduite, avec un peu
de fortune, pouvoît âfpirer à l’honneur d’entrer
dans ce tribunal. Ceux qui montroient les qualités
contraires en étoient exclus. Lorfque le nombre
des tribus fut porté à dix, au lieu d’élire cent de
chacune, en ne faifoit l’êleérion que de cinquante
Prytanes par chacune d’elles. Il y avoit donc des
Prytanes de chacune des dix tribus.. Chaque tribu
gouvernoit à fon tour.
Mais , pour éloigner toute idée de préférence, on
tir oit au fort l’ordre dans lequel elles dévoient fe
fùccéder. Celles auxquelles étoient échues les quatre
premières places gouvernoient chacune pendant
trente-fix jours; les autres, chacune pendant-
trente-cinq, ce qui rempliffoit le nombre des 354.
jours de l’année lunaire, adoptée par les Athéniens.,.
Les cent Prytanes fe partageoient en cinq décuries
qui régnoïent fucceffivement pendant une-
femaine. On tîroit au fort ceux qui', chacun des
jours de cette femaine, devoiènt fe trouver à la
tête des autres : il fe nommoit Epijlate. Il ne pourvoit
l’être qu’une fois en fa vie.
L e jour de. fa fondrion, l’Epiftate (î) Qn.en verra 1% valeur ci agrès». avoit la clef du
trèfor public, des titres & des archives de l’état,
ainfi que du fceau de la république.
Il y avoit quatre affemblées générales qui fe
tenoient pendant l’intervalle de chaque prytanée,
Lavoir , le onzième, le vingtième, le trentième &
le trente-troifième jour : on renvoyoit à ces affem-
blées générales les affaires qui n’avoient pu fe décider
dans le comité particulier des Prytanes. Les
tribus en fondrion donnoient fucceffivement leur
voix, puis enfin tout le peuple, au moyen d’un
fcrutin. Chaque perfonne introduite par une barrière
, recevoit en entrant de quoi défigner fon fuf-
frage; & en fortant recevoit une obole pour fon
droit de préfence.
Les Prytanes étoient nourris aux dépens du public
, ainfi que les fils de ceux qui avoient été tués
au fervice de l’état, & quelques autres perfonnes
privilégiées. Il n’étoit pas permis d’apporter à ces
repas autre chofe que ce qui y étoit Servi au nom
de l’état ; & c’étoit un très-grand honneur que d’y
être admis.
Hèliafles. Les Héliaftes formoient une affemblée
de 1000 & quelquefois de 1500 juges. On croit
avec beaucoup de fondement que pour le jour où
ils recevoient ce nom & s’affembloient, ils étoient
pris dans d’autres tribunaux. Leur affemblée com-
mençoit au lever du foleil & finiffoit à fon coucher.
Ils étoient enfermés d’une double enceinte ; la plus
intérieure étoit formée d’un treillage avec plufieurs
portes; l’autre, à 50 pieds de difiance, étoit une
efpèce de corde qui n’empêchoit pas le peuple de
voir, au travers du treillage , ce quife pafloit au milieu
de l’affemblée. Cette affemblée étoit proprement
celle de la nation.
Aréopage. Ce tribunal, très-ancien dans la ville
d’Athènes, étoit placé au milieu de là ville fur une
colline oppofée à la citadelle. Son nom fignifie colline
de Mars. Cet édifice n’avôitrien que de fimple,
&letout, qui, dans fon origine, étoit de la plus vile
matière, demeura ainfi julqu’au temps d’Augufte.
Quant à fon intérieur, on y plaça fucceffivement
plufieurs ornemens. Le fénat s’affembloit dans une
•efpèce de falle bâtie fur le fommet d’une'colline.
Les vieillards courbés fous le poids des années, ne
la montoient qu’avec peine ; cependant comme ils
ne s’y rendoient d’abord que les trois derniers jours
de chaque mois, ils fupportoient avec patience ce
que leur coûtoit une fituation fi incommode. Mais
en augmentant encore le nombre des affaires, on en
vint à s’affembler tous les jours. Ils étoient fi exadts
à venir à ces affemblées, que pendant long-temps
la folemnité des plus grands jours ne put les en
difpenfer.
Pour que rien ne pût partager l’attention qu’ils
dévoient aux affaires, ils ne jugeoient que pendant
la nuit, pour n’être occupés, dit Lucien, que des
raifons. Quand l’affemblée étoit formée, un héraut
faifoit faire filence , & ordonnoit au peuple de fe
retirer. Dès que le peuple étoit écarté., on entamoit
l’mftrudHon des affaires. Et, comme la moindre préférence
auroit paru à ces juges fcrupuleux une
injuftice criante, les caufes fur lefquelles on devoir
prononcer fe tiroient au fort. On en faifoit une
efpèce de loterie, pour, les diftribuer à un certain-
nombre de juges.
Dans les premiers temps les parties expofoient
eu défendoient elles-mêmes leurs caufes. On s’adoucit
dans la fuite fur ce point, & on laiffa la
liberté d’attaquer & de défendre par la bouche de
ceux qui faitoient profeffion d’employer pour les
autres le talent de parler avec plus de précifion.
Toutes les figures de l’éloquence en étoient bannies.
Car9 dit encore Lucien, cw graves fénateurs regardent
tous les charmes de l’éloquence, comme autant de voiles
impojleurs que l’on jette fur les chofes même, pour en
dérober-la nature aux yeux trop attentifs.
L ’accufateur, avant de déduire les griefs, juroit
parles Euménides & par de grandes imprécations,
qu’il alloit dire la vérité. 11 alléguoit enfuite les faits,
& les âppuyoit des preuves les plus démonftralives.
Quand l’accufationétoit prouvée, on prononçoit
la peine du coupable ; mais il étoit le maître de fe
fouftraire à la peine en prévenant la condamnation
par la fuite. Toute la précaution qu’il devoit apporter,
c’étoit de difparoître immédiatement après fes
premières défenfes. Car, quand il donnoit aux juges
le temps d’aller aux opinions, il falloit qu’il effiiyât
toute lafévérité des loix, S’il prenoit la fuite, il en
étoit quitte pour la vente de fes biens. Quand on
recueilloit les fuffrages, les juges jettoient de petits
cailloux, félon leur avis, dans 1’urne de là mort, ou
dans l’urne de rniféneorde. La pluralité décidoit du
fort de l’accufé. Mais quand il y avoit égalité, on
lui accordoit le calcul de Minerve ( 1 ) , & il obte-
noit fa grâce. Je finirai ceci par un des jugemens
de ce tribunal.
Une femme, accufée d’avoir empoifonné fon fils,
& fon mari, avoit été traduite au tribunal de Dola-
bella, proconful d’Afie. Elle avoua le fait & dit :
« j’avois d’un premier lit un fils que j’aimois paf-
77 fionnément, & bien digne par fes vertus de
37 toute ma tendreffe; mon fécond mari, & l e fils
77 qu’il m’avoit donné, l’ont affaffiné ; je n’ai pas cru
77 devoir laiffer vivre ces deux monftres de cruauté ».
Le confeil de Dolabella, n’ofant prononcer fur le
fort de cette femme, renvoya l’affaire à l’Aréopage.
On examina toutes les circonftances ; puis, demandant
du temps pour prendre le dernier parti, 011
enjoignit à la femme & à fon accufateur de fe
représenter dans cent ans.
Ofiracifme. Une connoiffance un peu ex a 61e de
tout ce qui a rapport à l’Oftracifme, eft d’autant
(1) Pour entendre ceci, il faut favoir que l’on étoit
perfuadé qu’autrefois Orefte, étant jugé par l’Aréopage,
eut égalité de v o ix , & que Minerve vint elle-même
joindre fon caillou (ou calcul ) à ceux qui dévoient le
faire abfoudre,
l i a