nèfiens avoient placé une infcription qui indiquoit
la ligne de démarcation convenue entre eux & lés
Ioniens. On lifoit, du côté des Athéniens : r *
«Te «xi YlshoTovvnroç ct\?C laviec. De ce côté, ce
n’eft pas le Péloponnèfe, mais ITonie : de l’autre,
c’eft-à-dire, du côté de Corinthe, on lifoit : t a
<fè sçtv ii nsÀO'a'oVwjfl'o?, «x laviA. De ce côté
eft le Péloponnèfe, & non pas l’Ionie. C ’eft que
depuis les Héraclides, le Péloponnèfe ne renfermoit
prefque que des Doriens.
Cet iftlime, qui n’a guère que fix milles ( i)
dans fa moindre largeur ? étant un obftacle à la
navigation entre le golfe de Corinthe & l’Archipel,
il étoit naturel que l’on ait imaginé de le percer.
Audi cet ouvrage fut-il tenté à differentes reprifeS
fuccedivement. Démétrius de Phalère, Jules Céfar,
Caligula, Nero &Hérode Atticus s’en occupèrent,
& toujours fans que l’ouvrage ait été porté à fa
fin. Paufanias dit que de fon temps on voyoit encore
quelques-unes dès excavations. Malgré l’ëf-
time profonde que j’ai vouée à l’antiquité, je crois
que ç’a été par défaut de moyens méchaniques &
hydrauliques, que l’on a négligé ce projet utile &
raifonnable ; & je crois que Strabon fe trompe ,
quand il en donne pour raifon la différence d’élévation
entre les eaux du golfe de Corinthe & celles
du golfe Argolique. Paufanias-, en difant que l’on
n’avoit pas feulement commencé le travail du côté
le plus pierreux, femble infinuer que le roc étoit
trop dur pour être percé. Je croirois volontiers que
ce fut cet obftacle qui arrêta les anciens, & qui
n’arrêteroit pas les modernes.
On célébroit fur cet ifthme des jeu x , qui furent
long-temps célèbres chez les Grecs. Ils furent d’abord
inftitués en l’honneur de Méliçerte, le même
que Palémon, dieu marin ; & Sifyphe, roi de Co-
rynthe, en fut le créateur. Comme ils fe célébroient
la nuit, cela donna lieu à des brigandages : ces
jeux furent interrompus. Théfée les rétablit, &
obtint que les Athéniens, fpeftateurs, feroient aflis
au premier rang. On les célébroit tous les trois ans.
Les Corinthiens furent pendant long-temps les
juges de ces jeux : après la prife de Corinthe
Lucius Mummius transféra ce droit aux Sicyoniens' ;
mais lorfque la ville de Corinthe euttété rétablie,
elle rentra dans fes droits. Ces jeux font fur-tout
mémorables -, parce que ce fut pendant une de leurs
célébrations que le conful T . Q. Flamininus rendit
authentiquement la liberté à toute la Grèce. Néron,
à ces mêmes jeux, harangua lui-même les fjpec-
tateurs , donna la liberté à tous les Grecs, & aux
juges des jeux le droit de bourgeoifie romaine.
C orinthia cus Sin u s , le golfe de Corinthe
{golfe de Lépante.') Les anciens ont été partagés
d’opinions fur les points ou devoit commencer le
golfe de Corinthe. Strabon en rapporte plufieurs.
Quoique plufieurs auteurs faffent commencer ce
golfe aux îles Oxïce , ayant au nord l’embouchure
de l’Achélous Sc les Echinades, & au fud l'Araxutn
Promontorium, il me femble qu’il eft plus exaét de ne
nommer golfe de Corinthe, que la portion d’eaux
depuis le détroit formé au fud parla pointe appelée
Rhium, & au nord, par celle appelée Anti-Rhium:
ce golfe s’étend à i’eft jufqu’à la Bêotie.
11 faut obferver que ce golfe, dans'fon intérieur,
en formoit deux autres petits.
L’un , s’avançant au nord , entre une portion de
la Locride & une portion de la Phocide , fe nom-
moit, d’après la ville de Crijfa au nord-eft, Crijfceus
Sinus.
L’autre, dont j’ai parlé plus haut, étoit formé
par la partie la plus orientale du golfe , & fe nom-
moit Alcyonum Mare.
COR INTH US , ville de la Grèce, dans le Péloponnèfe,
fur le golfe de fon nom. Elle devoit,
difoit-on, fa fondation à Sifyphe, fon premier roi,
en 1376 avant J. C. (2). Après avoir été fuccef-
fivement gouvernée par des rois, des magiftrats, des
tyrans , elle eut de nouveau des magiftrats ; & de,-
puis l’an 582 , elle fe foutint avec le gouvernement
républicain, jufqu’à l’an 146 avant J. C. Ce
fut alors que > prife par le conful Mummius , elle
fut pillée & livrée aux flammes. Jules Céfarl ,
rétablit, & elle fhbfifta, mais avec moins d’éclat
qu’auparavant, jufques fous les empereurs du bas
empire. C ’eft à la géographie moderne à traiter
de fa' chute entière, dans les temps malheureux
qui fuivirent.
Malheureufement pour l’avantage de la géographie
ancienne, les auteurs qui nous ont laide
quelques deferiptions ne l’avoient pas vue dans fes
plus beaux jours. Cependant, au temps de Strabon
elle étoit encore fort belle & fort ornée, ,& fur-
tout lorfqu’elle fut décrite par Paufanias (3).
(a) J’ai fuivi pour cet article, ainfi que prefque pour
tous les autres, la chronologie la plus universellement
reçue, & qui a reçu une fanftion générale par l’ufage que
l’on fait des tables de M. l ’abbé Langlet. Mais voici ce
que dit M. Larcher fur l’origine de Corinthe. ( Trad,
d’Hérodote , vol. r i , p. 502 ).
L’origine de Corinthe eft mêlée de fables. Eumelùs
raconte... qu’Ephyre, fille'de l’Océan , s’étoit la première
établie dans ce pays ; qu’elle donna fon nom à la
.ville -, qu’après elle Marathon.. . & Corinthus régnèrent
à Ephyre -, que celui-ci changea fon nom en celui de
-Corinthe, qu’elle conferva depuis. . . que Jafon & Médée
y régnèrent depuis.. . . qu’ils laiffèrent la couronne à
Sifyphe, fils d’Eolus, & petit-fils d’Hellen.
Ce prince fut le fondateur de la dynàftie des Sify-
phides, que, l’on regarde comme la première , parce
qu’elle donna au royaume de Corinthe une confiftance
qu’il n’avoit pas jufqu’alors. Le commencement du règne
de Sifyphe eft fixé par M. Larcher, dans le texte de fa
chronologie , à l’an 1334 avant notre ère ; & dans le
canon chronologique, à l’an 1328. Ce qui ne fait pas
une grande différence. Mais entre cette epôque & celle
que j’ai adoptée, il y a 42 ans dans la première hypo-
thèfe, & 48 dans la fécondé.
(3) Les dépenfes que l’on faifoit en tous genres de
plaifirs, avoient donné lieu à cet adage fi connu : non
licet omnibus (1) C’eft d’où lui vient fon nom moderne d'Examili, adiré Corinthum,
Entre les monumens que l’on y voyoit alors,
les uns étoient des antiques, reftes précieux de fon
ancienne fplendeur ; les autres étoient nouveaux,
& faits depuis fon rétabliffement. ^
On y admiroit fur-tout le théâtre, qui etoit d une
grande beauté. Le ftade ou lieu d’exercice pour la
courfe, étoit en marbre-blanc. Le temple de Nep-
tune n’étoit pas grand : mais fon intérieur etoit
orné de diverfes offrandes qui y avoient été con-
facrées par Hérode Atticus, parmi lefquèlles on
diftinguoit quatre chevaux, qui étoient tout dores,
à l’exception de leurs pieds, qui etoient d ivoire.
On y voyoit aufli plufieurs tritons de bronze. On
defeendoit du temple dans une chapelle baffe, ou
l’on difoit que Palémon fe tenoit caché pour punir
ceux qui feroient de faux fermens. Deux ftatues de
Neptune, une d’Amphitrice, & une grande mer
d’airain, étoient dans le parvis. Dans 1 enceinte, a
main.gauche , il y avoit une chapelle dédiée â Palémon
, où l’on voyoit trois ftatues, l’une de Neptune
, la fécondé de Leucothoé, & la troilieme de
Palémon. On avoit aufli la coutume de faire des
Sacrifices aux Cÿclopes , à un vieux autel qui leur
étoit dédié. L’un des côtés du chemin qui condui-
foit à ce temple étoit bordé de ftatues d’athlètes
qui avoient remporté le prix aux jeux ifthmiques,
& l’autre côté étoit bordé de pins tirés au cordeau.
.< |
C ’eft dans cette ville que fe tinrent les etats-
gênéraux de l’Achaïe, lorfqu’il fut réfolu de faire
la guerre aux Romains ; & , quoique dans cette guerre
elle eût été détruite, les jeux ifthmiques y furent
célébrés c car on donna ordre aux Sicyoniens d y
venir, malgré leur défolation. Ces jeux fe célé-
broient à quelque diftance de la v ille, & ils avoient,
difoit-on , été inftitués par Sifyphe, en l’honneiir
de Méliçerte, qui étoit une divinité des eaux. Théfée
confacra enfuite ces jeux à Neptune, & ils fe renou-
velioient tous les cinq ans.
Entre les temples, on doit citer, pour la honte
des Grecs, celui qu’ils avoient élevé en l’honneur
d’O&avie , feeur d’Augufte.
La Diane d’Ephèfe étoit dans la place publique,
ainfi que deux ftatues de bois représentant Bacchus :
elles étoient dorées, à l’exception du vifage qui
étoit peint en vermillon. La Fortune avoit fon
temple dans cet endroit : fa ftatue etoit debout,
& faite en marbre de Paros. Le temple qui étoit
dédié à la mère de tous les dieux, touchoit prefque
à celui de la Fortune.
La fontaine Pyrène, précieufe dès qu’elle fut
connue, parce que Corinthe n’avoit eu d’abord que
de l’eau de citerne, fut enfuite en vénération,
lorfque l’on eut fait le petit conte du cheval Pégafe,
qui avoit été pris , difoit-on, fur fes bords par-
Bellerophon. Elle étoit fort ornée d’ouvrages en
marbre blanc.
Il y en avoit une fort belle qui étoit auprès
du temple de la mère de tous les dieux : elle étoit
furmoptée d’un Neptune en bronze, qui avoit à
fes pieds un dauphin qui jetoit de l’eau. Elle étoit
ornée de plufieurs autres ftatues, entre autres un
Apollon, furnommé Çlarius, en bronze ; une Vénus,
faite par Hermogène de Cythère ; deux Mercures
qui étoient debout, mais l’un étoit en bronze &
dans une niche ; trois ftatues de Jupiter, l’une fans
titre, l’autre à Jupiter le terreflre, & la troifième
à Jupiter le très-haut.
Sur le milieu de la place publique étoit une
Minerve en bronze , montée fur un piédeftal, dont
les bas-reliefs repréfentoient les Mu fes.
En fortant de la place , & en allant vers Le-
choeum, on voyoit une efpèce de portique, fur
lequel il y avoit deux chars dorés, dont l’un étoit
conduit par le Soleil, & l’autre par Phaéton fon
fils. A main droite de ce portique, on voyoit un
Hercule en bronze, & un Mercure, aufli en bronze
& aflis , ayant un bélier à côté de lui. Après
ces ftatûes , on en trouvoit une de Neptune, une
de Leucothoé , &- une troifième reprélentant Po-
lémon , porté par un dauphin.
La ville de Corinthe avoit fait conftruire quantité
de bains publics : l’empereur Adrien en fit de beaucoup
augmenter le nombre : mais ceux que l’on
nommoit de Neptune étoient les plus renommés ;
ils avoient été conftruits par Euryclès de Sparte ;
il y avoit employé plufieurs efpèces de pierres,
entre autres de celles que l’on tiroit des carrières
de Crocée, qui étoient près de Sparte. A l’entrée
de ces bains , à main gauche , on voyoit un Neptune
, & auprès une Diane chajferejfe. La ftatue de
Bellerophon étoit auprès de celle-ci : il fortoit
une foürce d’eau du pied du cheval Pégafe.
Comme ce pays abondôit en fources , on avoit
diftribué des fontaines dans tous les quartiers de
.la ville : mais la plus confidérable venoit de Stym-
phale en Arcadie, par le moyen d’un aqueduc
qu’avoit fait conftruire l’empereur Adrien.
En fortant de la place par le chemin qui me-
noit à Sicyone, on trouvoit un temple d’Apollon,
avec une ftatue du dieu, en bronze. La fontaine
de Glaucé étoit un peu plus loin.
Le temple de Minerve Chalinitis touchoit prefque
au théâtre, & auprès on voyoit le tombeau dés
fils de Médée. Près de-là on voyoit un Hercule,
qui étoit nud : la ftatue étoit de bois, & avoit été
faite par Dédale.
Le temple de Jupiter Coryphée étoit au-deflus
du théâtre, & à une grande diftance on trouvoit
un ancien gymnafe ou lieu d’exercice , auprès duquel
on trouvoit la fontaine Lerna : elle étoit entourée
d’une colonnade avec des fièges. Il y avoit
un temple à chaque côté de ce lieu d’exercice ;
l’un étoit dédié à Jupiter, & la ftatue du dieu étoit
en bronze ; l’autre étoit dédié à Efculape, & fa
' ftatue, ainfi qu’une Hygéïa qui y étoit, étoient
en marbre blanc.
En fortant de Corinthe par le fud, on parvenoît
à la citadelle, qui étoit bâtie fur une montagne-,
& nommée, à caufe de fon élévation, Acro-Corinthus»