
ce qui fut une des caufes principales de la conquête
que les Romains firent de leur pays. Le
métier de la guerre étant la paflion favorite des
Gaulois$ & formant une partie de leur éducation ,
ils auroient dû y devenir plus habiles, après avoir
foutenu tant de guerres, 8C avoir porté fi fou vent
lés armes en qualité d’auxiliaires ; mais, foit un
attachement opiniâtre à leurs anciens ufages, foit
mépris pour ceux des autres nations, ils ne fe
piquèrent jamais d’imiter ce qu’il y avoit de bon
dans la discipline militaire des peuples étrangers.
Ils aimoient mieux faire des incurfions & répandre
la terreur, que fe défendre d’une façon régulière.
Ils fupportoient les fatigues, attaquoient les ennemis
avec valeur, & maintenoient le combat avec intrépidité;
mais malgré tous ces avantages, s’ils avaient
le malheur d’être vaincus, leur dernière reffource
étoit de fe donner la mort. Une grande partie de
leurs, fuccès étoient dus à leur cavalerie 8c à leurs
chariots armés en guerre. Quand leur pays fut
divifé en petits royaumes ,8c en républiques., en
cas d’a&ion, ils difpofoient leur armée pour que
chaque corps eût l’occafion de fe diftinguer. Cesi
peuples avoient la fuperftition de ne point venir•
aux mains avec leurs ennemis, avant que la lune
, fût dans fon plein.
Quand les augures étoient fayorables, les druides
& les arufpices marchoient au-devant de l’armée,
jufqu’à ce qu’on en vînt aux mains.
Les Gaulois confervèrent long-temps l’armure
des Celtes, leurs ancêtres; mais il paroît que dans
leurs guerres contre les Romains, ils ne fe fervirent
que de l’arc, de l’épée & du bouclier, armes qui
les rendirent long temps la terreur dé leurs ennemis.
Dans les fièges, toute leur fcîence étoit de miner ;
its aimoient cependant mieux faire une attaque
brufque.
Jules-Céfar 8c Agathias, parlant du caraftère
des Gaulois, difent qu’ils étoient prompts dans leurs
rêfolutions, impétueux dans l’attaque, 8c fe rebutant
facilement.
Armes des Gaulois. La maffùe fut la première
arme de ces peuples; enfuite ils eurent l’arc, lé
javelot, le dard, la pique, & une épée longue
8c tranchante. Strabon dit qu’outre les traits du
carquois Ms en lançoient fans le fecours de l’arc ,
d?une main fi fore, qu’ils perçoient les oifeaux.
L’adreffe, la force 8c le courage que ces peuples
avoient en partage, auroient du les rendre invincibles^
mais ils le prêfentoient à l’ennemi la tête
nue, 8c le corps fans défenfe. Ils pouflbient la
témérité jufqu’à combattre nuds. En 5 28 de Rome |
les Gaulois combattirent nuds contre les confuls
Emilius 8c Attilius , ainfi qu’à la bataille de Cannes
& dans le combat que les Romains leur livrèrent
fur le mont Olympe en Phrygie. Leur indifci-
pline étorinoit leurs ennemis même : aufli éprouvèrent
ils des défaites qu’ils auroient pu changer
en viéloires.
liés Gaulois n’abandonnoien t jamais leurs armes ; j
ils les portoient avec eux dans les affemblées, dans
leurs feftins., dans leurs négociations, 8c jufques
clans le tombeau. ' . .
Le grand courage de ces peuples provenoit de
leur véhémence oc de leur force extraordinaire.
La chaleur de leurs Combats avec les Romains en
eft la preuve ; mais ils fuccotnboient faute de difci-
pline 8c de cuiraffes. Lorfque leur courage fut
fubo'rdonnè à l’ordre, 8c que leurs corps furent
revêtus de l’armure romaine, iis formèrent les meilleures
troupes de l’empire.
Commerce. Toute la Gaule femble avoir été partagée
en trois états;les druides, la nobleffe 8c la
claflè des marchands , qui étoit la plus nombreufe.
Les deux premiers ordres tiroient leurs revenus-,
en partie du dernier, 8c en partie du revenu dé
leurs terres. Il paroît par.plufieurs anciennes infcrip-
tions, & particuliérement par une , que les marchands
de Paris ont confacrée à Jupiter tres-lronT
que leur commerce étoit d’une grande étendue*
Diodore de Sicile dit que les marchands étrangers
avoient foin de faire paffer d’Italie 8c de Grèce,
une grande quantité de vin dans les Gaules. Ils-
faifoient quelques échanges fur les côtes de l’Océan
par Bordeaux , Narïtes, Vannes, 8c le port Iftius*
qu’on croit être Boulogne. Sur les côtes de la Médi*
terranée par Marfeille, ils trafiquoient avec des
marchands Grecs 8c Phéniciens. Les Romains ,,
quoique peu partifans du commerce, étendirent
celui des Gaules. L’àpprovifionnement de ce pays-
étoit fait par cinq compagnies de négocians, fous,
la direétion d’un chef des nautonniers. Il fé fai-
foit par les cinq grandes rivières qui l’ arrofoient.
Chacune de ces grandes rivières avoit fes ports
particuliers. Les grandes voies romaines qui établirent
la correfpondance entre toutes les parties
de l’empire, augmenta le commerce 8c en. aflura
le fuccès.
Monnaies. Ce que les anciens Gaulois nous ont
laiffè concernant les monnoies, paroît être une
groffière imitation des Phéniciens 8c des Grecs ;
mais la forme 8c la matière montre l’état d’ignorance
8c de pauvreté du peuple imitateur*
Beaux-arts.. Des rochers creux 8c dès cabanes
couvertes de feuilles ou de joncs, furent la ,prer
mière demeure de ces peuples.
Les Phéniciens, en élevant les murs de Marfeille,
leur firent naître l’envie d’imiter des ufages auflï
commodes : alors leurs cabanes furent changées en
maifons. Ces peuples cependant ne connurent
l’ufage des conffruétions folides qu’avec les Romains.
Vitruve 8c Strabon nous-apprennent que
les Gaulois ne bâtiffoient leurs maifons qu’avec
de la terre grade , 8c que Les toits n’étoient couverts
que de chaume ou de joncs.
Les murailles de leurs principales villes étoient
fortes par leur épaiffeur 8c la grandeur des pierres
qulls y employ oient. Les collèges.deleurs druides ,
qui furent les premiers comme les plus grands, bâtir
a i s > étoient,.par la dureté des matériaux, à
l’épreuve des temps. Les Gaulois n’eurent qii’une
connôiflance imparfaite des arts avant les Romains ;
8c leurs habitations, ainfi que celles des druides ,
étoient prefque toutes fituées fur des éminences.
. Sous les Romains, l’architeâure fe déploya dans
les Gaules avec une nobleffe qui enchante encore
aujourd’hui, malgré la véfufté des monumens. .
Après que lès Romains fe furent établis dans les
Gaules, cette nation fe trouva un compôfé d’anciens
Celtes, de Grecs, d’Italiens, de Germains1,
qui y avoient pénétré, 8c de Francs, qui étoient
les derniers venus; mais lè fond de la nation étoit
de familles gauloifes ; de forte que fon caraétère
prit le deltüs 8c devint le dominant. L ’efprit des
habirans ëft encore le même que'-du temps de
Céfar, impétueux, prompts à fe rendre18c fe rebutant
aifément.
CaraSlère. Selon Jfflès-Céfar 8c Agathias , ces
peuples étoient emportés, témérairès 8è querelleurs :
leur curiolité étoit exceflive ; 8c pour la fatisfaire,
ils interrogeoient les paffans 8c les étrangers, qui
pouvoient leur apprendre des nouvelles. Malgré
leur extrême vivacité , ces peuples etoient les plus
civils des barbares; ils étoient remarquables par
leur propreté, 8c ils avoient déjà le germe de la
politèffe 8c du bon goût, qui les font diftinguér
des autres peuples de l’Europe. Ils étoient généreux
, même envers leurs" ennemis. Les voyageurs
ne payoient nulle part. Le caraâère primitif des
Gaulois s’eft confervé jufqu’à nous.
Moeurs O ufages , hnbillemens. Leur habillement a
fouvent varié ; mais il fut toujours conforme, à
leur état. Pendant une longue fuite de fiècles, tant
qu’ils furent nomades, ils fe couvrirent de la peau-
des bêtes fauves dont ils fe nourriffoient. Ils affolent
à la guerre dans cet équipage.
Ce furent.les Phocéens, qui, les premiers, jetèrent
chez ces peuples, les germes du luxe 8c de l’émulation.
Ils portèrent alors une efpèce de manteau
court, de larges culottes 8c des tuniqiiës. Sons le
joug des Romains, les Gaulois adoptèrent l’habit de
leurs vainqueurs, 8c ils devinrent prefque Romains
par la robe comme par les moeùrs.
Ammien Marcellin dit, en parlant des Gaulois
« vous ne trouverez dans ces contrée sni hommes
n ni femmes, fuffent-ils des plus pauvres, qui aient
w des habits fales ou déchirés v.
Exercices & fejîins. Ces peuples fe plaifoient extrêmement
à la chàffe. La quantité de bêtès féroces
dont leurs bois étoient remplis, leur rendoit cet
exercice néceffaire. Les chaffeurs de profefiion
çélébroient tous les ans une fête en l’honneur de
Diane ; 8c, entre autres prèfens, chacun d’eux offroit
à la déeffe une bourfe, ou il y avoit une pièce
de momioie pour chaque animal qu’ils avoient tué
dans le cours de l’année. Cette fête, étoit terminée
par un grand feffin. Ils excelloient dans tous les
exercices mâles, étoiénrbons cavaliers 8c menaient
bien les chariots. Aufli ils avoient des hippodromes,
dés courfes de chevaux 8c des tournois. Leurs exercices
, en général, tendoiënt à les rendre plus légers,
plus forts 8c plus hardis. Ils apprencient tous
à nager, 8c ils regardoient Comme un je u , de
paffer les rivières les plus grandes 8c les plus rapides.
Les bardes les animoient à fe figilaler, 8c
l’on eftimôit heureux ceux qui obrenoient une
place honorable dans leurs poèmes.
Les feffins des Gaulois étoient prefque toujours
marqués par la profufion , 8c même le défordre.
Ils célébroient leurs affemblées publiques, leurs
mariages, les jours de leur naiffance, &c. par de
fomptueux repas, dont la bonne chère étoit accompagnée
de mufique. Les nobles fe diftinguoienc
dans ces fortes de dépenfes, qui fervoient à leur
attacher 8c à augmenter le nombre de leurs cliens
' 8c de leurs vaffaux. Tacite rapporte qu’un roi des
Arverniens, fit faire un endos de douze ffadeS en
quarré-, où il régala tous les allans 8c venans , dô
tout ce qu’on peut donner de plus exquis en mets-
8c en liqueurs. Les perfonnages lés plus diffingués
par lèur valeur ou par leur fageffe, occupaient toujours
les places d’honneur dans ces fortes de fefffns*.
Selon Pofidonius-, leurs tables étoient très-baffes ;
ils mangeoient peu de pain 8c beaucoup de viande,
qu’ils dévoroient avec avidité. Derrière les convives
étoient les ferviteurs, qui tenoient leurs boucliers.
Les gardes avoient leurs tables, vis-à-vis
d’eux , 8c après que les maîtres avoiem fini de
manger, les ferviteurs fe régaloient à leur tour,
Diodore de Sicile-dit que les Gaulois mangeoienc
aflis à terre fur des peaux de loups 8c de. chiens ,
8c que lés plats étoient portés par des eofarts de
la mâifon. Ç ’éroit toujours le coryphée qui buvoic
le premier ; Aprahd il avoit b u, il donnoir à fon
plus proche.véiffn la coupe, qui faifoit ainfi la
ronde. Comme les Gauloiç pafforent ordinairement
la nuit à table, ilss’échauffoient de liqueurs fortes,
8c la fcène en étoit prefque toujours enfanglantée-
Quand le feffin étoit terminé paifiblement, on y
joignoit le plaifir de la mufique 8c, de la danfe*
Com me ceux ; qui danfoien t étoient armés de pied
en cap j ils battoient la mefure avec leurs épées fur
leurs boucliers. Leurs:principales liqueurs étoient
la bière 8c le vin. L’ivrôgherie étoit un des vices
dominans de ces peuples. On, prétend que la raifon
qui leur faifoit aimer le v in , étoit la propriété qu’il
$ de redoubler le courage, 8c de faire méprifer
lès dangets.;’
Ces peuples, fi cruels envers leurs ennemis,
s’étoient rendus fameux par leur caraélère hofpi-
talier. Les auteurs grecs & romains leur rendent
êgalemënt ce témoignage. Il paroît qu’ils avoient
la coutume confiante d’inviter à leurs fêtes les
étrangers qui fe trouvoient dans leur pays, 8c de
leur demander enfuite en quoi ils pouvoient leur
être utiles. Celui qui étoit convaincu d’avoir manqué
aux devoirs de l’Hofpitalitê envers un étranger,
s’attiroit un mépris général, & étoit mis a l’amende
par ië magiffrat, Céfar dît que. la pçrfomxe des