
des Gaulois, & que l’on croit avoir été des autels
où l’on facrifioit les viélimes, étoient .de différentes
formes,* & l’on y gravoit ordinairement
des figures ow des infcriptions. Quelques-uns de
ces autels étoient creux, en forme de baffin, pour
recevoir le fang des vi&imes. Ces peuples affiftoient
aux facrifices, armés de pied en cap, & fe reti-
roient en tenant dans leur bouche ou dans leurs
mains quelque çhofe appartenant à la v iâime, après
qu’elle avoit été offerte, ou menée à l’autel.
Les Gaulois n’eurent des temples que long-temps
après qu’ils eurent été fubjugués par Céfar. Un
auteur, poftérieur à Céfar, dit qu’ils n’avoient
d’autres ftatues de Jupiter qu’un grand chêne. Lorf-
que Mars.fut reçu au nombre ae leurs dieux inférieurs
, ils l’adoraient fous la figure d’une épée
nue , dépofée fur un autel ' : mais comme ils
avoient la coutume de vouer à ce dieu les dépouilles
de leurs ennemis , ils raffembloient, félon
le rapport de Céfar, toutes ces dépouilles en monceaux
, en plein air ; & quoiqu’il s’y trouvât beaucoup
d’o r , tout étoit regardé fi facré par le peuple,
qu’il n’ofoit pas y toucher. Céfer dit que de pareils
monceaux confaçrés fe trouvoient dans la plupart
des villes de la Gaule.
Quoique les Romains poffédaffent une partie des
Gaules avant que Jules-Céfar entrât dans ce pays,
ils n’avoient cependant pas pu engager les habi-
tans à bâtir des temples à quelque divinité. On
a dit que Mars étoit adoré dans les Gaules, fous
l’emblème d’une épée nue ; ces peuples avoient
Mercure en grande vénération, vraifemblablement
à caufe du bien que ce dieu avoit fait à leurs arts ,
à leurs fciences & à leur commerce. Céfar ne parle
ni de temples, ni d’autels, mais feulement de fta-
tues érigées en fon honneur. Ce culte.n’étoit peut-
être au commencement que c iv il, quoique dans
la fuite il ait dégénéré en groflière idolâtrie. Ces
deux divinités, ainfi quUranusi Saturne, Jupiter, &c.
étant d’origine celtique, il étoit naturel aux Gaulois
de les déifier., comme ayant régné fur leur
nation. Cette confidération fert en grande partie
à rendre raifon du grand changement qu’éprouva
leur ancienne religion , des temples qu’ils bâtirent,
& des facrifices qu’ils offrirent à tous ces monarques
déifiés, jufqu’à ce qu’ils furent à la fin plongés
dans les mêmes erreurs que le refie du monde
idolâtre. Alors le Dieu fuprême Efus fut remplacé
par Jupiter, c’eft-à-dire, par le peuple grofiier,
car les druides, & les autres fages parmi les Gaulois
, confervèrent la notion de l’Être fuprême, &
fe moquèrent vraifemblablement en fecret de la
théologie payenne.
Lorfque les Romains eurent fait la conquête de
la Gaule, ils voulurent, félon leur coutume, introduire
de gré ou de force leur religion & leurs
loix : mais les druides, extrêmement zélés pour
leurs propres rites, qui dévoient avoir en horreur
de pareils changemens, durent fe fervir de toute
leur autorité, pour s’oppofer à ces innovations,
& pour engager le peuple à la révolte. Aufii les
Romains furent obligés de les dépouiller d’une
partie de leur puiffance, & de les réduire à une
foumiflion aveugle. Plufieurs empereurs, pour diminuer
la crainte qu’infpiroient les druides, publièrent
des édits févères contre la coutume d’offrir
des viéliines humaines. Augufte fut le premier qui
donna un pareil décret, & l’habileté de Drufus,
que cet empereur avoit laiffé dans les Gaules, fit
confentir ces peuples à aflifter à la dédicace du
temple de Jules-Céfar, & à bâtir un autel à Augufte.
Il paroît que l’édit d’Augufte ne fut point
exécute, puifque Claude le renouvella, & que les
facrifices furent pratiqués & en vogue quelques
fiècles après ; mais aufii autorifés par les empereurs
Sévère, Aurélien & Dioclétien.
Le culte des dieux du paganifme fut introduit
dans lès Gaules, fous le règne d’Augufte. Les Gaulois
Lugdunenfes, érigèrent un magnifique temple à
Jules-Céfar, & une autel à Augufte, qui avoit
une haine déclarée contre les druides & leur religion.
Ce fut fous le règne de Tibère qu''Efus fit
place à Jupiter : mais pendant quelque temps les
Gaulois partagèrent leurs hommages entre ces deux
divinités. Elles furent adorées dans des bocages &
fous des chênes : à la fin Efus fut oublié, & l’on
n’érigea plus d’autels & de ftatues qu’au feul Jupiter,
dans toutes les parties des Gaules conquifes
par les Romains. Sous les règnes de Caligula &
de Claude , tout le pays fut rempli de temples ; où
les Gaulois adoroient les dieux de leurs vainqueurs,
& il ne refia de leur ancienne religion que le rite
barbare d’offrir des viâimes humaines à ces nouvelles
divinités. Malgré ce nombre exceffif de temples,
les Gaulois confervèrent une grande vénération
pour leurs chênes, & , félon quelques auteurs
, ils ne revinrent de cela que vers les deuxième
& troifième fiècles. Un de.ces chênes étoit consacré
à cent dieux. Les Gaulois, après avoir fe-
coué le joug de leurs druides, déifièrent jùfqu’aux
lacs, aux rivières, aux marais & aux fontaines,
attribuant à chacune de ces chofes une divinité
particulière, & des qualités furnaturelles. Les
druides furent obligés de fouferire à tous ces changemens,
pour ne pas encourir les peines portées
par les édits. Et pour que leur nom n’excitât plus
d’idées odieufes, ils le changèrent en celui de fe-
nani, qui fignifioit, dans leur langage , ancien ou
vénérable. Les Romains les ayant dépouillés de leur
autorité, ne leur permirent plus de la reprendrej
Il leur refia la reffourCè de fe faire valoir par*un
redoublement de zèle pour le culte des nouveaux
dieux introduits par les Romains.
Les lacs & les marais confacrés aûx dieux, n’empêchèrent
pas les Gaulois de leur bâtir des temples ,
& de leur ériger des autels & des ftatues, à la manière
des Romains ; mais ils n’y offroient ordinairement
que des facrifices d’animaux brutes. Les
viélimes humaines étoient immolées fous des chênes.
Les ftatues de quelques divinités étoient placée^
quelquefois fur un piédeftal qui fervoit d’autel, &
quelquefois fur une colonne d’une prodigieufe hauteur.
Quelquefois la colonne & la ftatue étoient
à couvert des injures du temps, par un ouvrage
qui s’élevoit en dôme, & formoit un cône. Leurs
temples étoient riches & magnifiques, & plufieurs
de ces édifices ont été convertis en églifes, quoique
la plupart aient été, démolis.
I Lorfque les Gaulois furent plongés dans les fu-
pèrftiiions romaines, ils changèrent, comme je l’ai
dit, Efus en Jupiter; ils lui érigèrent des ftatues &
des autels , & le repréfentèrent à la manière des
Romains. On lé vo it, dans quelques bas-reliefs,
tenant une lance d’une main, & la foudre de l’autre.
Mars étoit en rang la fécondé de leurs divinités,
& ils le regardoient comme le grand prote&eur de
leur nation. Les Gaulois avoient une fi grande confiance
en lu i , que lorfqu’ils alloient à la guerre
ils Tinftituoient letir héritier. Si ces peuples rem-
fortoient la viéloire, ils facrifioient ordinairement
à ce dieu leurs prifonniers & tout leur bétail, &
peïidoient au cou de leurs chevaux les têtes des
ennemis tués, comme un témoignage de leur valeur.
Ils enchâffoient ,’dans du bois de cèdre, les
têtes des perfonnes diftinguées , pour les montrer
aux étrangers,
Apollon , autre dieu des Gaulois, étoit aufii
révéré comme dieu de la médecine, que Mars
l’étoit comme dieu de la guerre. Les druides le
célébroient comme auteur de l’efficacité de leurs
remèdes, qui confiftoient principalement en végétaux,
qu’ils préparoient avec des cérémonies myf-
térieufes.
Mercure étoit le dieu que les Gaulois rêvéroient
le plus. D ’autres divinités avoient des villes & des
provinces qui leur étoient particuliérement affectées
: mais Merciire, après avoir été adopté comme
dieu du commerce, étoit aufii regardé comme le
grand proteâeur des arts, des fciences, des grands-
chemins , des voyageurs, des femmes enceintes,
& même des voleurs : on lui érigea des ftatues,
des autels & des temples dans toute l’étendue des
Gaules.
Les druides étoient feuls chargés de tout ce qui
concernoit la religion. Ils étendirent habilement ce
pouvoir k toutes les affaires, tant publiques que
particulières. Ils choififfoient les magiftrats annuels
de chaque canton. Ces magiftrats avoient l’autorité
fouverainè ; mais ils ne pouvoient pas convoquer
un confeil lans la permifiion ôd’avis des druides. Ifs
menôient une vie retirée , qu’ils paffoient dans les
bois, & ils obfervoient éonftamment le célibat. Les
trois points fondamentaux de Leur religion confiftoient,
i°. dans îe culte qu’ils rendoient aux dieux ;
a0, à s’abftenir de tout mal ; & y0, à marquer de
l ’intrépidité dans toutes les occafions. Ils enfeî-
gnoient l’immortalité de l’ame & une vie à venir.
Les druides aimoient à cacher leur doélrine fous
des figures emblématiques. La grande confidération
que les Gaulois avoient pour leurs druidefles étoit
principalement fondée fur le don de prophétie qu’on
leur attribuoit. Quelques-unes d’elles étoient de
la lie du peuple. Il y en avoit de trois fortes ; de
vierges , de mariées, qui étoient obligées à la continence
, & à refter dans les temples, à l’exception
d’une fois par année, qu’elles alloient voir leurs
époux ; enfin , la dernière claffe, qui étoit proprement
deftinée à fervir les deux autres.
Les bardes étoient un autre ordre chez les Gaulois
; Strabon dit qu'ils s’appelloiem ainfi à caufe
de leurs fondions, qui étoient de chanter les
louanges de leurs héros, & d’accompagner leurs
hymmes avec quelques inftrumens.de mufique.
Druides. Ces prêtres des anciens Gaulois*, fous
des dehors d’auftérité & de gravité, leur impofèrent
un joug très-dur, en cachant leur ambition par un
extérieur hypocrite, & par des principes d’une fage
morale. Céfar, en les délivrant de ces terribles
maîtres, doit être regardé comme leur bienfaiteur.
Les druides fe p'renoient dans les familles les plus
diftinguées ; ils avoient l’adminiftration de la juf-
tice, & le foin de l’éducation des nobles ; ils avoient
le droit d’élire avec eux le fouverain magiftrat :
la nobleffe de leur extraélion, & la dignité de leur
état, leur attiroient la vénération des peuples. Le
chef des druides, qu’on pouvoir regarder comme
la perfonne la plus conlklérée des Gaules ,portoit
une couronne de larges feuilles de chêne, & fon
affiftant tenoit un croiffant.
La principale demeure des druides étoit le pays
Chartrain o.ù réfidoit leur chef, & où fe tenoit
tous les ans. une affemblée générale. Ils habitoient
aufii une montagne peu éloignée d’Autun , & que
l’on appelloit Mans dnàdarum.\( MonÊdru; \
Les druides étoient divrles en drfférens Ordres ;
les uns étoient poètes,, & célébroient les aélions
des grands hommes r tels étoient les bardes. Ceux
qui étoient nommés eubardes ou eubages profef*
foient la médecine & la philofophre. Les faronides
diéloient les loix , enfeignoient la jeune nobleffe,
& déc'idoient lés affaires ; les vacies étoient les fa-
erificateurs. Les druides en corps étoient tout. Ils
portaient une robe longue, & un long manteau
pardeffus , avec un capuchon tombant : leur vifage
étoit tritte & fombre , avec une barbe longue &
touffue. Leur tête étoit entourée d’un bandeau &
d’une couronne de chêne.
Dans les coinmeiicemens îenr morale étoit fù-
bl'ime, & ne tendoit qu’à- la pureté des moeurs.
Ils enfeignoient un être fouverain au-deffus des.
fens, & line ame immortelle , animant de nouveaux
corps , au fortir de ceux qu’elle abandonnoir.
Pour parvenir au pouvoir fouverain, ils employèrent
la fourberie, l’avarice, & fa politique
cruelle. Ils eurent fe talent de d'éguffer aux y eu x
du peuple les pallions dont il. devint la viéfime.
Les druides fè tranfinettoient leur favoir pendant
un noviciat de vingt ans : les fciences étoient ex-
clufives à tour autre qu’à eux*