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nommée Emporia à caufe du nombre de fes ports,
qui étoient, pour la plupart, deftinés au commerce
des grains«
B Y ZAN T IUM , ou B y z a n c e , appelée depuis
Conjlantinopolis, eft actuellement habitée par les
Turcs qui la nommoient Stamboul ( i) . Cette ville,
fituée à l’extrémité de l’Europe, fur la Propontide,
n’occupoit d’abord de l’extrémité de l’angle, refferré
entre la mer, d’un côté, les eaux du_port de l’autre ;
c’eft à-peu-près l’emplacement du férail aéluel. On
prétend qu’avant qu’il y eût aucun établiffement en
ce lieu, la ville de Chalcédoine, fituée en face,
mais en A ile , exiftoit déjà ; & que des Mégariens,
confultant l’oracle pour .favoir où ils pourroient
s’établir avantageufement en colonie, il leur fut
répondu qu’ils le plaçaflfent en face de la ville des
Aveugles, Ils partirent en effet, & ayant remarqué
l’avantage de la fituation de cette efpèce de
promontoire fur la pofition de Chalcédoine, ils en
conclurent que les aveugles, indiqués par l’oracle,
étoient ceux qui n’avoient pas vu l’avantage inappréciable
de cette pofition fur celle qu’ils avoient
prife (2). G yllius , qui a fait une defcription de
Coriftantinople, remarque donc avec raifon que
c’eft à tort que Juffin en attribue la fondation à
Paufanias, roi de Sparte. On peut croire avec bien
plus de vraifemblance, qu’il la rétablit ou l’agrandit,
d’autant mieux que nous voyons dans Hérodote,
qu’au temps de Darius, Byfance a voit été brûlée
par les Phéniciens. Quant à la colonie de Mégariens
, on dit qu’elle avoit pour conduâeur un
certain Byfas, dont elle conferva le nom. Quelques
auteurs lui donnent une origine illuftre, puif-
qu’ils en font fondateur un fils de Neptune. Peut-
être cette fable avoit-elle pris naiffance dans le
pays, parce qu’il y étoit arrivé par mer.
Quoique l’oracle eût annoncé comme très-heureux,
le fort de ceux qui s’établiroient au lieu
nommé depuis Byfance, il ne les avoit pas garantis
de la viciflitude des chofes humaines. Audi eurent-
ils beaucoup à fouffrir de la part des Thraces, des
Bithyniens & des Gallo-Grecs. Pendant long-temps r
Byfance paya à ces derniers quatre-vingts taleiis
par année. Son gouvernement intérieur ne fut pas
non plus exempt de maux. Tantôt gouvernée par
les premiers de la v ille, tantôt foumife aux ma-
giftrats du peuple, elle éprouva pendant long-temps
un fort très-varié. Enfin cependant, le courage de
(1) Pour ne pas répéter ce que j’ai dit a i'leurs, je ne
m'étendrai pas ici fur la jufte pofition ô e cette v ille -, on
peut v o ir ce que j’en ai dit dans l’article de la Turquie
d’Europe de ma Géographie comparée -, & , quant à l’étendue,
le plan qui s’en trouve entre ceux de mon atlas.
(2) Pour bien entendre c e c i, i l faut fa v e ir , non-feulement
que la pofition de Cônftantiriople eft une des plus
fuperbes de l’univers-, mais, ce qui eft d’un bien plus
grand p r ix , c’eft qu’elle peut rece vo ir des convois par
tous les vents., tantôt de la mer N o ir e , tantôt par la
.mer de Marmara,
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fes habitais & la bonté de l’adminiffratîon triontl.
phèrent des obftacles. Byfance devint une ville
floriffante qui étendit fon pouvoir en Europe &
en Afie. Philarque, dans le fécond livre de fes
hiftoires, rapporte que les Byfantins fournirent les
Bithyniens & les réduifirent au même état, à-peu-
près, que les Lacédémoniens avoient réduit les
Hélotes (3).
Devenue donc’une république confidérable, B y fance
fit alliance avec les puiffances alors les plus
çonfidérables. On la vit cultiver l’amitié des La-
gides, & accorder les honneurs divins à Ptolemée
rhiladelphe, auquel on éleva un temple au milieu
de la ville ; prendre enfuite parti pour les Romains,
contre le roi de Macédoine, appelé le Pfeudophi-
lippe, contre Perfée, contre Antiochus, contre Mi-
thridate, & féconder de fes forces, Sylla , Lucullus
& Pompée. On ne fait rien, ce me femble, de
fon état fous leS premiers empereurs. Mais on voit
que dans les guerres qui eurent lieu pour les prétentions
à l’empire entre Niger & Sévère, ayant
pris parti contre ce dernier, elle en fut cruellement
punie par lui lorfqu’il l’eut emporté fur fon
compétiteur. Il y fit un maffacre horrible, ren-
verfa les murailles & les édifices, enfin, il la fournit
à la ville de Perynthe, fituée un peu à l’oueft. Il
pardonna cependant aux Byfantins , mais il ne les
affranchit pas de l’autorité de Pérynthe. Seulement
il leur fit conftruire un théâtre, un portique, un
hippodrome (4). Il fit aufli bâtir des thermes , &
reconftruifit le flrategium. Comme plufieurs de ces
ouvrages n’avoient pu être entièrement achevés
par Sévère, ils le furent par Antonin, fon fils. On
voit donc qn’après l’avoir très-maltraitée, Sévèr®
embellit beaucoup Byfance. On convient aufii qu’il
en augmenta l’étendue. Selon Denys de Byfance,
elle avoit d’abord quarante ftades de tour. Mais
Hérodîen, qui écrivoit vers le temps de Sévère,
dit qu’elle étoit la plus grande ville de Thrace.
Les hiftoriens rapportent que Çpnftantin , voulant
fixer le fiège de l’empire dans le levant, choifit
plufieurs autres lieux avant de fe fixer à Byfance ;
& plufieurs font des contes furies motifs qui l’y
déterminèrent. Les gens fenfés fendront bien que
ce prince, guidé par fes propres lumières, & averti
de plus par la tradition de l’ancien oracle, ne pou-
voit guère choifir un autre emplacement : cependant,
je ne nierai point qu’il n’ait eu d’abord en
vue le promontoire Sigeum & l’ancien emplacement
de Troies ; mais c’eft le feul emplacement
qu’il eût pu raifonnablement adopter y s’il n’eût pas
choifi l’autre. 3
(3) By\antis fie dominos fuiffe Bythinorum, ut Lacede-
monii fuerunt ei\drav. ( Pétri. G y th i. de topo, conft. )
Dans le premier vol', de Vimper, orient, p. 349.
(4I Place dans la v ille , deftinée à la courfe des chev
au x . Les T u r c s , en la nommant Atmeidan, lui ont cou-
fe rv é un nom, q u i, comme le premie r, en g r e c , indique
fon ufagè.
Lorfqu’il
Lorfqu’il fe fut déterminé pour Byfance, il
l ’agrandit, l’entoura de. fortes murailles, & l’em-
tellit considérablement (1 ), Enfin, il lui donna le
iiQm de nouvelle Rome. Mais celui de ville de Conf-
tantin, exprimé en un feul mot grec, Conflantino-
polis, prévalut; c’eft fous ce fécond nom que je
vais tracer une légère efquifle de fa defcription.
N . B. Peut-être quelques perfonnes trouveront-
elles que j’aurois dû renvoyer cette defcription au
mot Constantino polis ; mais je i\’|urois pu
éviter les répétitions pour faire entendre à quelle
ville plus-ancienne elle avoit fuccédé ; je préfère
donc de continuer ici tout ce que la- nature de cet
ouvrage me permet d’en dire.
C onstantinopolis, ou Conftantinople, devenue
à-peu-près aufli étendue qu’elle l’eft a&uellement,
étoit divifée en quatorze quartiers, appelés regiones
dans les auteurs (2). Voici quelle en étoit la dif-
•pofition. Je fuppofe que l’on fait que Conftanti-
oiopde forme un triangle, ayant un de fes angles
au fud-eft. Le côté qui remonte vers le nord-oueft
eft bordé par la mer de Marmara ; l’autre côté,
en partant du même angle, eft aufli bordé par les
eaux de la mer, qui forment le port & s’avancent
entre la ville & les fauxbourgs de Pera & de Ga-
lata ; le .troifième côté s’étend du fond du port à
la mer.
La première région occupoit toute la pointe du
fud-eft,'OÙ fe trouve aâuellement le feriail à-peu-
près.. ; . .
La deuxième étoit au nord-oueft le long du
port.
JLa troifième aufli tenant à la première, mais le
long de la Propontide.
La quatrième région étoit entre les deux précédentes.
La cinquième, contiguë à la fécondé, s’étendoit
aufli le long du port en s’avançant confidérable-
ment dans la ville»
La fixième région, placée aufli le long du port,
mais moins étendue de ce côté que la cinquième,
avoit plus d’étendue dans l ’intérieur de la ville.
La fepfième , placée fur la Propontide, coramu- 1 2
(1) Pour donner une idée de la xirconfpeûion a v e c
laquelle il faut adopter les opinions des auteurs de ce
temps, je ne rapporterai que ce que l’un d'eux dit à
propos des murailles que fit conftruire Conftantin.
«« Selon -cet -écrivain anonyme , Çonftantin s’étant
m avancé jufqu’au forum, les grands qui raccompagnaient
.9» lui repréfentèrent que l’on devroit fix e r le mur en cet
9» endroit. Mais l’empereur r é p o n d i t je ne-m’arrêterai
9* pas que je n’y fois décidé par celui qui me conduit.
*» Car il étoit le feul qui v ît devant lu i -un an ge . » Je le
crois bien. « II s’avança donc encore jufqu à'-ee qu’il v it
9> l’ange s’a rrêter & lui indiquer le lieu où de v o it finir la
»» muraille ».
(2) Cette defcription.,.conforme à celle de G y lliu s , eft.
jurée d’une defcription faite par un auteur an on yme ,
inférée dans le premier volume de Vimperium orientale
.du Banduri, pag. 429. J’ai tiré les plus grands fecours
£fle cet ouvrage pour tout ce qui concerne ce,t article.
5GéogKapJiie ancienne^
nîquoît, d’un côté, avec les régions quatrième ôc
troifième ; & de l’autre, avec la neuvième par ce
côté oppofé à la mer, elle touchoit à la cinquième
& à la fixième.
La huitième région étoit à-peu-près au centre. D a
côté de la Propontide, elle touchoit à la neuvième ;
du côté du port, à la dixième, ayant d’ailleurs la
fixième d’un côté & la première de l’autre.
La neuvième région étoit fur la Propontide, entre
la feptième & la douzième.
La dixième étoit fur le port, ayant d’un côté la
fixième, & de l’autre la quatorzième. Elle étoit
au nord de la huitième.
La onzième étoit entre la huitième, d’un côté,
& la muraille du côté des terres de l ’autre.
La douzième région étoit fur la Propontide, ayant
d’un côte la neuvième région, & de l’autre la
muraille. Du côté oppofé à la mer, elle avoit la
région onzième.
La treizième étoit de l’autre côté du port ou fe
trouvent aujourd’hui Galata & Pera.
Enfin, la quatorzième étoit comprife dans l’intérieur
de la ville; elle occupoit fur le port, l ’angle
oppofé à ^ancienne Byfance. D ’un côté, elle avoit
donc le port, de l’autre la muraille ; des deux .au tres
côtés elle avoit la onzième région, & l a dixième
aufli fur le port*
Il eft probable que ces quatorze quartiers avoient
été imaginés à l’imitation de ceux de Rome, qui
étoient en même nombre 1 & comme la fituation.
eft montueufe, les auteurs ont aufli décrit les
collines*
Un auteur, dont on ignore le nom , mais qui a
décrit Conftantinople fous le règne d’Alexis Com-,
nène, ne la divife qu’en trois grandes parties.
La première partie occupoit en longueur le
milieu de la v ille, depuis la muraille du côté des
terres, jufques vers l ’angle oppofé .où fe rêunif-
foient les deux autres parties; la fécondé étoit le
long du port ; la troisième, le long de la Propontide.
Ne pouvant entrer dans de grands détails, je me
reftreindrai à ne donner qu’une idée fommaire de
chacun des quatorze quartiers.
Premier quartier. C ’étoit dans ce quartier que fe
trouvoiententre autres monumens, i° . le palais de la
princeffe Galla Placidie, fille de Théodofe-le-Grand,
& feeur des empereurs Arcadius & Honorius.. .
2°. Le palais de la princeffe Morina, fille d’Arcadius.
. . . Les thermes arcadiens ; ces bains, com-
pofés d’un grand nombre de pièces, étoient publics
: laftatue cfArcadius, qui y avoit,été placée,
fut rénv.erfée, par un tremblement de terre..........
Deux longs portiques.-.. . La maifon du curateur,
ou magiftrat dela contrée,, à-peu-pris comme nos
commiffaires aéluels.
Second quartier. Le fécond quartier, occupé par
plufieurs monumens très-beaux, n’offroit cepen-
«I.nn r rien de plus intéreffant que la bafilique de
2>z