
défendoient au péril de leur v ie , la perdoient ainfi
volontiers par un fimple coup du fort.
D ’ailleurs ils étoient bons, francs, hofpitaliers.
Ils accueilloient généreusement l’étranger qui fe
préfentoit chez eux , lui offroient les chofes qui
pouvoient lui être agréables ; mais ils en rece-
voient aufli des préfens avec la même liberté
& fans plus de cérémonie.
Les jours de fêtes, la jeuneffe s’affembloit &
danfoit nue au fon d’une'efpèce de fifre. Elle fau-
toit avec une adreffe & une agilité furprenantes au
milieu des lances & des épées qu’ils fe préfentoient
tour autour. Les Suiffes confervent encore quelque
image de ces jeux.
Les cérémonies funéraires préfentoient le fpec-
tacle fingulier des larmes données à la perte du
mort par les femmes, & des chants de v iâ o ire ,
par lefquels le célébroient les hommes. Ceux - ci
auroient cru fe dégrader en montrant de l’affli&ion.
Mais on invitoit les jeunes gens à imiter les
vertus guerrières du Germain que l’on venoit de
perdre. On brûloit fon cheval & fes armes avec
fon corps, on élevoit au-dêffus du lieu où repo-
foit fa cendre, une butte de terre que l’on couvroit
de gazons. Le choix du bois du bûcher diflinguoit
les rangs ; car la vanité a trouvé par-tout & dans
tous les temps à introduire de ces diftinâions
flatteufes, pour l’opulence, indifférentes pour le
fage , & quelquefois outrageantes pour le pauvre
qui a la foibleffe de les regarder comme un avantage.
.
Germanie inférieure. Ces ufages , ces moeurs dont
je viens de parler, fe confervèrent affez longtemps
dans l’intérieur du pays; la Germanie inférieure,
celle qui étoit en deçà du Rhin , fut la première
à les abandonner. Ils furent conduits à ce changement
par le befoin & par l’imitation. Le Rhin ,
la Meule, l’Efcaut perdirent par la violence des
tempêtes leurs anciennes embouchures, tandis que
les ruiffeaux devinrent des fleuves confidérables.
Les vents renverfèrent des forêts, &c. Ces différentes
fecouffes, jointes à l’impoflibilité de fe
rranfporter ailleurs à caufe des peuples qui les en-
touroient, excitèrent leur induftrie ; ils élevèrent
des digues, creufèrent des canaux & bâtirent des
moulins propres aux defféchemens. De plus, ils
fe firent des maifons & des villages à l’imitation
de ceux qu’ils connurent dans la Gaule.
Lorfque Céfar pénétra dans la partie fepten-
trionale de la Gaule, les bords de la mer étoient
fi couverts de bois, fi remplis de marais, que l’on
ne pouvoit en approcher. Infenfiblement on les défricha.
La forêt Hercynienne qui commençoit aux
Ardennes & continuoit jufqu’à la mer Baltique, étoit
de foixante jours de marche en longueur, & de
neuf en largeur; Il y avoit peu de villes fur fes
bords au temps de Céfar. Lorfque Ptolemée écrivoir,
il y en avoit au moins cinquante, puifqu’il les
nomme. On préfume cependant que c’étoierit plutôt
des bourgades que des villes entourées de murailles,
ce qui n’étoit guère dans le genre de vie
des Germains.
Lors qu’Agrippa eut bâti Cologne, il fut obligé
d’en abattre les portes' pour engager les Ubiens à
venir habiter les maifons qu’il y avoit fait conftruire.
Cependant ils s’attachèrent infenfiblement à l’art
de la conflru^ion dont les légions difpofées le long
du Rhin leur donnoient l’exemple. On fait que
le feul Drufus avoit bâti cinquante châteaux pour fe
rendre maître des grandes rivières. Il faut même
que les villes fe ibient multipliées en affez peu de
temps, puifque, fous Conftantin, les Francs ayant
paffé le Rhin , en pillèrent plus de quarante.
Il en fera parlé ailleurs.
Infenfiblement les Germains fe divifèrent et*
plufieurs peuples qui fe portèrent en différens
endroits de l’Empire, & par leurs conquêtes en
caufèrent la chûte.
On trouve, à l’article Germania, les noms d’un
très-grand nombre de peuples connus par Ptolemée
, mais dont l’hiftoire ne dit rien. Il eft probable
que ce n’étoient que des hordes qui tiroient leur
nom, au moins pour la plupart, de quelque circonf-
tance phyfique du canton qu’ils habitoient. Les plus
puiffans d’entre eux fe firent connoître par leurs
incurfions fur les terres de l’empire ; les peuples
du nord refluant fur ceux du midi.
Les Lombards, refferrés d’abord aux environs
de l’Elbe , s’avancèrent jufques dans l’Italie. On
fait qu’ils y formèrent un royaume. ( Voye^ Lun-
GOBARDI ) .
Les Suèves fe jetèrent fur les Gaules & de-là
dans l’Hifpanie.
Partie des Goths, connue fous le nom de Wifi-
goths, ou Goths occidentaux, entrèrent aufli dans
les Gaules & dans l’Hifpanie.
Les Burgundiones fondèrent aufli un royaume
dans la Gaule.
Les Saxons s’avancèrent jufques dans la Weli-
phalie. Les Vandales firent des courfes en Italie,
en Hifpanie & paffèrent en Afrique. Ces émigrations
qui coûtèrent tant de fan g à l’humanité, &
caufèrent la ruine de l’empire romain , firent aufli
difparoître ce nom de Germani : on n’eut pas même
connoiffance d’aucune nation qui L’eût porté.
G e r m a n i , peuple, fur les Palus-Méotides ,
félon Denys le Périégète.
GERMANIA, vafte contrée de l’Europe , à laquelle
répond en partie l’Allemagne aftuelle. Elle
fut connue des Romains plus tard que la Gaule ;
delà vient que leurs auteurs du premier fiècle de
l’empire, en parlent d’une manière très-imparfaite.
Une courte analyfe de ce qu’en ont dit fuc-
ceflivement Strabon, Mêla & Pline, juftifieront
cette affertion. Je comprends fous le nom d’auteur
romain, le géographe Strabon, parce qu’il en par-
loit d’après les connoiffances qu’il tenoit des Romains.
Mais auparavant, difons un mot du nom de
Germanie,
Etymologie. Ceux qui'font dériver le nôm de
Germanie de deux mots tudefques, dont l’un figni-
fie guerre & l’autre homme, annoncent le goût &
l ’efprit des étymologies; ceux qui s’en tiennent à
regarder ce nom comme purement latin , & figni-
fiant les frères ou les ajfociés, me paroiffent fe ra-
procher davantage de la v érité, qui eft toujours
£ Ample. Ces peuples formèrent une ligue entre
eux qui fe fecouroient mutuellement ; on les dé-
figna par les affociations* D’ailleurs, les Romains
ne fe donnoient guère la peine d’emprunter des
noms & fur-tout d’en faire dans les langues étrangères.
On a dit de nos jours, les Etats-Unis, les
Provinces-Unies , &c. La langue latine , plus hardie,
a- dit Germani, & a rendu par ce mot l’idée d’une
affociation fraternelle.
Strabon ne connoiffoit la Germanie que par les
guerres faites jufqu’alors en ce pays. Augufte,
Drufus, Germanicus , Tibère , avoient tourné
leurs armes vers la Germanie ; mais ils n’avoient
guère combattu que les peuples qui fe trouvoient
le long du Rhin, depuis fon embouchure jufqu’à
fa fource. 11 ignoroit l’étendue & les bornes de
cette vafte contrée, & ne parle que confufément
des différentes nations qui l’habiroient.
Pontponius Mêla n’entre guère dans de plus
longs détails. I l étend à l’eft la Germanie jufqu’à
la Sarmatie, & au nord, jufqu’à l’Océan. Il en
peint les habitans comme des fauvages féroces,
& parle fort peu de leurs habitations. Au refte,
cela n’eft pas étonnant : à peine avoit-on encore
mis le pied , dans ce pays : on ne pouvoit
connoître un peu paffablement que ce que l’on avoit
vu. Il falloit pour le refte s’en tenir aux récits des
gens du pays, dont le très - grand nombre man-
quoit certainement de lumières , & tous de
bienveillance pour des vainqueurs qui dévoient
leur être odieux. Ces defcriptions de la Germanie,
du temps d’Augufte & de Tibère, ne doivent
pas être meilleures que ne l’eùflent été celles
qu’auroit donneés, il y a cinquante a.ns, un habitant'de
Québec ou de Montréal, de l’intérieur
de l’Amérique , au-delà des lacs & des Apalaches.
Pline, venu un peu plus tard, avoit écrit, en
vingt livres , les guerres des Romains en Germanie.
Mais il lui étoit plus aifé d’apprendre lés
événemens qui venoient de fe paffer en quelque
forte fous fes y e u x , que de connoître la jufte
étendue de tout le pay s , & les divifions reçues
dans fon intérieur. Cependant comme Pline étoit
un homme laborieux , & qui fentoit ce qu’il con-
venoit de préfenter à la curiofité-ainfi qu’à l’inf-
truéfion de fes le&eurs, il traite la géographie de
la Germanie avec,plus de méthode. Mais il fait
mieux connoître les peuples que les pays. Cela
n’eft pas étonnant. Je fuis très-perfuadé que ces
Germains eux-mêmes n’avoient de connoiffances
locales que fur les parties qu’ils habitoient. Et
leur férocité & leurs langues barbares étoient un
giand obftacîe à toute efpèce de communication
entre eux & les Romains.
Piihe divife les habitans de la Germanie en
cinq grandes nations , favoir :
i° . Les Vindili, renfermant les Burgundiones,
les Variai, les Carini, les Guttones.,
20. Les Ingcevones , comprenant les Cimbri, les
Teutoni, les nations comprifes fous le nom de
Cauchi.
30. Les’inyoevones, dont les Sicambres faifoient
partie.
40. Les Hermirones Mediterranei, ou de l’intérieur
des terres , comprenoient les Suevi, les Ger-
mundri, les Chatti & les Cherufi.
30. Enfin les Peucini, qui fe divifoient, ce me
femble, en Peucini & en Baflerna, qui s’étendoient
jufqu’à la Dacie.
Mais ces notions font très-vagues; & Pline ne
nous apprend pas dans quelle partie de la Germanie
habitoit chacun de ces peuples.
Tacite, contemporain de Pline, mais plus jeune,
fut employé dans la Belgique, fous Vefpafien. Il
profita des avantages de fa place pour fe procurer
des connoiffances fur l’intérieur de la Germanie
& fur Jes_ moeurs des Germains. Comme on ne
connoifloit pas encore dans le pays d’états cir-
confcrits par des divifions bien convenues , cet
auteur fuit dans fa defcription celles que nous
offre la nature ; les montagnes & les fleuves : je
crois même que les Germains entre eux n’ea
connoiffoient guère d’autres. Au refte, il en fait
un tableau affez défavantageux quant au phyfique
du pays.
Ptolemée, venu plus tard que les auteurs précédons,
traita de la Germanie d’une manière bien
plus détaillée. Je vais mettre cette partie de (on ouvrage
prefque en entier, parce que c’eft le plus
important lur la géographie de ce pays.
La Germanie, félon Ptolemée,
Le Rhin borne la Germanie à l ’occident ; Tocéaa
germanique-, au nord: c’eft tout ce qu’il dit des
bornes du pays.; puis il entre en matière, en décrivant
les côtes du pays par le nord.
Rheni, fl. Oflia.
Manarmanis Portas.
Vidri^fl. Oflia. .
Amajii,fl. Oflrd. '
Vifurgis , fl. Oflia.
A Ibis, fl. Oflia.
Cymbrica Cherfonefus.
Chalujî,fi. Oflia.
Suevi, fl. Oflia.
Viadi, fi; Oflia.
Viflida , fl. Oflia.
La partie du midi eft bornée par le Danube.
Les montagnes principales font, : montes Sûrma-
tici, les montes A mob ce & le mont Mclibocus. Au*
deffous de ces montagnes étoient les forêts nommées
Lcmana & Afcwurgium. Au-delà étoient les
montes Sudeuz, au-defîbus defquels étoit la forêt
Gdbreta, entre laquelle & les montes Sarmaùci étoit
la forêt Htrcynia ou Hercynie,