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étrangers étoit fa crée parmi les Gaulois-; qu’ils
avoient le droit d’entrer dans toutes les mailons,
& de prendre place à tomes les tables. Us les cou-
duifoient d’un territoire à un autre , & châtioient,
fur le champ, ceux qui leur avoient caufé quelque
dommage.
Occupations des Gaulois. La garde des troupeaux
& la chaffe faifoient toute l’occupation de ces peuples
lprfqu’ils étoient nomades. Pendant que les uns vejl-
loient à leur confervation , d’autres pourfuivoient
fès bêtes fauves dans les forêts , & l'exercice de la
chaffe fortifioit encore leurs corps naturellement,
robuftes. Les Gaulois commencèrent à être cultivateurs
& à fe fervir des arts vers l’époque de la fondation
de Marfeille, 600 3ns avant l’ère chrétienne. Us
furent.plus occupés ; ils n’abandonnèrent cependant
pias les armes. La jeuneffe y . fut toujours formée
avec foin. Sous les Romains, les Gaulois connurent
le prix du temps & des fciences ;; ils en firent un
ufage honorable & utile.
Ces peuples dèfoeuvrés étoient naturellement
fainéans & enclins au vin & aux liqueurs fpiri-
tueufes.
- Hijloire. J’ai dit, en parlant de l’origine des Gaulois,
qu’ils avoient habité de bonne heure , non-
feulement en Gaule, mais en Efpagne, en Italie ,
en Germanie, &c. Je vais reprendre ici cette affer-
tion avec un peu plus de développement.
Dom Martin, qui a fait de profondes recherches
itur l’hiftoire des Gaulois, prétend qu’ils peuploient
depuis long-temps la Gaule fous le nom iïAborigènes,
lorfque vers l’an 1580 avant l’ère vulgaire ,
ils envoyèrent une colonie en Efpagne fous la conduite
d’un chef habile, nommé Ogmius (1). Je ne
■ (1) Ceft de cet Ogmius, appelé plus ordinairement
l'Hercule gaulois, que Lucien a fait le portrait fuivant :
« c’étoit un vieillard vénérable qui avoit un grand front
„ chauve, des yeux vifs & perçans avec une taille haute
„ & majeftueule. Il étoit halé & ridé, comme un nàu-
„ tonier avancé en âge; ainfi, de ce côté, on leût
„ pris plutôt pour Charon que pour Hercule. Il ne laiffoit
„ pas d être revêtu de la dépç.uille du liop , & de tenir
„ une mafîue dans fa main droite, & dans fa gauche un
y> arc & un carquois. Ce qu'il y a de plus merveilleux,
„ c’eft que ce grand perfonnage tenon attaché par l’o-
»* reille un nombre innombrable de perfonnes de tout
»* âge & de toute condition. Les chaînes étoient d’or &
» d’ambre, mais fi fines & fi déliées, qu’il falloit très-peu
„ de chofe pour les rompre. Cependant, loin qu’aucun
»» de la troupe fit la moindre réfiftance , .généralement
r> tous gais, difpos & pleins de joie, fuivoient Ogmius à
y> l’envi ; & leur empreffement étoit fi grand, que les
„ chaînes étoient lâches. Le peintre, continue Lucien,
» ne fachant où placer la naiffance des chaînes, parce
** que les mains d’Ogmius étoient occupées, a repréfemé
»* le bout de fa langue, comme le terme où viennent
» aboutir les chaînes de ces captifs, vers lesquels Ogmius
„ fe tourne avec un fourire qui les attire davantage».
Çc n’étoit pas, je crois, parce qu’il ne pouvoir pas
placer ailleurs l ’extrémité de la chaîne, que le peintre
l’avoit placée à la bouche d’Ogmius ; mais pour faire
entendre qu’il avoit maîtrifé toute cette troupe par le
talent de la parole.
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tiens pas» comme on doit bien le croire , au nom
de ce chef; mais je crois pouvoir affurer qu’il paffa
fuccefiivement plufieurs colonies de Gaulois en
Efpagne. Voye^ H is p a n ia .
À peine Ogmius, que j’abandonne volontiers ,
comme un perfonnage imaginaire, fut-il de retour
de l’Hifpanie, que la gloire de cette expédition,
fi l’on en croit dom Martin, lui fit naître la penfée
d’en entreprendre une femblable à travers les Alpes.
Probablement l’Italie avoit déjà des habirans qui
pouvoient y être venus par terre en fortant de la
Thrace & de l’Illyrie ; & par mer en navigant
le long des côtes.
En traverfant les Alpes, Ogmius y lailta quelques
ordres de ceux qui l’accompagnoient : de-là
vinrent les Gaulois inalpins & les Liguriens ( i) .
Defcendu dans les belles plaines qu’arrofe le P o ,
Ogmius y établit d’autres Gaulois, connus fous le
nom d’Infubriens. En s’avançant vers l’e ft, il alla
établir les Venètes fur les bords du golfe Adriatique.
Ce fut encore lui, fi l’on en croit dom
Martin , qui établit les Ombraniciens au fud du
Pô. Ce peuple fut connu des Romains par le nom
d'Umbri ou d’Ombriens ; du moins ceux-ci defeen-
doient des précédens. Ce fut alors, félon le favant
Bénédi&in, que les Aborigènes, qui étoient aufli
fous la conduite d’Ogmius, s’établirent, pour la
première fois, en Italie.-U rapporte ces faits vers
l’an 1579 avant j . C.
Après le départ d’Ogmius , les Aborigènes s’emparèrent
du canton de Rieti, Agcr Reatinus, qui
abondoit en pâturages : ils l’enlevèrent aux Ombriens,
& s’étendirent vers la campagne arroféé
par tout le cours du Tibre.
Mais pendant qu’Ogmius étoit encore fur les
lieux, il avoit établi les Sicules au milieu du territoire
où Romulus, depuis, fonda la ville de Rome.
Selon Solin, ils y eurent des établiffemens confidè-
rables. Les Y olce s , ou Volfques, eurent en partage
les terres fur la droite du Liris. Dom Martin entre
dans un affez grand détail fur ces différens peuples
de la Gaule établis en Italie : je ne puis le fuivre.
( Voye^ hijl. des Gaules, T. 1 , p ..i84 6* fuiv. On.
pournrvoir aufli l’article Ita l ia dans cet ouvrage).
Le favant Bénédiâin que je viens de citer finit en
difant : « voilà en gros & en détail, tons les peuples
» qui embraffoient & rempliffoient l’Italie. U n’en
n eft pas un feul, ou qui ne s’y foit tranfplanté
» immédiatement des Gaules, ou qui ne defeendît
» én ligne direéfe de quelque peuple gaulois qui
1» y étoit allé la peupler ». Je retourne aux Gaulois
reffés dans la Gaule.
Quoique la Gaule, & particuliérement la partie
celtique, fût très-fertile ; cependant, vu la grande
(3.) Aufli les Liguriens dirent-ils aux Ambrons de/
l’armée de Marius « qu’ils étoient Ambrons auffî bien
n que ceux qui fe donnoient’ pour tels ; & que le nom
» propre de leur nation étoit celui d’Ambron *>,
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quantité de bois, dont elles étoient couvertes, le
peu d’induftrie de leurs habitans, elles ne pouvoient
fuffire à l’entretien de leurs nombreux habi-
tans. Vers l’an 600 avant J. C , Ambigat, roi des jj
Biruriges , avoit été mis à la tête dé tous les
peuples de la Celtique. ( Voye\1 G a l l ia 6* ƒes
divîfidns ).
Ambigat étoit fans enfans, & fes deux neveux
afpiroient l’im & l’autre à lui fuccéder. Pour délivrer
donc fon pays d’une trop grande quantité
d’habitans qui l’affamoient ,& de l’ambition dé deux
chefs qui auroient pu déchirer fon fein, il réfolut
d’envoyer au dehors des colonies.. Si l’on en croit
Juftin, 300,000 hommes, fans compter les femmes
& les enfans, fortirent alors de la Gaule. Bello-
v è fe , l’un des neveux d’Ambigat, fe prépara à
paffer les Alpes ; & l’autre prince, nommé Sigovèfe,
à paffer le Rhin.
Sigovèfe fuivit affez promptement fa deftination;
il paffa le Rhin près du lieu où eft Bâle , paffa près
le lac de Confiance & s’enfonça dans la forêt Her-
cinie,après quoi il trouva des prairies & des plaines
propres à la culture.
Bellovèfe, dont le projet étoit d’entrer en Italie,
s'avança jufqu’au pied des Alpes, dont la haiiÉlui
l ’arrêta d’abord. II longea ces montagnes, les biffant
à l’e ft, & s’avança jufques vers la mer. Il
paroît qu’il eut alors guerre avec les Saliens. Suivant
quelques hiftoriens & les recherches de dom
Martin , il paroît que Bellovèfe contribua beaucoup
à Fétabliffement des Phocéens d’Afie, dans
le lieu où ils bâtirent & fortifièrent la ville .de
Marfeille.
Sous les dernières années du règne de Tarquip,
& la vingt-troifième, félon dom Martin, depuis le
départ de Bellovèfe, Aruns, l’un des plus riches
perfonnages de Clufium, en Italie ( 1 ) , vint trouver
Bellovèfe pour l’engager à paffer dans cette contrée.
On rapporte qu’aux motifs qu’il préfenta à Bellovèfe
, dont j’ai dit que ç’avoit d’abord été le def-
fein, il joignit l’affurance d’y trouver abondamment
la liqueur dont il alloit lui faire goûter; &
qu’en même temps il lui préfenta du vin dans une
coupe (a). Bellovèfe conlentit donc à partir avec
jtout fon monde. On croit qu’iKentra en Italie par
les Alpes Cottiennes.
Il paroît que les premiers Gaulois établis en
Italie, avoient perdu les traces de leur première
(x) On prétend qu’Aruns avoit pour objet de venger
un outrage fait à iton honneur dans la perfonne de fa
femme, débauchée par le Lucumons de fa ville.
Pline rapporte aufli qu’un Helvétien qui avoit
demeuré quelques temps à Rome & qui s’en retournoit
dans fon pays fur un des petirs bâtimens qui avoient
amené Aruns & fa fuite, diftribuoit dans le camp des
Gaulois des figues fèches, des raifins , du v in , de
l’huile, & c. toutes productions excellentes & inconnues
aux Gaulois. On fent quel effet tout cela devoit produire
fur une multitude, qui d’ailleurs ne ôemandoit
qu’à s’expatrier.
v r x-.
origine ; ou du moins ils étoient fi mélangés avec
d’aUtrés peuples établis depuis, que ce fut la nation
qui por toit .le nom de Tyrrhéniens, que les Gaulois
trouvèrent après, s’être avancés dans les plaines cfii
Pô. Ces Tyrrhéniens poffédoiént alors bien plus
què le pays qui porta depuis le nom d’Etrurie, &
auquel ils furent refireints dans la fuite. Il fe donna
une bataille très-fanglante entre le Tefin & l’Adda.
Les Gaulois furent; vainqueurs. Rhetus, l’un des
chefs des Tyrrhéniens, peut-être le premier de
tous, fe retira dgns la partie des Alpes, qui eft
vers le lac de Bérgame. Bellovèfe l’y Suivit, le
força d’aller au-delà, où il s’établit dans le paÿs
qui prit d’après lui le nom de Rhétie. Le chef
gaulois établit une colonie pour la défenfe de ce
paffage ; ce fut le commencement de la ville de
Trent. On attribue aufli à Bellovèfe l’établiffemertt
des Carnutes, l’une des nations de fa fuite,.dans le
pays appelé depuis Garnie.
Il préfida aufli à Fétabliffement de plufieurs autres
peuples gaulois, & particuliérement à celui des
Cénomans, arrivé l’an 576 avant J. C . fous la conduite
d’Elitorius. D ’autres Gaulois entrèrent par les
Alpes Pennines ; on peut diftinguer entre eux les
Boiens, les Lingons & le Sénonois.
J’ai déjà dit que des Gaulois étoient entrés en
Germanie fous la conduite de Selgovèfe. On parle
d’autres expéditions de ce genre. Une des principales
, eft celle dont parle Céfar ; elle étoit com-
pofée de Volces - T eâofàges, qui s’établirent aux
environs de la forêt Hercinie. Mais on n’a la date
d’aucune. Quant aux différens peuples réputés
Germains, & qui tiroient leur origine des Gaules ,
on peut voir ce qu’en dit dom Martin & M. de
Saint-Aubin , dans fes antiquités de la monarchie
françoife.
Vers Fan 4319 avant J. C. une pefte affreufe qui
avoir commencé en Egypte, paffa de proche en
proche jufques dans les Gaules, & y caufa les plus
cruels ravages.
J’ai déjà dit que les Gaulois s’étoient établis
dans prefque toute la longueur de FItalie : c’eft
le fentiment de dom Martin , qui le prouve par
de très-bons raifonnemens, appuyés fur les plus
fortes autorités.
U fait obferver une chofe à laquelle on doit
donner la plus grande attention , puifqu’elle fer-
vira à détruire une erreur hiftorique, qui paroît
s’être fort accréditée depuis la publication de l’excellente
hiftoire romaine de M. Rollin , & de quelques
autres faites depuis, & , à-peu-près, d’après
elle. Cet èftimable écrivain, qui n’eut d’autre défaut
que de négliger un peu la critique, n’avoit
pas affez étudié en particulier Fhiftoire des Gaulois.
Il en réfulta, i° . qu’il n’avoit pas apperçu qu’ils
I s’étoient étendus jufqu’aux parties méridionales de
l’Italie ; 2.0. qu’il crut que les Gaulois qui vinrent
afliéger Rome étoient les mêmes qu’avoit appelés
Aruns. Dom Martin prouve très - bien le con»