
les contrées voifines de la fienne, a avoir autour
de foi une grande étendue de pays déferts &
incultes. C ’étoit une preuve qu’on les craignoit,
qu’aucun autre peuple n’ofoit lui réfifter, ni même
demeurer dans fon voifinage. La gloire du particulier
étoit aufli de vivre de ce qu’il pouvoit
piller dans les états voifins.
Chacun célébroit la gloire & le bonheur qu’avoit
un Celte de mourir les armes à la main ; mais s’il
revenoit de la bataille fans avoir tué un feul ennemi
, il n’avoit aucune part au butin, 8c devenoit
un objet de rifée & de mépris. Ceux qui perdoient
leur bouclier dans la mêlée, paffoient pour infâmes.
Les Celtes étoient perfuadés que la guerre étoit
un aéle de juftice ; que la force donnoit à l’homme
un droit réel fur ceux qui étoient pins foibles que
lui. Ils appliquoient aux duels les idées qu’ils
s’étpient formées fur la guerre. Cette forte de
jurifprudence leur paroifloit la plus claire, la plus
courte 8c la plus fuie.
Enfin, les Celtes attachoient à la profeflion des
armes, la félicité dont ils dévoient jouir après la
mort, parce qu’ils croyoient qu’un homme étoit
exclu du bonheur à venir, s’il mouroit félon l’ordre
de la nature.
Ces principes étant communs à tous les peuples
Celtes, il n’eft pas étonnant qu’ils ne refpiraflent
que la guerre.
Le grand but de l’aflemblée qui fe tenoit au
printemps chez les Celtes, étoit pour y réfoudre où
l’on porteroit la guerre ; on y rappeloit les divers
fujets de plaintes que l’état avoit contre fes voifins :
on infiftoit fur l’oçcafion favorable qui fe préfentoit
pour fe venger, & fi l’on manquoit de bonnes
raifons, on cherchoit des prétextes pour attaquer
avec quelque forte de bienléance, les peuples qui
étoient à portée.
Les Celtes alloient aufli combattre pour les
peuples qui avoient befoin de leur bras 8c de leur
épée. Us étoient prodigues de leur v ie , & offroient
u j î fang vénal à ceux qui étoient en état de l’acheter.
La noblefle prenoit ce parti par honneur, & le
Ample foldat pour fe procurer du pain. Les troupes
celtiques rendirent de bons fervices à Alexandre-
le-Grand dans fes expéditions. Elles furent aufli
le principal foutien des Carthaginois dans la première
guerre qu’ils eurent contre les Romains.
Depuis le temps de Jules-Céfar, les Romains s'accoutumèrent
à employer dans leurs armées un
grand nombre de troupes auxiliaires que les peuples
Celtes leur fournifloient.
Quand un état étoit en paix, & que le foldat
ne trouvoit à s’employer ni au-dehors ni au-de-
dans, ces peuples féroces fe déchiroient & fe
détruifoient réciproquement par des guerres civiles.
Un Celte n’avoit à craindre ni furprife, ni trahifon
de fes compatriotes. Les loix de l’honneur établies
dans la Celtique, ne permettoient pas à un honnête
frpjgme 4’«n attaquer un autre, ni de le tuer, fans
^avertir de fe mettre en défenfe. Les magîftrats
étoient obligés de confentir qne les particuliers
vuidaffent leurs querelles par le duel. Ce n’eft pas
qu’ils manquaflent de bonnes loix ; mais il y en
avoit une fuprême, que le magiftrat même étoit
obligé de refpeâer : un Celte ne devoit jamais re-
fufer un défi.
Quand un particulier étoit traduit en juftice;
même devant le ro i, l’accufé avoit le droit de
décliner la jurifdiéfion civile, & d’offrir de fe purger
par les armes. Les témoins même étoient obligés
de fe battre, quand ils ne s’accordoient pas dans
leurs dépolirions. La décifion qu’on obtenoit par
le fort des armes, paffoit pour plus fùre que celle
du magiftrat.
U falloir fe battre en champ clos quand il y avoit
plufieurs prétendans à pofféder une charge. Les
dignités eccléfiaftiques fe donnoient aufli quelquefois
de cette manière.
Il étoit commun parmi les Celtes, de faire des
défis à fes meilleurs amis. Les compagnies, les
feftins 8c les fpeâacles en fournifloient fouvent les
occafions. Celui à qui on faifoit un appel, ne pouvoit
le refufer , fans fe couvrir d’infamie.
Les braves, parmi les peuples Celtes, renon-
çoient volontairement à la v ie , quand un âge
avancé les mettoit hors d’état de porter les armes.
Ils fe tuoient eux-mêmes ou fe faifoient aflbmmer
par leurs parens, pour fe délivrer d’une vie qui
leur étoit à charge.
Les Celtes s’exerçoient continuellement à la
courfe, pour rendre leurs corps agiles & légers.
On diftinguoit à cet exercice les Germains des
Sarmates , parce que ceux-ci étoient prefque toujours
à cheval, 8c perdoient, en quelque manière |
l’ufage des jambes.
Ces peuples fe baignoient tous les jours dans
des eaux courantes, fans diftinérion des faifons,
& s’exèrçoient à pafler à la nage, les fleuves &
les rivières les plus larges.
Après les exercices militairès, la chafle étoit
celui dont les Celtes faifoient le plus de cas, &
elle étoit leur unique occupation en temps de paix,
Ces peuples avoient la coutume d’empoifonner les
traits dont ils fe fervoient à la chafle,
La valeur étoit une chofe commune à tous les
peuples Celtes ; ce qui les portoit quelquefois à
s’engager par des voeux folemnels, de ne point fe
rafer, ou de ne point quitter des anneaux de fer,
ou de ne point pofer leur baudrier, ou de ne
revoir ni père, ni mère, ni femmes, ni enfans,
qu’ils n’euffent triomphé de leurs ennemis. T ou s ,
fans exception , avoient la coutume, quand ils
étoient fur le point de livrer bataille, de faire ferment
qu’ils fe comporteroient en gens de coeur. Il
ne faut pas être furpris, d’après cela, de ce qu’ils
étoient généralement bons foldats.
Quand les Romains les connurent pour la première
fois, ils jugèrent que ces peuples étoient nés
pour la ruine des villes 8c pour la deftruérion du
genre humain. Les Grecs en avoient jugé de même
avant les Romains.
On a encore loué dans les peuples Celtes., la
frugalité, la juftice, l’union 8c la fidélité. La manière
de vivre fimple & frugale, fembloit être une
néceflité plutôt qu’une vertu dans la plupart des
euples Celtes. Leur juftice reffembloit à celle des
rigands qui font étroitement unis entre eux pour
pilîer & tuer tout ce qui n’eft pas de leur bande.
Le vol étoit très-rare parmi eu x , parce que toute
leur richeffe ne confiftoit qu’en bétail, & que de
femblables larcins, qu’il étoit difficile de cacher,
étoient punis avec la dernière févérité.
Les Celtes fe piquoient d’être fincères & de tenir
leur parole. La plupart des empereurs romains con-
fioient la garde de leur perfonne à des foldats celtes,
comme s’ils ne pouvoient en choifir de plus braves,
ni de plus affidés.
On a cependant vu parmi les Celtes, comme
par-tout ailleurs, des exemples de trahifon & de
perfidie. La trahifon d'Arminius 9 prince des Ché-
rufques, fut conduite avec un artifice dèteftable.
La fidélité des troupes auxiliaires n’étoit pas
aufli à toute épreuve. Après la mort de Jules-Céfar,
Antoine avoit cédé à Augufte un corps de cavalerie
celte. Dans un choc entre les armées de ces
deux triumvirs, cette cavalerie fe tourna du côté
d’Antoine, fe jeta fur les troupes d’Augufte, & lui
tua beaucoup de monde. x
R e l ig io n . Les Celtes avoient la manie de fe
faire des oracles ; ils déféroient beaucoup aux pré-
fages; Us n’avoient point de temples, parce qu’ils
penfoient qu’il ne convenoit pas à la grandeur des
dieux d’être renfermés dans des murailles. Leurs
affembléesreligieufes fe tenoient dans un lieu ouvert,
en rafe campagne ou au milieu de quelque forêt. Us
condamnoient l’ufage des idoles, & accufoient d’impiété,
ceux qui repréfentoient la divinité fous une
forme corporelle. Ils offroient leurs facrifices autour
d’une colonne, d’une pierre, ou de quelque grand
arbre.
Les druides, félon Céfar, étoient dans l’opinion
que leur doàrine devoit être tenue fort fecrète.
Us regardoient comme un facrilège de la coucher
par écrit ; ils ne la confioient à leurs difciples,
qu’après les avoir éprouvés long - temps, & leur
avoir fait promettre folemnellement de ne pas la
rendre publique, & qu’ils éviteroient fur-tout de
la communiquer à des étrangers ; cependant il eft
vraifemblable que la loi du fecret ne regardoit que
ce que les anciens appeloient la physiologie 8c la
magie. La première enfeignoit l’art d’interpréter les
préfages & de prédire l’avenir ; la fécondé faifoit
connoître les charmes & les maléfices dont il
falloit fe fervir auprès d’un peuple crédule &
fùperftitieux.
Les druides avoient aufli une doârine publique.
Us s’ouvroient à tout le monde fur l’objet du culte
religieux, fur la nature du culte gu’il falloit rendre
à la divinité, & des récompenfes que 1 c i gens de
bien dévoient en attendre.
Les anciens ont dit que les Celtes reconnoiffoient
tous une divinité, 8c que l’on ne voyoit point parmi
eux d’athées déclarés;
Les Celtes étoient très-attachés au culte de leurs
dieux. Us avoient un fi grand refpeâ pour leurs
cérémonies, que, dans une longue fuite de fiècles,
ils n’y avoient fait aucun changement. Les Celtes
détruifoient les autres religions par - tout où ils
étoient les maîtres, & ils puniflbient des derniers
fupplices , ceux qui introduifoient des fuperftitions
étrangères parmi eux.
C ’étoit un principe reçu dans toute la Celtique,
que les dieux connoiffent parfaitement tout ce qui
échappe-à la pénétration humaine.
Us penfoient que tout ce qui furpaffe les forces
de l’homme n’eft jamais au-deflùs de la puiffance
divine.
Ils étoient perfuadés que la divinité eft incapable
de fe prévenir , ni de pervertir le droit,
& que le feul moyen de ne faire aucune in juftice,
étoit de remettre à la décifion de l’être fouverai-
nementjufte, toutes les conteftations quis’éleVoient
parmi les hommes.
Les Celtes difoient qu’il falloit être aufli extravagant
qu’impie, pour adorer des dieux mâles &
femelles, pour célébrer la fête de leur naiflance
8c de leurs mariages, pour leur rendre un culte
religieux auprès de leurs tombeaux, 6c dans des
temples bâtis fur leurs cadavres.
Jules-Céfar aflùre que les Gaulois adoroient fur-
tout Mercure, 6c après lui Apollon, Mars, Jupiter
6c Minerve. Si cela étoit, comment Cicéron
auroit-il dit'que les Gaulois déclaroient la guerre
aux dieux 6c à la religion de tous les autres
peuples ?
Quoique les Celtes adoraffent des dieux fpiri-
tuels 6c invifibles, ils avoient une profonde vénération
pour les élémens ; 6c s’ils ne l'es regardoient
pas comme des dieux, ils ne les confidé-
roient pas non plus comme de Amples images
de la divinité.
Les peuples Celtes ne vouloient pas qu’on la-
bourât la terre des lieux cdnfaerés, de peur de
troubler l’afliion de la divinité qui y réfidoit. C ’eft
pour cette raifon qu'ils avoient la coutume de
porter un grand nombre de groffes pierres dans
les lieux où ils tenoient leurs aflemblées religieules.
Après le Dieu fuprême, la terre étoit le grand
objet de la vénération des Celtes. Us lui rendoient
un culte, 8c avoient établi des fêtes en fon honneur.
Elles fe célébroient par-tout avec les mêmes
cérémonies. * ,
Les;peuples Celtes rendoient aufli un culte religieux
aux fontaines, aux lacs , aux fleuves 6c à
la mer. Le culte que les Celtes rendoient à l’eau
étoit à-peu-près le même dans toute l’Europe, 8c
dans les contrées de l’Afie où il y avoit de ces
peuples*