
autant de diale&es que la nation forma d’états dif-
fèrens. Lorfquela Gaule fut fubjuguée par les Romains
, les peuples, partie par complaifance &
partie par néceffité, adoptèrent un grand nombre
de mots & d'idiomes de leurs vainqueurs.
Quelques auteurs ont prétendu que les Gaulois
parloient le grec : mais on v o it , dans les commentaires
de Géfar , que ce général, étant obligé
d’écrire à Quintus -Clcero , qui étoit affiégé dans fon
camp, il fit ufage de la langue grecque, de crainte
que fa lettre ne tombât au pouvoir des Gaulois, i
Strabon dit cependant que les Mafliliens s’appli-
quoient avec fuccès .aux belles-lettres, & particuliérement
au grec, & quç les autres Gaulois devinrent
admirateurs de cette langue, & commencèrent
à s’enfervir dans leurs contrats.
Les auteurs Grecs & Romains ont parlé de la
dureté du langage des Gaulois ; félon eu x , pour
juger de la férocité naturelle de ces peuples, il
fumfoit de les entendre parler ; car la plus grande
partie de leurs mots , & particuliérement leurs
noms propres d’hommes, de femmes, de v illes,
de rivières , &c. étoient fi rudes, qu’un étranger
ne pouvoit les prononcer, ni les écrire dans,une
autre langue. Les Gaulois avoient aufii la coutume
de mettre en vers leurs lo ix , leurs exploits militaires
, leur hiftoire, ce qui rendoit leur ftyle plus
élevé & plus emphatique que celui des autres nations.
Leur caractère intrépide & guerrier devoit
leur faire préférer leur langage mâle à celui des
Grecs & des Romains. Diodore de Sicile dit que
le fiyle des Gaulois étoit é le vé , concis & laconique.
Ces peuples n’avoient originairement aucun
des caractères de l’écriture qui leur fuffent propres ;
mais avec le temps ils adoptèrent ceux des Grecs.
Leurs druides, intéreffés à les tenir dans l’ignorance,
empêchoient que le peuple n’apprît à lire & à écrire ;
& iorfque les Gaulois commencèrent à faire ufage .
des lettres, les druides ne leur permirent pas ae
mettre rien par écrit qui concernât leur religion,
leurs loix & leur hifioire.
Dans le vrai, les Latins & les Grecs n’ont pas connu
la langue des Gaulois fous fon rapport phyfique avec
leurs propres langues. Il eft reconnu depuis longtemps
que la langue eonfervée en baffe-Bretagne,
& dans la principauté de Galles, efi la langue des
Gaulois, & même des Celtes ; & il paroît démontré,
par les travaux de M. le Bringant, que cette langue
avoit fervi à en former beaucoup d’autres. Avec
un efprit d’analyfe, les Grecs & les Romains y
auroient retrouvé les élémens de leurs langues :
mais ce travail n’étoit pas félon le génie des anciens.
V o y e z combien Varron & Servius étoient
de foibles étymologifies.
Religion. Gomme ces peuples defcendoient des
Celtes, on peut préfumer qu’ils confervèrent leur
religion, telle qu’elle leur avoit été tranfmife, juf-
qu’à ce que leur commerce avec d’autres nations,
ou le malheur qu’ils eurent d’être fubjugués, donna
eecafion aux changemens que cette religion éprouva,
Les noms des divinités des Gaulois étoient celtiques
, & exprimoient une patrie de leur caractère
, non comme .dieux ou déeffes, mais comme
héros & héroïnes, déifiés par leurs compatriotes,
pour des fervices fignalés rendus à la nation. Ils
adoroient un Être fuprême fous le nom d’Efus, ce
que les druides confervèrent religieufement dans
toute fa pureté : mais le peuple, toujours enclin
à la fuperftition, fe forgea dans la fuite.des images,
dont il fit les objets de fon culte. Les druides honorèrent
fimplement le chêne comme un fymbole
de la divinité. La religion des Gaulois doit être regardée
comme ayant été Ja mère de celle des anciens
Germains, & autres peuples feptentrionaux,
ainfi que de celle des anciens Bretons, qui defcendoient
d’e u x , & en avoient emprunté la religion
,, les loix & les coutumes.
Les Gaulois avoient un grand attachement pour
la religion de leurs ancêtres.; leurs druides menoient
une vie folitaire & retirée ; ils étoient les doéteurs
par excellence de ces peuples, & avoient la coutume
confiante de ne pratiquer les rites de leur
religion qu’au pied d’un chêne, comme confaeré
au Dieu fouverain , à l’Être fuprême. Quoique
ces peuples fuffent par la fuite infeétés de beaucoup
de luperftitions , ils n’érigèrent néanmoins ni temples
, ni idoles à cet Efus ou Dieu fuprême. Chez
les Gaulois, le chêne étoit un emblème facré, &
comme le féjour particulier de la Divinité. Ils regar-
doient le gui du chêne comme un remède univerfel,
qui étoit propre pour la guérifon de tous les maux,
tant internes, qu’externes , & qui produifoit les
effets les plus falutaires, même quand il étoit donné
à des animaux deftitués de raifon.
Pline dit « que les druides n’ont rien de fi facré
» que le g u i, & l’arbre qui le porte , pourvu que
» ce foit un chêne. Aufii ont-ils de cet arbre une
» fi haute idée, qu’ils ne font_pas la moindre cê-
» rémonie fans porter une couronne de feuilles de
» chêne. Au refte , ces philofophes tiennent que
» tout ce qui naît fur cet arbre vient des cieux,
» & que c’eft une marque évidente que Dieu
» même l’a choifi.
» Le gui eft fort difficile à trouver ; mais quand
» on l’a découvert, les druides vont le chercher
» avec refpeét, & en tout temps le fixième jour
» de la lune ; jour fi célèbre parmi eux , qu’ils l’ont
» marqué pour être le commencement de leurs
» mois, de leurs années, & de leurs fiècles même,
» qui. ne font que de trente ans. Le choix qu’ils
» font de ce jour, vient de ce que la lune a alors
; » affez de force, quoiqu’elle ne foit pas encore
» arrivée au milieu de fon accroiffement. Enfin,
» ils font fi fort prévenus en faveur de ce jour,
.» qu’ils lui donnent un nom en leur langue , qui
» fignifie qu’il guérit de tous maux.
.»: Lorfque les druides ont préparé fous l’arbre
» tout l’appareil du facrifice & du feftin qu’ils doi-
» vent y faire, ils font approcher deux taureaux
,n blancs, qu’ils attachent alors par les cornes pour
„ la première fois : enfuite un prêtre, revêtu d’une
v robe blanche , monte fur l’arbre, coupe le gui
v avec une faulx d’or, & on le reçoit dans un
v fagum blanc. Cela eft fuivi de facrifices que les
» druides offrent, en Conjurant Dieu de faire que
>» fon préfent porte bonheur à ceux qui en feront
»> honorés.
Au furplus, ils tiennent que l’eau du gui rend
» féconds les animaux ftériles qui en boivent, &
» qu’elle eft un remède fpècinque contre toutes
» fortes de poifons. Ce qui prouve que la reli-
» gion des hommes n’a fouvent pour objet que
» des chofes frivoles ».
Toutes les fois que les druides pratiquoient quelques
cérémonies religieufes , on v o y o it, entre les
mains des laïques, des feuilles ou quelques petites
branches de chêne.
Les bofquets de ces arbres étoient de différentes
formes & de différentes grandeurs , félon que le
canton auquel il appartenoit étoit plus étendu ou
plus peuplé. Au centre du bois il y avoit de petits
efpaces circulaires, entourés d’arbres plantés fort
près les uns des antres. Au milieu de ces efpaces
étoit une grande pierre, fur laquelle on immoloit
les viétimes. Cette efpèce d’autel étoitentouré d’une
rangée de pierres, qui étoient vraifemblement def-
-tinées à tenir le peuple à une diftànce convenable
fie celui qui officioit.
Les Gaulois avoient un fouverain pontife de
•l’ordre des druides. Le peuple & les druides inférieurs
lui témoignoient le plus profond refpeét. Les
druides, réunis avec leur chef, étoient fi puiffans,
que ceux qui refufoient de fe foumettre à leurs
Vérifions pour les matières de religion, & même
élans les affaires civiles, fubiffoient la peine de l’excommunication,
qui étoit la plus grande que l’on
pût faire à un Gaulois. Les druides s’affembloient
tous les ans au pays chartrain. Ils étoient habillés
■ de blanc, & fàifoient leur féjour dans des bois de
•chênes. Les Gaulois avoient leurs druideffes, leurs
prophéteffes & leurs arufpices. Quelques-unes de ,
ces femmes étoient fort confidérées, & avoient
part.au gouvernement. Les Gaulois vouoient à
■ Mars une partie du butin qu’ils fàifoient fur leurs
^ennemis ; & c’étoit un facrilège digne de mort que
d’en fouftraire la moindre partie. Le refte étoit
■ partagé entre eu x , félon certaines règles qu’ils
■ avoient établies. Ces peuples adoroient un taureau
d’airain, & , dans les calamités publiques,
ils dévouoient un homme , qu’ils chargeoient d’imprécations
, & de tous les malheurs qui les me-
naçoienr. Les Gaulois croyoient l’immortalité de
l’ame, & aucun peuple n’a jamais témoigné un
• mépris plus déclaré pour la mort. Quand leur vie
étoit en péril, ils fàifoient voeu de la racheter par
celle d’un ou de plufieurs efclaves. Les druides
• obfervoient, comme une maxime confiante , de
n’écrire ni les loix ,'ni l’hiftoire de la nation : mais
ils fàifoient des poëmes & des cantiques , dont le
nombre étoit fi confidérable du temps de Jules-
Céfar, que les druides, qui étoient obligés de
tout favoir par coeur, employoient près de vingt
ans pour les apprendre. Les Gaulois perfonnifioient
&, déifioient les fleuves, les lacs, les bois, &c;
Céfar & Plutarque rapportent que dans les grands
dangers , foit de guerre ou de maladie, les Gau-
loisifacrifioient des hommes, ou fàifoient voeu d’en
facrifier, parceq.u’i-ls croy oient que Dieu ne pouvoit
être appaifé autrement. Ces peuples avoient
en quelques endroits des idoles d’ofier d’une grandeur
extraordinaire;; on les rempliffoit d’hommes ,
& fouvent de criminels, puis on y mettoit le feu.
Céfar ajoute que, pour le p ay s , leurs funérailles
étoient magnifiques. On brûloit, avec le corps du
défunt, ce qu’il avoit eu de plus cher, jufqu’aux
animaux, & autrefois les efclaves même, & les
.affranchis. >Les druides de Marfeille , en temps de
pefte, fàifoient choix de quelque perfonne , dans
l’indigence, qui s’offroit volontairement. Cette victime
étoit nourrie des mets les plus exquis pendant
un an , & après ce temps on la mettoit à
mort, couronnée de fleurs , & chargée de malédictions.
Cependant, dans les temps de calamité,
les Gaulois ne négligeoient rien pour engager quelque
viCtime plus notable à s’offrir d’elle-même;
ils prodiguoient pour cela les bienfaits & les
louanges. Ces dernières victimes étoient lapidées
hors de la ville, au lieu que celles de la lie du
peuple étoient précipitées de quelque hauteur. On
croyoit généralement chez ces peuples, qu’une
femblable mort volontaire pour le bien de la patrie,
procuroit un rang parmi les dieux. Il y avoit des
occafions où ces victimes étoient clouées à quelque
arbre , & tuées à coups de flèches. Ils avoient
aufii l’üfage de garder leurs criminels cinq ans,
& d’en faire un facrifice, qu’ils brûloient.avec les
prémices de leurs fruits. Diodore de Sicile dit qu’ils
jetoient dans le feu une grande quantité d’or, &
d’autres chofes précieufes, qu’il n’étoit plus permis
d’y toucher, fous peine de mort. Le choix des
animaux qu’on offroit en facrifice, étoit laiffé à
celui qui faifoit facrifier ; ou aux druides , qui im-
moloient les victimes , toujours revêtus d’habits
blancs. Quelques-uns des chevaux qui romboient
entre leurs mains, après une victoire, étoient brûlés
avec les corps des ennemis tués. Les Gaulois étant
adonnés à toutes fortes de fuperftitions, ils obfer-
voient avec foin le chant & le vol des oifeaux,
ainfi que d’autres préfages pareils. Les affaires importantes
n’étoient entreprifes que fur l’avis de leurs
arufpices. Les fon étions de ces devins confiftoient
.à examiner les entrailles, &c. de leurs viétimes ;
& quand ils en offroient une humaine , ils la per-
çoient d’une dague par - derrière , & prenoient
garde de la manière dont elle tomboit, & comment
le fang fortoit de la bleffure. Leurs décifions
étoient fi refpeétées, qü’il ne tenoit qu’à eux d’empêcher
les rois & leurs généraux de livrer bataille,
fur le point d’en venir aux mains avec l’ennemi.
Les pierres qui étoient dans les bofquets lacrês