
Ariftote, difciple.de Platon; efoit auffi verfé dans la connoiffance de la Géographie
que dans la philofopbie.; Les obfervations aftronomiques lui fervirent à déterminer la
figure & la grandeur de la terre. On attribue à cet ancien un livre -de mundo, dédié
à Alexandre, dans lequel on trouve une defcription allez exaéle des parties de là terre ,
connues de fon temps ; favoir, l ’Europe, l’Afie & l ’Afrique.
Thimolthenes donna un truite des porcs de mers, dont Pline nous a confervé' des
fragmens, de meme que les obfervations de Séleucus Nicanor, qui fuccéda à la
puiffance d Alexandre dans la Haute-Afie, jufques dans une partie de l’Inde.
Thepphrate, difciple d’Ariftote, ne fe contenta pas de pofféder des cartes de Géographie ;
il ordonna, par fon teftament, que ces ouvrages, qui avoient fait fes délices pendant
fa v ie , & dont il avoit reconnu l’importance 8c l’utilité, fulTent attachés au portique
qu il avoit donné ordre de conftruire.
A cet Athénien fuccéda Erathoftène, dont la réputation répondoit à l’étendue de
fon genie. D apres les obfervations qu’il avoit recueillies de philieurs auteurs, il corrigea
le premier la carte d Anaximandre, 8c en publia une'nouvelle qui contenoit la furface
du mondé entier, a laquelle il donnoit cinq cens mille ftades de circuit. Le fruit de
fes recherches furent trois livres de commentaires géographiques. Il cômbattoit dans le
premier, les erreurs reçues de fon temps; le fécond contenoit les corrections qu’il
avoit faites a 1 ancienne Géographie ; le troifième renfermoit fes nouvelles obfervations.
Mais 1 aftronomie n’étoit pas portée affez loin pour qu’Erathoftène, malgré l’étendue
de fon mérite, pût donner à la Géographie un degré de perfeftion qui laiffât peu à
delirer. Aulîi ne tarda-t-on pas à relever des fautes dans fon travail, 8c l ’on ajouta
de nouvelles correftions à celles qu’il avoit faites. Son ouvrage effuya de grandes
conteftations de la part de Sérapion 8c d’Hipparque. Ce dernier était un homme d’un
grand mérite : il avoit fait de grandes chofes en aftronomie. Cependant, fe laiffant
trop aller à la prévention, il préféra la carte d’Anaximandre à celle qu’Eratollbène
avoit corrigée. Ces difputes, en exerçant l’efprit des Grecs fur cette matière, leur
donnoient une vive émulavon, qui fervit à perfeftionner les principes de la Géographie.
Agatharchide de Cnide, qui florilïbit fous Ptolemée Philométor, compofa un ouvrage
fur le golfe arabique : Phocius nous a confervé quelques extraits de cet auteurj dans
fa bibliothèque.
Environ cinquante ans après, Mnélias publia une defcription du monde entier.
Artemidore d’nphefe donna une defcription de la terre en onze livrés ; elle eft
fouvent citée par Strabon, Pline & Etienne de Byfance. Marcien d’Héraclée en avoit
fait un abrégé que l ’on a perdu; il ne relie de cet ouvrage que le périple de Bithynie
8c de la Paphlagonie.
Cet amour de la Géographie ne tarda pas à paffer à Rome avec les arts de la
Grèce. Les Romains commençoient à étendre leurs conquêtes hors de l’Italie ; leurs
armes triompboient en Afrique. Scipion Emilien, jaloux des progrès de cette fcience
dans la patrie autant que. de l’empire qu’elle difputoit à Carthage, donna des vaifTeaux
à Polybe, pour qu’il allât reconnoître les côtes d’A frique,. d’Efpagne & des Gaules»
.Polybe s’avança jufqu’au promontoire des Hefpérides ( le cap Verd) , & fit de plus un
voyage par terre pour mefurer les diftances de tous les lieux qu’Annibal avoit fait
parcourir à fon armée en traverfànt les Pyrénées & les Alpes.
On doit conclure encore que l’ufage des cartes géographiques étoit bien connu à
Rome, de ce que-Varron rapporte dans fon livre-de re rujiicd, au fujet de la rencontre
qu’il fit de fon beau-père & de deux autres Romains qui conlidéroient l ’Italie repréfentée
fur une muraille.*
Sous le confulat de Jules-Céfar 8c de Marc-Antoine, le fénat conçut lé deffein de
faire dreffer des cartes de l’empire romain, plus exaftes que celles qui avoient paru
jufqu’alors. Zénodoxe, Théodore 8c Polyclète furent les trois ingénieurs employés à
cette grande entreprife.
La conquête de la Gaule par Jules-Céfar procura des connoiffances fur l’intérieur
8c les parties les plus reculées de ce pays : le paffage du Rhin 8c d’un détroit de
mer (le pas de Calajs) donnèrent quelques notions particulières de la Germanie &
des îles Britanniques. Ce fon t, en général, les conquêtes 8c le commerce qui ont
agrandi la Géographie; & , en fuivant ces deux objets, on voit fucceffivement les
connoiffances, géographiques fe développer 8c s’étendre.
Pompée entretenoit correfpondance avec Poffidonius, favant allronome & excellent
géographe, qui rnefura (affez imparfaitement, à la vérité) la circonférence de la
terre, par des obfervations céleftes, faites en divers lieux fous un même méridien.
Entre les auteurs qui écrivirent fur la Géographie fous Augulle 8c Tibère, deux
fur-tout fe diftinguèrent ; favoir, Strabon 8c Denys le Périégète. L’ouvrage de ce
dernier, publié dans le recueil des petits géographes, eft fort fec & ne contient prefque
qu’une fimple nomenclature. Mais l’ouvrage de Strabon eft un ouvrage immortel par
la profondeur des,recherches 8c l ’étendue des détails. On ne peut penfer qu’avec furprife
que ce favant ouvrage n’ait pas encore été mis à la portée des lefleurs françois ( i) .
Augufte, voulant joindre à fon titre de maître de l’univers, celui de protefleur des
fciences, ainfi que des mufes, fachant que les plus hauts gnomons dont on fe fervoit
pour connoître la hauteur du foleil par la longueur de l’ombre, fe trouvoient principalement
en Egypte, ordonna d’en tranfporter plufieurs à Rome : un entre autres avoit cent pieds
de haut, fans comprendre le piédeftal. Il fit travailler auffi à des defcriptions particulières
de différens pays, 8c fur-tout de l’Italie, oh l’on marqua les diftancespar milles le long
des côtes 8c fur les grands chemins. Ce fut enfin fous fon règne que la defcription
générale du monde, à laquelle les Romains avoient travaillé pendant deux fiècles ,
fut achevée fur les mémoires d’Agrippa, 8c placée au milieu de Rome fous un grand
portique bâti exprès.
Les règnes de Tibère, de Claude, de Vefpafien, de Domitien 8c d’Adrien, furent
remarquables par le goût qui y régna pour la Géographie.
M hes. gens de lettres en connoïffent une traduftion françoife , mais lôn (avant auteur n’a pas jugé à
propos de la faire imprimer. Cet ouvrage, avec des cartes-qui repréfenteroient tes pays têts que l’on
con çoit que Strabon les. fuppofoit, feroit infiniment intérefiant.