
core chez les différens peuples de la Gerlnanie
un fort grand nombre de divinités. ,
Leur ignorance & l’efprit de fuperftition étoient
entretenus en Germanie par des prêtres & par
quelques femmes qui prétendoient leur annoncer
l ’avenir. On cite entre ces derniers, Velleda,
Grana, 8c Jethra. La première vivoit au temps
de la guerre de Civilis, demeuroit dans une tour
appelée Gelbuda, & fervit d’ornement au triomphe
de Vefpafien. La fécondé vivoit fous Dioclétien ;
enfin la troifième fut déifiée par le Boïens , qui,
de fon vivant, lui bâtirent un temple fur les bords
du J^eçkre 8c lui confacrèrent la montagne d’Heidelberg.
On a cru que le temple de Taufone, fi
fameux au temps de Charlemagne, avoit été con-
facré à quelques-unes de ces femmes ; mais d’habiles
critiques le -regardent comme un édifice
confacré .à tous . les dieux.
. Le facèrdoce e tpi t divifé en grand 8c en ptûu
Aven tin prétend meme qu’après que les Druides
eurent été chàffés cle Carnutes par Céfar, ils fe retirèrent
en Germanie, où ils furent divifés en Druides
& en Bardés. (Kôyq; l’art. G aulois.) Pour cen-
fultéf le déftin, ils èmploÿoient différens moyens,
par le chant des oifeaux, par la Rhahdomancie-, ou
l ’art de prédire en jéttarit au hafard,; fur une étoffe
blanche, de.petites parcelles de branches d’un arbre
à fruit;'Gh feht que tout cela- n’étoît qu'une pure
chkrlaianeriè. Mais peut - être entrait - il quelque
luéür de connoflTançe naturelle dans la manière
de confultèr la ftérilité ou l’abondance des récoltes.
Ils examinoient quelle’’ efpèce d’irifèéfe fe trou voit
renfermée dans la noix de galles attachée en automne
fous les feuilles du chêne. L’araignée annonçons
la ftérilité; le moucheron, un. été fec y
le vers, là pluiëi. ?-
Gouvernement. Les Germains formoient, Comme
àpréfent ,. un corps compofé de différentes parties;
niais l’erifembfen’ën étoit pas régulier. Le pays
étoit divifé par cités, efpêcés'de petits états, qui
chacun comprenoïtplufieùrs villages 8c qui avoit un
chef-lieu. De ces cirés;les unes élifoient un chef,
les autres étoient gouvernés par la noblefle , d’autres
enfin par Fàflèmbléë générale de là nation. Elles
ctoiërirplus ou moins cehfidérables félon le nombre
des villages qùi les epmpofôiënt ; mais' if falloir
cent familles pour un village. Il ne faut pas entéh-
dre cependant par ce mot un aflemblage de mai-
fons rapprochées comme chez nous 8c-âÿant leur
pofleflions plus ou moins loin des habitations. Au
contraire, comme le terrein étoit vaffe, chaque
maifon étoit fort ifolée placée au goût de celui
qui en avoit d’abord été le chef :• la famille étoit
foumife au plus ancien oujfënieur. Les anciens , en:
fe réunifiant, formoient une petite aflèrabïée pré-
ljdée par le, plus vieux.queFbn nommoit centenier:
c’étoit- l’aflemblée de- cés- centeniers qui formoi’t
Taffemblée générale , & cenftittioit principalement
la cité, dont toutes les familles étoient ainfi gouvernées
par les mêmes loix 8c. les mêmes ufages*
Mais toutes ces cités étoient -fou miles , comnvs:
je l’ai d it, à un gouvernement. Chez les Marco-
mans & les Quades, il y avoir un roi ; chez les
Ufipètes , les TeuéHres , les Frifons , c’étoit un
confeil.coinpofè de la noble fie ; chez les Ubiens-,
le peuple étoit admis dans le fénat. Cependant cette
autorité fuprême , fur - tout celle des r o i s é to i t
balancée par le pouvoir général de la nation.
C ’étoit dans les petites afiemblées que l’ont:
jugeôit les affaires des particuliers ; les princes
avoient le droit d’y préfider. Dans les alfemblées
générales on. pranonçoit fur les crimes 8c fur toux
ce qui intérefibit le corps de. L’état. Les chefs ou
ducs commandoient pendant la guerre. Le général
élu dans l’afiëmblée de la nation, étoit élevé
par les foldats fur un bouclier : on le montroit
ainfî aux cités liguées pour le faire reconnoître*.
Comme c’étoit fur-tout la valeur qui décidoit de
ce choix, oit a dit que chez eux la naiflance faifoit
les rois, mais que la vertu faifoit les- capitaines.
Ces capitaines , defpotes à la guerre, rentraient à
la paix dans la clafle des. fimples citoyens..
Mais ces citoyens, ou plutôt la mafle totale dè
la nation, étoient divifés en quatre clafiës,Jes<
nobles, les libres, les affranchis 8c les. efclaves.
La clafle des nobles y bornée aux familles des
chefs, étoit fort refpeélée. '
Les libres , qui ne formaient chez plufieurs nations
qu’une claffe avec les affranchis, compofoient?
fur-tout la milice, car tout citoyen étoit guerrier,
Lorfqu’un jeune homme étoit en droit de porter
les armes, fes parens le préfentoient à l’aflembléé
générale, 8c le duc luidonnoit la lance 8c le bon*
clier..Dès ce moment, fa- voix étoit comptée dans
les affemblées ; il étoit compté pour un. chef cfe
famille dans la, cité.
Quant ^ux efclaves que Ton nommoft Latft ou
Lazzes,,rils étoient de deux fortes , les uns qui
avoient volontairement vendu leur- liberté* les
autres qui-avoient-été,pris à la guerre; m^iscomme
les Germains fe fèrvoient fort bien eux-mêmes,.,
puifque les hommes avoient foin des armes, 8c les-
femmes de l’intérieur de, la maifon.., les efclaves
étaient difperfés fur les terres, lesiçnkivoient, ea
rendaient le produit, 8ç ne les, pottyoient- quitter
fans la, per.miflîon-de leurs maîtres. Tel fut rie com*
mencement du gouvernement feodafe
; Quan taux loix, il eff probable qu’aat piilieu d’il n
peuple qui ne favoit pas écrire, elles durent être
long-temps fort Amples ; -les- moeurs , les ufages ea
tenoieritlieu. Souvent aufli leur férocité fe permet*
toit les vengeances particulières ;.Les crimes .qui ia-
téreffoient la nation ou les familles , étoient- jugés
dans, les afiemblées publiques. En général on pen-
doit les traîtres ; on noyoit les lâches ; les.autres
crimes fe racket oient par des amendes payables
en chevaux , en,boeufs, 8ce. Le produit fè partar-
geoitentre le fenmtr- 8c. la famille deToffenfé.
* J’ai parlé,de leur férocité, elle tenoità leur^re-
jnière vertu, qui éioit le. courage ; mais n’évaiît.
-Teglée que par des notions fou fies de juftice, ils
vegÉirdoient comme bien acquis tout ce qu’ils pou-
■ vOienr fe procurer par la violence 8c la force ; fe
faifbienthonneur.de l’effroi qu’ils caufoient à leurs
.voifins, 8c croyoient n’avoir, rien de mieux à
foire que les harceler fans cefle pour maintenir
leur force 8c leur activité. .
On fait qu’ils avoient- pour ; armes, là lance . 8c
■ l’épée, le cafqye 8c la cuiraffe. Ils lançoient des
.flèches 8c des javelots. Leurs troupes étoient di-
vifées en cavalerie 8c en infanterie. Et derrière le
-corps d’armée étoient, fur des chartiots, les femmes
8c lès enfans, qui ne ce fiaient de les .exciter au
combat par des cris redoublés. .
Gette éfpècé d’arrière - garde , embafraffante à
quelques égards , étoit aufli fort utile. C ’étoit là
que ; l’on tranfportoit les bleffés ; les femmes en
prenaient foin ; donnôient des rafraîchiflemens à
ceux qui n’étoîent qu’épuifés -, 8c fuçoient les
plaies de ceux qui avoient reçu des bleflures.j
Dans le commencement, ils alloient à l’ennemi
par petites troupes 8c, fans ordre. Ils apprirent en-
fuite des Romains à fuivre; des enfeignes,, à fe
rallier, à foutenir des attaques par des détache-
mens renouvellés. On introduifit aufli une plus
grande difçipline. Celui qui perdoit fon bouclier,
étoit exclu de l’aflemblée. Celui qui avoit eu la
lâcheté de fuir, rarement furvivoit à fa honte , il
fe donnoit-lui-même la mort. On voyait fouvent
toute la jeuneffe d’une cité, qui étoit en paix avec fes
voifins , aller au loin , fous la conduite d’un chef,
chercher dos occafions de fignalër Jbn courage.
Ufages domejliques. Les Germains ne connoif-
foient pas , du moins pendant long-temps, la propriété
des terres. Tous les ans le prince leur dif-
tribùoit celles qui dévoient fervir à la fubfiftance
de chaque famille. Ils les faifoient cultiver parleurs
efclaves ou les cultivoient eux-mêmes. En temps
de guerre, il enteftoit une partie fur les habitations,
l’autre fe mettait en campagne. L’arinée fuivante
ces derniers reftoient à la garde des biens, 8c les
autres marchoient pour leur défenfe.
Leurs fortunes confiftoient fur-tout en ânes , en
chevaux 8c en beftiaux. Ils n’avoient pas l’ufage
de la monnoie, leur commerce ne fe faifoit que
par échange,.
Les fils fuccédoient aux pères 8c les neveux à
leurs oncles, lojfiqu’ils n’avoient pas de fils. La
flérilité étoit regardée comme le plus grand des
malheurs, 8c le grand nombre des enfans étoit
l ’honneur d’un père de famille.
Les enfans étoient nus jufqu’à l’âge dfenviron
douze ans ; les mères allaitoient leurs enfans, 8c
les fils du maître 8c de l’efclave étoient élevés
enfemble. D’ailleurs toute la famille couchoit
fur la terre avec les beftiaux.
Ils avoient un grand refpe£t pour le mariage, 8c
n’avoient en général qu’une feule femme. Le con-
fentement des parens étoit néceffaire pour valider
le mariage. L’époux donnoit pour dot à fa femme
uns paire de boeufs, un cheval bridé'8c des armes.
Les boeufs fous le joug avertiiToient la femme
de là foumiflion qu’elle devoit à fon mari ; le
cheval , de l’obligation qu’elle contra6toit.de partager
fes peines, ,8c fes fatigues ; 8c les armes *
qu’elle devoit le fuivre à la.guerre. Si la femme
devenoit infidelle * le châtiment appartenoit à fon
mari. Il aflembloit les parens dé fa femme, lui re-
prochoit fon crime, la dépouilloit en leur préfence,
lui eoupoit fes cheveux- §c la chaffoit de leur habitation
à coup de! fouet. En général les Germains
n’époufoient que des filles , 8c point de veuv es..
Quant à leur vie privée, elle étoit affez agitée ,
même en temps de paix*- Ils profitoient de ce
loifir, pour • S’hecuper de la chaffe, s’exercer à
la courfe, au fout, à nager ; 8c paffé cela ils ne
fongeoient guère qu’à manger, boire 8c dormir.
Les femmes, les enfans 8c les vieillards étoient
chargés des foins domeftiques. Us étoient nus dans
leurs habitations. Lorfqu’ils fortoient, ils fe con-
vroient d’une faie qu’ils arrêtoient fur le devant
avec une épine. Lès plus richès avoient une e£
pèçe d’habit qui leur emboîtoit chaque membre.
Ceux qui demeuroient dans le voifinagedu Rhin ,
portaient fur une épaule' une peau de bête fou-
vâge. Lés femmés s’habilloient comme les hommes,
à la r'éferve de la gorge 8c des bras qui ref-
toient découverts. Elles portoient un voile fur la
tête fur, lequel elles attachoient un morceau de
quelque étoffe de couleur brillante.
Femmes 8c hommes , ils fe baignoient pêle-mêle
dans les rivières en été , 8c dans des eaux chaudes
en hiver : ils s’éxerçbient tous à nager.
Leurs alimens étoient fimples., De la viande
prèfque crue, du poiflon qui ne l’étoit guère davantage,
des fruits 8c du lait caillé : tel étoit le
fonds de tous les repas, qui fe faifoient cependant
toujours entre un certain nombre de convives,
quoique chacun eût à part fe table, fon plat 8c
fa boiffon. Us s’affeyofent à terre autour, de la
chambre ; les femmes apportoient la nourriture.au
milieu, en faifoient la diftribution, 8c les,enfans
portoient les, plats aux convives. Ceux qui habi-
toiënt dans l’intérieur, du pays ne connoiflbient
pas le vin ; mais ceux des bords du Rhin en bu-
voient, 8c ordinairement beaucoup. Us y paf-
foient volontiers les jours 8c les nuits. Tacite dit
qu’ils délifiéroient quand ils étoient ivres, 8c ne
prenoient de réfolution que quand ils avoient
recouvré leur bon fens. Cela doit s’entendre qu^ils
délibéraient étant à »blé, 8c qu’infenfiblement ils s’y
enivraient.
Us avoient encore un autre défout ; c’eft la paf-
fion du jeu. Cette fureur, qui doit moins étonner
chez des barbares , que les excès où le jeu a quelquefois
porté parmi les nations policées , les égarait
quelquefois au point qu’après avoir joué leurs
biens, ils jouoient,aufli leurs.perfonnes. Et ces
. Germains fi fiers, fi jaloux de leur liberté, qui la