
R è g n e d e s r o i s d’E g y p t e. .
Menés ou Manès * eft univerfellement reconnu
pour le premier fouverain qui ait régné en Egypte.
C e pays n’étoit qu’un marais de fon temps, excepté
la Thébaïde , 8c l’on ne voyoit point de terre
entre le lac Maris 8c la Méditerranée. Il détourna
le cours du N i l, bâtit la ville de Memphis dans
l ’ancien lit de ce fleuve, 8c il y fit conftruire le
fameux temple de Vulcain , félon le rapport d’Hérodote.
Il apprit aux Egyptiens des principes de
religion ; il introduifit la magnificence , le lu x e ,
8c inflitua des fêtes. Diodore dit que céla fut caufe
qu’un de fes fucceffeurs chargea fa mémoire d’exécration.
Hérodote dit que les Egyptiens avojent un catalogue
de cent trente rois , depuis Menés, & terminé
par Mçeris ; mais, félon Diodore , Menés eut
cinquante fucceffeurs de fa famille, dont les règnes,
joints à celui de Menés, remplirent un efpace de
1400 anSi .
La fuite des rois de Thèbes par Eratoflhène,
eft liée avec une époque connue dans l’hiftoire
grecque, félon Dicéarque,, qui dit que depuis le
règne de Sechonfofis, qui fuccéda à Orus, jufqu’au
règne de Nilus, il s’écoula 2500 ans , & 436 ans
depuis Nilus jufqu’à la première olympiade.
Hérodote rapporte que Sefojlris fut le fucceffeur
immédiat de jWoerw. Son règne eft un des plus
extraordinaires qu’il y ait dans toute l’hiftoire égyptienne.
On le représente puifîant par terre 8c par
mer, fage, jufte, généreux 8c vaillant. Diodore
dit que (es premières conquêtes furent fur les Ethiopiens
& les Troglodytes , & qu’il fiit jufqu’au
promontoire Dira", près du détroit de la mer
Rouge. Ses forces de terre n’étant pas fuffifantes
pour fes vaftes deffeins, il équipa deux flottes,
l ’une dans le golfe Arabique, félon Diodore, 8c
l’autre dans la mer Méditerranée, félon Hérodote.
Ave c la première de ces flottes, il fubjugua les
côtes de la mer Erythrée ; avec la fécondé , il fe
rendit maître de l’île de C yp re , des côtes maritimes
de la Phénicie , 8c de plufieurs des Cyclades.
Prefque tous les auteurs anciens conviennent qu’il
envahit & pilla toute l’Afie , 8c une partie de
l’Europe. Il traverfa le Gange, fur les bords duquel
il fit ériger des colonnes. A fon retour , il fit la
guerre aux Scythes & aux Thraces. Ceux-ci furent
vaincus. Hérodote & Diodore alfurent qu’il eut
le même bonheur avec les Scythes ; mais d’autres
„difent que fon armée fut défaite par ces derniers ,
joints aux peuples de la Colchide. On prétend qu’il
établit une colonie dans la Colchide, quoiqu’on
dife aufli que ce fut l’arrière-garde de fon armée,
q ui, étant très-fatiguée , s’arrêta dans ce pays-là,
& s’y établit fur le bord du Phafe. Il retourna en
Egypte, 8c arriva à Pelufium, après neuf ans d’ab-
fence,' parce qu’il apprit la révolte de fon frère,
qui avoit ufurpé le diadème , violé la reine 8c les
çpnçubines royales. Son frère Armais, le Danaùs
des Grecs, le reçut avec des démonstrations de
jo ie , 8t une apparente foumiflion : mais ayant
échoué dans le projet qu’il avoit de le faire périr
dans un feftin, il fut chaffé de l’Egypte , & , félon
Diodore de .Sicile, il fe retira dans la Grèce.
Après que Sèfojlris eut échappé aux criminelles
entreprifes de fon frère, il fit de magnifiques pré-,
fens à tous les temples , 8c donna à fes foldats
des récompenfes proportionnées à leurs exploits.
Enfuite il érigea dans chaque ville d’Egypte un
temple, qu’il dédia à la divinité fuprême du lieu.
Il fit élever deux obélifques de marbre, où il fit
graver dçs infcriptiôns, qui faifoient mention de
l’étendue de fon pouvoir, de l’immenfité de fes
revenus, 8c de la quantité de nations qu’il avoit
foumifes.
Pour le bien de fes peuples, il fit border d’une
muraille le côté oriental de l’Egypte , pour fe garantir
des incurfions des Syriens & des Arabes ;
il fit élever le terrein dans les lieux trop bas, pour
les préferver des inondations du Nil ; il fit creufer
des canaux de communication avec le N i l , depuis
Memphis jufqu’à la mer, pour faciliter le commerce.
A la fin ce prince perdit la vue , 8c fe
donna la mort lui-même.
Phéron , fils de Sefoftris, fuccéda à fon père ,’
8c fut nommé Sefojlris IL II perdit la vue pendant
dix années ; mais l’ayant recouvrée au bout de
ce temps, il en témoigna fa reconnoifîançe aux
dieux, par des dons, & par deux fuperbes obélifques
, qu’il érigea dans le temple du foleil à Hé-
liopolis, félon le rapport d’Hérodote.
Le trône d’Egypte , plufieurs fiècles après, fut
occupé par Amafis ou Ammofis, prince qui traita
fes peuples avec violence 8c injuftice : aufli lorf*
quAflifanès, roi d’Ethiopie, entra en Egypte ,
pour lui faire la guerre, les Egyptiens fe joignirent
au roi d’Ethiopie, pour chalter le tyran.
L’Egypte 8c l’Ethiopie furent réunis fous le gou^
vernement d'A&ifanès. Il jouit de fa profpérité
avec modération 8c prudence, 8c fe conduifit avec
beaucoup de douceur avec fes nouveaux fujets.
La mort d’AElifanés laifîa aqx Egyptiens la liberté
de fe choifir un roi, que quelques auteurs nomment
Merides, 8c d’autres Marus. Diodore de Sicile dit
que le fameux labyrinthe d’Egypte fut conftruit
par ce prince.
Il y eut un interrègne de cinq générations après
Mendes. Cites, mempnite d’une naiffance obfcure,
fut après ce temps ehoifi pour roi. Hérodote 8c
Diodore le font contemporain de la guerre de
Troye. Ce fut pendant le règne de ce prince que
Paris ou Alexandre fut jetté , par la tempête, fur
les côtes d’Egypte, 8c y aborda avec Hélène, qu’il
emmenoit de Grèce à Troye. On éleva à Memphis
un temple magnifique en l’honneur de ce roi
qui/laifla pour fuccefleur fon fils Rernphis.
Hérodote 8c Diodore peignent ce Rernphis ou
Rhampfinitus, comme un prince avare , qui ne
fit pendant ton règue aucune dépenfe, ni pour
honorer
honorer les dieux, ni pour le bien de fes fujets :
aufli laiffa-t-il un tréfor immenfe.
A ce roi en fuccédèrent fept autres, qui furent
peu renommés, excepté Nilus, qui fe rendit fameux
, par le grand nombre de cânaux qu il fit
•creufer dans tout le pays , pour tirer du Nil tous
les ufages poflibles. Aufli ce fleuve, qui jufqu’alors
avoit été nommé .Ægyptus, fut dans la fuite clé- .
ligné par celui de Nilus 9 félon le rapport de Diodore
de Sicile.
Le même Diodore met Cheops le huitième après
Rhampfinitus. Le commencement de fon règne fut
marqué par l’impiété 8c la tyrannie. Il fit fermer
les portes des temples , 8c défendre tous les facri-
fices publics. Ce fut ce prince qui fit conftruire
la plus grande des trois pyramides. Ayant épuifé
fes tréfors, il proftitua fa fille pour avoir de l’argent.
Enfin, il mourut après un règne de cinquante
■ ans.
.Céphrènés, fon fuccefleur , pendant un règne de
-cinquante-fix ans, marcha fur fes traces, 8c comme
lui bâtit une pyramide ; mais plus petite.
Après ce dernier, Myçerimts, fils de Cheops, 8c
neveu de Céphrènés, monta fur le trône. Il remit
le culte divin fur l’ancien pied. Ce prince, doux
8c clément, aidoit de fon tréfor les particuliers
qui l’informoient de leurs malheurs. Il fit bâtir une
pyramide, dont environ la moitié étoit de pierre
«’Ethiopie.
Gnepha&hus fe rendit célèbre par fon abftinence,
8c pour avoir défendu les excès de luxe. Il rendit
la mémoire de Menés odieufe ; 8c, du confentement
des prêtres, il .fit graver fa malédiction fur une
c o lo n n e q u e l’on voyoit dans le temple de
Thèbes.
Bocchôris 9 fils du précédent, paffe pour avoir
été le quatrième légiflatenr des Egyptiens. Les loix
qii’il fit eurent pour objet principal le commerce
;8c les revenus publics. Ce prince eut le malheur
d’être pris par Sabbaco l’Ethiopien , qui le fit brûler
vif.
Hérodote place Afychis immédiatement après
Mycerinus ; mais Diodore met deux règnes entre
eux : ce qui porte à croire que c’étoient des rois
contemporains , qui régnoient en même temps, en
différentes parties de l’Egypte. Il eft dit que cet
Afychis fit bâtir le portique oriental du temple
de Vulcain,, avec beaucoup de magnificence, 8c
qu’il fit conftruire une pyramide toute de briques.
Après A fychis , un aveugle , nommé Anyfis, devint
roi. Ce prince fut attaqué par Sabbaco, roi
d’Ethiopie , qui, le mit en fuite , 8c s’empara de
fon royaume.
Ce Sabbaco, que l’on croit être le même que
le S0 de l’écriture, fe diftingua par fa bonté 8c
fa clémence , lorfqu’il fut fur ,1e trône d’Egypte ;
mais après y avoir régné-cinquante ans, il l’abandonna
volontairement, 8c retourna en fon pays.
Pendant qu’il régna en E gyp te, il ne permit pas
que l’on exécutât les fentences de mort contre les
Géographie ancienne.
criminels. Il les obligeoit à entreprendre de rudes
travaux, comme d’élever le terrein 8c de creufer
des canaux.
Anyfis fortit de fa retraite, 8c reprit le gouvernement
après que Sabbaco eut quitté l’Egypte.
Après Anyfis régna Sèthon , qui fut à-la-fois roi
8c prêtre,de Vulcain. Il négligea l’ordre militaire,
8c voulut dépouiller les gens de guerre. On pré-
' tend que ce fut ce roi qui fit un grand carnage de
l’armée de Sennacherib, roi d’A fly r ie , qui étoit
venu jufqu’à Peluze, dans le deffein de pénétrer
en Egypte.
Après la mort de Séthon , l’Egypte fut partagée
en douze royaumes, dont les rois firent un plan
d’aflociation pour le bonheur public. Ce gouvernement
fut heureux, 8c ces douze rois firent le
fameux labyrinthe près du lac Mcens.
Pfammétique étoit du nombre de ces douze rois;
Il avoit eu les côtes maritimes en partage , ce qui
lui procura beaucoup de richeffes , par le commerce
que fes fujets firent avec les Grecs 8c les
Phéniciens ; 8c aidé d’une . armée d’ioniens , de
Cariens 8c d’Arabes, félon Diodore de Sicile, il
détrôna les autres rois , 8c fe rendit ,1e maître de
toute l’Egypte. Il étoit fils de ce Ne:hus, mis à
mort par Sabbaco. Il régna avec fageffe , fatisfit
aux engagemens pris avec fes alliés , 8c leur donna
des terres des deux côtés du N i l, aU-deffous de la
ville de Bubafiis. Ces Grecs paffent pour les premiers,
étrangers à qui il ait été permis de s’établir
en E g yp te , 8c c’ eft par eux que l’on fait la
vérité de l’hiftoire égyptienne, depuis le temps
de Pfammétique.
Ce prince s’appliqua à rendre le commerce flo-
riffant; il ouvrit fes ports à tous les étrangers ,
8c renouvella une alliance avec les Athéniens. Il
prit la ville d’Azot en Syrie , après un fiège très-
long , 8c mourut, après avoir régné cinquante-
quatre ans. Il fut enterré dans le temple de Minerve,
à Sais.
A Pfammétique fuccéda Neckus , fon fils ,. le
Pharao Nëcho de l’écriture. Ce prince, au commencement
de fon règne, effaya de creufer un
canal depuis le Nil jufqu’à la mer Rouge,' félon
le rapport .d’Hérodote. Il fe rendit puifîant fur la
mer, en mettant une flotte de galères fur la mer
Méditerranée , 8c une autre fur le golfe Arabique.
Jofeph dit, après Ctèfias, que ce prince fit la guerre
aux Mèdes 8c aux Babyloniens , qui venoient de
renverfer la monarchie des Affyriens. I l fut quelque
temps après chaffé de la Syrie 8c de la Phénicie
, à l’exception de Pélufe. 11 mourut après un
règne de feize ans , 8c laiffa le trône d’Egypte à
fon fils Pfammis, au rapport d’Hérodote , qui mourut
après avoir régné fix ans. Son fils Apriès lui
fuccéda.
Cet Apriès , félon Hérodote 8c Diodore, fut
Jfuâ prince martial, tant par mer que par terre :
Il fut vainqueur des Tyriens , des. Sidoniens 8c
; des Cypriots : mais il n’eut pas le même bonheur