
Les druides ne fupportoient aucunes charges publiques
, ni ne payoîent d’impôts ; ils ne dévoient
pas s’expofer à la guerre : mais ce dernier principe
n’étoit obfervé que lorfqu’il s’agiffoit de l’intérêt
de l’état ; car il étoit violé dès qu’il s’agiffoit
du leur. Leurs principaux dogmes étoient l’obligation’
d’alfifter à leurs inftruttions , & aux facrifices
qu’ils faifoient dans les bocages facrés ; de ne
point difputer fur leur religion , ni d’en révéler .
les myftères. Ils puniffoient le larcin , l’oifiveté
& le meurtre; ils prefcrivoient les devoirs envers
les morts-,* la puiffance abfolue des pères de famille
, & le droit de vie & de mort fur leurs en-
fans ; le meurtre des prifonniers de guerre fur leurs
autels, & les facrifices de viâimes humaines, lorf-
qne l’état étoit en péril ou menacé. A ces principes
ils joignoient la maxime que l’ état ne pou-
voit profpérer fi leur corps n’étoit riche & puif-
fant. Les druides exerçoient un pouvoir très-étendu
fur les perfonnes; ils avoient le droit de punir de
mort & d’éloigner de leurs myftères ceux qui s’op-
pofoient à leurs avis. Ils admirent des dieux étrangers
, à qui ils firent partager les autels du Dieu
univerfel. Çe nouveau culte les mena à faire des
facrifices humains.
Ils admirent des femmes à leurs myftères r elles
étoient divifées en trois claffes. On croit que le
myftérieux attaché à la divination à laquelle elles
fe livroient, a donné naiffance à la féerie.
Lorfque les Gaules furent conquifes par les Romains
, ils défendirent les facrifices humains : mais
les druides y eurent peu d’égards. Les facrifices
furent cependant moins communs ; mais toujours
aufli cruels. Tibère les condamna aux peines qu’ils
faifoient fouffrir à leurs viâimes. Néron fit brûler
leurs retraites & leurs bois facrés* Lorfque les Gaulois
furent accoutumés au joug des Romains & à
leur culte, ils abandonnèrent les druides, qui, forcés
de ne plus faire de facrifices humains, s’adonnèrent
à la divination, emploi qu’ils confervèrent jufqu’à
Charlemagne.
Funérailles. Ces peuples mettoient du fafte & de
la fomptuofité dans leurs funérailles. On brûloit les
çorps des principaux avec leurs armes , leurs chevaux
& leurs meubles les plus précieux. La piété
envers les morts étoit une partie effentielle du culte
des Gaulois, Les chefs & les rois de cette nation,
pour donner une idée de leur grandeur, étoient
enterrés fur des éminences, & leur tombeau étoit
encore furnionté d’une pyramide. Les gens du commun
faifoient mettre une pierre fculptée fur leur
tçmbeau,
Gouvernement fous les Gaulois. Ces peuples, def-
Cendus des Celtes, vers le temps qu’ils furent at-
Raqués par les Romains, portoient toujours le même
iiom , parloient la même langue, obfervoient les
ipêmes coutumes, & étoient gouvernés par les
mêmes loix générales : mais ils fe trouvoient fournis
à différentes fortes de gouvernemens, dont les uns
l'ioiênt. mpnarçîiiqties, d’autres aristocratiques, &
d’autres en partie tels, & en partie démocratique? ;
ces derniers s’appelloient libres. Ces républiques
étoient principalement foumifes à l’autorité des
nobles : mais autrefois ils choififlbient annuellement
un magiftrat pour les affaires civiles, & un
général pour celles de la guerre. Cependant ces
états , ainfi que les monarchiques, obfervoient ,
comme une lo i , de convoquer chaque année un
confeil général de toute la nation, où l’on difcutoit
& régloit tout ce qui avoit rapport à l’intérêt commun.
Les républiques libres avoient en outre une
loi commune , qui obligeoit chaque particulier,
qui apprenoit quelque chofe concernant l’intérêt
public , d’en informer les magiftrats, fans en parler
au peuple, qui ne devoit en favoir que ce que
les magiftrats jugeoient à propos de lui en communiquer;
car ce qui concernoit l’intérêt public,
ne devoit être difcuté que dans l’affemblée générale.
Cette affemblée dêcidoit en dernier reffort,
tout ce qui avoit rapport à la paix, à la guerre, à
la propriété des biens, aux limites des terres, au
partage du butin , &c. Ces petites républiques
avoient une grande averfion pour le gouvernement
monarchique, & elles étoient fi jaloufes l’une de
l’autre, qu’elles prenoient continuellement des précautions
pour maintenir leur indépendance. Ces
précautions confiftoient à fe mettre fous la protection
de quelque autre plus grande. Aufli Céfar les
appelle-t-il tributaires & dépendantes des autres,
quoique fouvent il les défigne aufli par le titre
d’alliées.
Malgré ces républiquês, les Gaules renfermoient
un grand nombre de petits royaumes ou de diftriâs
gouvernés par des rois. Ces princes différoient des
magiftrats des républiques, en ce que leur dignité
étoit à vie ; & d’avec les monarques ordinaires en
çe qu’elle n’étoit point héréditaire ; mais fouvent
donnée par le peuple à ceux qui fe diftinguoient
par leur fageffe ou par leur valeur. Quelquefois un
peuple en forçoit un autre à recevoir un roi de fa
main. Les Romains recherchoient également l’amitié
des républiques & des rois, afin de diminuer
la puiffance qui auroit pu s’oppofer à leurs conquêtes.
Ils fomentoient des jaloufies entre les républiques
pour les défunir, & prodiguoient les ré-
corn pentes les plus magnifiques à celles qui épou-
foient les intérêts de Rome. Jules-Céfar, dans fes
commentaires, L. v i , c. //, dit : « les Gaulois font
» divifés en faétions, non - feulement dans leurs
» villes & dans leurs diftriâs, mais aufli dans toute
w leur famille. Leurs brouilleries font prefqiie tou-
» jours fomentées par leurs princes & par leurs
» démagogues, qui exercent une puiffance arbi-
» traire fur leurs inférieurs. De forte que ces
»> peuples, malgré toute leur valeur, dévoient fuc-
» çomber dès qu’ils furent attaqués par des enne-
» mis aufli rufés & aufli puiffans que les Romains ».
Gouvernement fous les Romains. Lorfque Céfar eut
fait la conquête des Gaules, il fuivit, pour les faire
gouverner, i° , le fyftême général de la politique
romaine :
romaine : il conferva aux villes leurs, lo ix , leurs
magiftrats, leur adminift ration. 11 favorifa fur-tout
le gouvernement populaire, qui faifoit de toutes
les cités autant de petites républiques dont l'ambition
étoit d’imiter la capitale de l’empire.
Lorfqu’Augufte vint dans les Gaules, il s’occupa
'du foin de perfeâionner cet ouvrage ; il y fit le
dénombrement des habitans ; & non - feulement il
aflùra aux cités la municipalité dont elles jouif-
foient, il voulut encore qivelles euffent entre elles
.une libre correfpondance, qui, les mettant à portée
de fe réunir pour l’intérêt général, donnât une
patrie commune à tous les habitans. 11 tint même à
-Narbonne une affemblée générale, où vraifembla-
:blement afliftèrent des députés d’un grand nombre
de villes. ( Epit. Liv. ad libr. 34).
Depuis cette époque jufqu’à l’établiffement des
monarchies, qui fe partagèrent cette vafte contrée,
toutes les cités fe gouvernèrent comme autant de
petits états fournis, mais libres; elles élifoient leurs
.magiftrats , fe choififlbient les chefs de leurs petites
troupes ; délibéraient non-feulement fur leur admi-
niftration intérieure , mais fur leurs liaifons au
dehors ; s’envoyoient mutuellement des députés,
.s’écrivoient des lettres, & enfin s’affembloient dans
des métropoles indiquées pour y traiter, par des
repréfentans, les grands intérêts de la patrie. Tel
,eft le tableau du gouvernement des Gaules, qui
nous eft tracé par Tacite lui-même.
Il n’eft donc pas étonnant que les Gaulois aient
élevé dès autels à Augufte, ainfi que le rapporte
Suétone. Toutes les provinces avoient la plus haute
idée de cette puiffance protectrice dont elles éprou-
voient les bienfaits. Le voeu général des Gaulois
fut de devenir Romains, & ils le furent tous en
moins d’un fiècle.
Chaque province avoit fa métropole, mais ren-
fermoit dans fon territoire plufieurs peuples diffé-
jrens, qui avoient chacun leur cité, & quelquefois
même deux. Dans les douze provinces de la Gaule
chevelue, on comptoit foixante-quatorze peuples
jSc quatre-vingt-quatre cités; dans la Gaule nar-
bonnoife, vingt - trois peuples & quarante - trois
-cités. La beauté & la richeffe du pays attiroient
dans ces contrées une foule de Romains. Augufte
& fes fucceffeurs y fondèrent même plufieurs colonies,
où les anciens habitans venoient admirer
les arts de leurs nouveaux maîtres, apprendre leur
langue ; étudier leurs ufages. Au droit de bour-
geoifie, que plufieurs villes avoient obtenu, l’empereur
Claude joignit celui qu’il accorda à leurs
principales familles, de pofféder les grandes dignités
de l'empire ; & dès le temps de Vefpafien , tout fut
;égal entre les Gaulois & les citoyens nés au fein de
la capitale du monde.
Sous Caracalla, le droit romain étoit univerfellç-
ment fuivi dans les Gaules : on s?y conformoit
dans tous les tribunaux de la juftice ; on l’étudioit
dans plufieurs villes; l’ancien celte étoit oublié;
le latin étoit devenu la langue commune , les
Géographie ancienne.
Gaules étoient une des parties les plus floriffantes
dé l’empire.
Depuis Augufte jûfqu’à Conftantin, il y eut à la
tête de l’empire beaucoup de tyrans. Mais comme
les loix étoient bonnes, le bonheur des provinces
où ces tyrans n’allèrent pas en perfonne, ne fut
pas troublé par leur oppreflion.'
Par les changemens que Conftantin avoit faits
dans l’adminiftration de l’empire, il y eut dans les
Gaules deux hiérarchies de magiftrats : car les
officiers qui commandoient aux troupes, comme
ceux qui étoient à la tête du tribunal, portoient
tous également le titre de magiftrats.
Le préfet du prétoire (1) des Gaules dont l’ad-
miniftration s’étèndoit aufli fur l’Efpagne & fur la
Grande-Bretagne (2 ), fit long-temps fa réfidence à
Trêves ; ce ne fut qu’environ cinquante ans avant
la chute totale de l’empire, que fon fiège fut tranf-
porté à Arles. Il avoit fous lui deux .vicaires. Le
premier eft nommé dans la notice de l’empire, le
vicaire des dïx-fept provinces ; mais chacune n’en
avoit pas moins fon reâeur particulier; & de ces
dix-fept provinces, fix feulement étoient gouvernées
par des proconfuls, & onze par des préfidens,
tous magiftrats, tous dépofitaires de la puiffance
publique , tous repréfentant l’empereur & ayant,
en fon nom, l’adminiftration de la police & des
finances.
A l’ombre de ces magiftratures fuprêmes, les
villes joififfoient de leur liberté & confervoient
leur tranquillité par l’exercice légal de l’autorité
qui leur appartenoit, & qu’elles confioient à leurs
magiftrats. Leurs droits & leur poffeflion fe perpétuèrent
jufqu’au moment où nos premiers rois
.vinrent dans les Gaules fe fubftituer aux droits
des Céfars. Deux mots de détail rendront ceci plus
intelligible.
Il en étoit de la Gaule comme du refte de
l’empire; on y divifoit les habitans en hommes
libres & ingénus, & en efclaves, que l’on pouvoir
affranchir. Les hommes libres fe partageoient en
trois claffes.
Le premier ordre des citoyens étoit celui des
fénateurs : ils étoient les confeils des villes rieurs
familles renoient le premier rang ; elles avoient
le droit d’afpirer aux plus hautes dignités. Par-tout
Grégoire de Tours fait la plus honorable mention
de ces familles fénatoriales.
Au-deffous des fénateurs étoient les curiaux,
curiales. Ce mot feul annonce que Rome avoit
fervi de modèle aux provinces. Le peuple y étoit
aufli divifé par curies. Les curies étoient compofées
de tous ceux qui avoient un état honnête & une
(1) Je crois pouvoir indiquer que l’on trouvera quelques
détails concernant cette magiftrature.êc les fuivantes
dans le dictionnaire d’Antiquités..
' (2) On trouvera u» tableau des divifions de l’empire,
à l’article Romanum Imperium.
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