
une flotte confidérable, & qu’alors on plaça des
établiffemens le long des côtes, depuis le détroit
de Gadès jufqu’au cap appelé actuellement des trois
pointes, fous le 5e deg. de latit.
Moeurs & ufages. Nous ne connoiffons guère que
les ufages fui vans/
Toute injure commifè envers un homme par un
autre homme, était punie de mort.
Ceux qui dévoient être punis de mort, étaient
les feuls auxquels il fût permis d’apprendre à une
perfonne la mort de quelque autre. Dans l'idée
des Carthaginois, ceux qui annonçoient des nouvelles
fi affligeantes dévoient mourir dans peu,
ou du moins ne jamais paraître en préfence de
ceux auxquels ils les avoient annoncées. Mais cet
ufage étoit certainement fufceptible de bien des
exceptions.
Quand quelque grande calamité affligeoit la ville,
tous les murs en étaient tendus de noir. Les Carthaginois
pratiquèrent cette cérémonie après que
leur flotte eût été détruite par Agathocle ; lorfque
leur armée, conduite par Himilcon, eût péri par
la pefte en Sicile ; & en d’autres occafions.
On a dit qu’ils avoient l’habitude de manger de
la chair de chien ; mais que Darius ayant marqué
de l’horreur pour cet ufage |± ils y renoncèrent
par égard pour ce prince, dans les états duquel
ils faitaient un grand commerce. Ce fut aufli Darius
qui les engagea à renoncer aux facrifices humains.
Ufage barbare, qui ne fut cependant pas entièrement
aboli.
Il étoit défendu aux foldats, fous les peines les
plus févères, de boire du vin tant qu’ils étaient en
campagne.
Il eft arrivé plufieurs fois que leurs généraux
furent mis à mort au retour d’une campagne m'aî-
heureufe. •
Ils avoient des bains publics pour lès différentes
claffes des citoyens.
Ils aifftoient à conferver les ftatues & les buffes
de leurs amis, & les plaçoient ordinairement dans
leur chambre à coucher.
Le rang & la puiffance n’exemptoient-aticun criminel
du châtiment qu’il avoit mérité ; fauf les
abus, fans doute.
Ils célébroient folemnellement certaines fêtes
annuelles, fur-tout celle du jour où les Tyriens,
fous la conduite de Didon, posèrent les fondemens
de leur ville.
11 n’y avoit point d’hôtellerie parmi eux. Us
logeoient les étrangers , comme amis, dans leurs
maifons : c’eft ce qui excita, en plus d’une pcca-
fion , à rendre les mots d’hospitalité & Û'amitié fyno-
nymés (1),
Précis kijloriqne. Quoiqu’il y ait diverfité de fen-
timens fur la durée de la république de Carthage*;
qu’Appien dife 700 ans ; d’autres 746 ans ; &
Caton, dans une harangue, confacrée par Solin 9j
73 7 , je n’héfiterai pas à me conformer à cette dernière
aflertion , puifque Caton parloit au fénat <&
qu’il étoit fort inflruit du fait dont il étoit queftion.-
O r , comme cette ville fut détruite vers l’an 146
avant l’ère vulgaire, il s’enfuît qu’elle fut fondée,
l’an 883 ans avant la même ère. Je vais rapprocher
les principales époques de l’hiftoire de cette fa-
meufe république dans le tableau fuivant.
(1) Voye\ au dictionnaire d’antiquité. Je préfume que l’on
y traitera de la manière dont les anciens s’y prennoient
pour prévenir les abus & couferver les titres du droit
d’hofpitalité les uns à l’égard des autres.
P rem ière É p o q u e . 883.. Didon, fille de Mar-
génus, roi de T y r , fuyant la cruelle avarice de
fon frère Pigmalion, qui venoit de faire mourir
Sichée, mari de cette princefle, pour s’emparer de
Tes biens, paffa en Afrique, fonda, finon la ville
entière de Carthage, du moins la citadelle appelée
Byrfa. D ’ailleurs - l’hiftoire de Carthage pendant
cette première période, nous eft peu connue. Trop
fages alors pour s’occuper des affaires, politiques
des peuples de l’Europe, les Carthaginois ne longèrent
pendant long-temps qu’à étendre leur commerce
& à fe former des établiffemens dans les
différentes, parties du monde. Ce qui prouve in-
conteftablement que leur puiffance fut portée à
un haut degré pendant cette première période, c’eft
que Xerxès , tout puiflant qu’il étoit-, ne regarda
pas comme indigne de fa grandeur de les inviter
par des ambafîàdes, à fe liguer avec lui contre les
Grecs. En effet, ils fe jetèrent fur la Sicile ,.pendant
que le roi de Perfe dévaftoit la Grece. jj
S econ de Pér io d e . 481. Carthage avoit envoyé
trois cens mille hommes en Sicile, fous la conduite
d’Amilcar; ils furent défaits ( 480) par Gélon , le
jour même du combat des Termopyles. Une fuite
précipitée fauva les reftes de ce prodigieux armement.
On ignore l’époque de leur premier établif-
fement en Sicile. Long-temps affoiblis & tranquilles,
ils ne revinrent-dans cette île qu’au bout de foixante-
dix ans. Lorfque appelés par les Ségeftains, ils y
envoyèrent ( 409 ) Annibal, petit-nls d Amilcar,
avec une armée de cent mille, & même, félon
Ephore, de deux cens mille hommes. La prife de
Sélinonte & d’Himère fuivit de près. Et trois ans
après ( 406 ) , ils s’emparèrent d’Agrigente, dont
les habitans s’étoient enfin rendus, après dix-huit
mois d’une vigoureufe réfiftance. Us égorgèrent les
malades & les vieillards, pillèrent les maifons,
détruifirent la ville, & , l’année fuivante, s’emparèrent
de deux autres places. Cependant la pefte
fe mit dans l’armée, & paffa avec les troupes dans
Carthage. Cette contagion défola la ville & ravagea
une partie de l’Afrique.
398. Cependant Denys l’ancien, qui avoit fait pré*
cédemment la paix avec les Carthaginois, profitant
de leur affoibliffement, fouleva le peuple de Sy-
raeufe contre eux : on les égorgea, on pilla leurs
maifons, on s’empara des vaiffeaux qu’ils avoient
dans le port, & toute l?île fuivit l’exemple de la
capitale. Les Carthaginois fe difposèrent à en tirer
une vengeance éclatante. Imilcar, à la tête de
trois cens quarante mille hommes, ayant quatre
cens vaiffeaux de guerre, fix cens bâtimens de
tranfport, & un appareil formidable de machines,
paffa en Sicile, ajouta à la conquête des villes précédentes
, celle de la ville de Mefline, qu’il rafa
de fond en comble , marcha à Syracufe, en força
l’un des principaux quartiers.il étoit probable même
qu’il ne tarderoitpas à emporter la place, lorfqu’une
pefte nouvelle porta la défolation & la mort dans
fon camp. Inftruit à temps des ravages de ce fléau,
Denys force les lignes des afliégeans, les exter*
mine, prend & brûle leurs vaiffeaux. Imilcar, contraint
d’implorer la clémence du vainqueur, obtient
la permiflion de retourner à Carthage avec
le peu de troupes qui lui reftoit. A fon arrivée ,
il s’enferma dans fa maifon & fe donna la mort.
Pendant ce temps, les Africains révoltés & maîtres
de Tunes, marchoient contre Carthage. Mais faute
d’un chef habile & d’une difeipline bien obfervée,
ils ne purent continuer cette entreprife.
383. Denys ayant fu amener lès Carthaginois
à prendre les armes avant qu’ils fuflent en état de
l’attaquer avec avantage, les fuccès furent égaux
de chaque côté. Cependant ils obtinrent à la paix
(3 6 8 ) , d’ajouter Sélinonte à leurs premières pof-
feflions. 11 mourut dans ce même lieu des excès
auxquels il s’étoit livré dans la fête donnée à l’oc-
cafion de fes fuccès.
345. Profitant des troubles élevés en Sicile après
la mort de Deflys, & fûrs d’avoir,' à force d’argent,
gagné des partifans dans prefque toutes les
villes, & fur-tout à Syracufe, les Carthaginois y
envoyèrent Hannon avec cent cinquante-vaiffeaux,
cinquante mille hommes, des armes pour un plus
grand nombre, & toutes fortes de munitions. C ’en
étoit fait de toute la Sicile, f i , dans le même temps,
Timoléon, parti de Corinthe avec dix vaiffeaux
& mille foldats, après avoir abordé à Rhège, ne
fe fût auffi-tôt porté au fecours de Syracufe. L’hiftoire
offre peu d’exemples d’une révolution aufli
rapide & aufli étonnante. Les Carthaginois étaient
maîtres du port ; Icétas, de la ville ; Denys le jeune,
de la citadelle. Timoléon fe préfente, bat Icétas j
fe concerte avec D en y s , débauche les troupes
grecques, honteufes alors d’être à la folde d’une
nation étrangère & ennemie, & forcé Magon, qui
commandoit fes Carthaginois, à fe retirer avec le
peu de monde qui lui reftoit. Sa conduite,: généralement
blâmée, lui coûta là vie. Vainement pour
réparer ce revers (240), les Carthaginois envoyèrent
de nouveau en Sicile , une armée de foixarcte-dix
mille hommes. Timoléon, à la tête des troupes
grecques & fyraeufaines, marcha à leur rencontre,
& les défit entièrement. Il refta dix mille des leurs
fur la place. On comptait dans ce nombre trois
mille citoyens de Carthage, formant la cohorte
facrée. Par le traité qui fuivit cette vi&oire, toutes
les villes grecques de File furent déclarées libres ; &
la Sicile, affranchie du joug de Carthage, recouvraÿ
par les foins de Ton libérateur, les beaux jours d’une
tranquillité profonde.
C ’eft quelque temps après ce traité, que l’on doit
placer la conjuration de Hannon. Citoyen riche
& puiflant par fon crédit & fes alliances, il avoit
formé le projet de fe rendre maître de la république
, en faifant périr tout le fénat (1). Son complot
ayant été découvert, il fe retira vers les Africains
avec cinq mille efclaves. Pris enfuite, les
armes à la main contre fa patrie, il fut mis à mort,
aufli-bien que toute fa famille , quoiqu’elle fût in*
nocente.
310. Peu après, Agathocle, tyran de Syracufe,
| ne pouvant forcer les Carthaginois de lever le fiège 1
(1) Il fe propofoït de faire empoifonner les fénateurs à
la fin d’un grand repas, auquel il les auroit invités.
H h h 2