
du foldat ; des forcenés, qui fe permettent toutes
fortes d’horreurs contre des malheureux vaincus
& déformés : tels furent les Romains en cette occa-
fion ; telles furent auffi les caufes de la rage des Bretons
contre eux : ils ne defiroient de vie que ce
qu’il leur en falloit pour fe venger. Les troubles
ne commencèrent à s’appaifer que lorfque Turpi-
lianus, envoyé enfuite dans la Bretagne, eut commencé
à traiter les peuples avec quelque douceur.
( An de J. C. 78 ).
Après la mort de Néron, aucun général romain
ne fe comporta avec autant de gloire que Julius
Agricola, qui y fut envoyé par Domitien. Ce commandant
fit le tour de l’île, & fournit tout l’intérieur
jufqu’à l’endroit où, quelque temps après , fut
élevé le mur d’Adrien.
Cet empereur, qui paffa dans la Bretagne peu
après fon avènement à l’empire, fit élever ce rempart
pour l’oppofer aux incurfions des Calédoniens.
Sûrs de ne pouvoir être attaqués dans leurs montagnes,
ces peuples ne ceffoient de fe jetter fur
les parties méridionales. Aufli, Sévère, à fon arrivée,
refufa-t-il de leur accorder là paix. Il pénétra dans
leur pays, & fit élever un mur pour les contenir,
à-peu-près au milieu de l’Ecoffe aôuelle. Ce prince,
comme on fait, mourut à Eboracum(Yorck).
L’hiftoire garde enfuite le filence furl’hiftoire des
Bretons jufqu’au temps où l’empire fut la proie de
différens petits tyrans qui fe taifoient des partis
chacun dans leur province. Caraufius, l’un d’eux ,
né dans leyGaules, prit la pourpre dans la Bretagne.
• Sept ans après, il fut affafliné par un de fes officiers.
C e traître avoit à peine joui trois ans du fruit de
fon crime, que Confiance, père de Confiantin-le-
Grand, arriva & fut regardé par les Bretons comme
leur libérateur. Il mourut dans la même ville que
Sévère.
Conftantin , fon fils, réprima les Piéles, pafla
dans la Gaule, & fut reconnu empereur. Son attachement
pour un pays qui avoit vu naître fa mère,
& qui renfermoit les cendres de fon père, procura
aux Bretons une tranquillité dont ils avoient été
privés depuis long-temps. Il fit régir le pays avec
les mêmes ménagemens que les autres provinces
romaines. La fuite 11e fut pas û heureufe, & les
Bretons eurent fouvent à gémir de la tyrannie &
de la cruauté de leurs gouverneurs & des procon-
fuls. Les troubles qui furvinrent enfuite, tiennent
plus à l’hiftoire de l’empire en général, qu’à celle
des Bretons, & ne peuvent trouver place ici.
La plus grande partie de l’île obéiffoit aux Romains,
& imploroit même leur fecours contre les
Piéles. Sous le règne de Valentinien (en 411 ) ,
Aëtius y pafla exprès pour repouffier ces barbares :
il y réuflit ; & la tranquillité auroit fuivi ce fuccès,
s’il eût pu demeurer dans l’île avec fes troupes.
Mais, profitant de l’état de foibleffe où fe trou-
voit l’empire, Alaric, avec fes Goths ,venoitde
faccager Rome. Les Suèves, les Alains s’étoient
jetés fur l’Hifpanie. Il fallut abandonner les extrémités
pouf conferver lé centre. On rappela les
légions de la Bretagne, & l’on rendit aux,Bretons
une liberté alors funefte, parce qu’ils avoient perdu
cette vigueur & cette énergie, fans lefquelles on
n’en peut faire ufage, & qui feules en font fentir
le prix.
Je m’arrêterai ici un inftant pour parler de l’état
des Bretons fous les Romains.
On voit à l’article B r it a n n ia , que la Bretagne
étoit divifée en cinq provinces romaines.
Gouvernement fous les Romains. Les différentes
divifions de la Gaule étoient-foumifes au vicaire ( i )
de la Bretagne, lequel l’étoit lui-même au préfet du
prétoire des Gaules.
Le vicaire de la Bretagne avoit fous lui différens
officiers, dont les principaux étoient :
i°. Un lieutenant qui le remplaçoit en cas d’ab-
fence. *
a°. Un héraut ( cornicularius) , qui publioit avec
un cornet, ou , comme ou dit a&uellement , à fon
de trompe, les décrets & les fentences du vicaire
8c celles des autres magiftrats.
3®. Deux tréforiers {jiumerdni'), qui tenoient état
des deniers publics.
40. Des notaires publics ( feriptores ab aEtis ) , qui
dreffoient les contrats, les teftamens, &c.
Le gouvernement militaire fe trouvoit entre les
mains de trois principaux officiers fubordonnés au
magifler - militum, ou généralîffime des troupes de
l’Occident. Ces trois officiers étoient.. . . le comte
de Bretagne ( cornes Britanniarum) . . . le comte des
côtes du côté de la Saxe ( cornes littoris Saxonici'). . .
enfin, le duc de Bretagne ( dux Britanniarum).
Comme ces deux derniers commandoient fur les
côtes , on eft fondé à croire que le premier avoit
pour fon département tout l’intérieur des terres.
Ils avoient fous eux plufieurs préfets & des com-
mandans de légion. Le pouvoir de- ceux qui commandoient
fur les côtes s’étendoit auffi fur la mer,
& même fur les côtes oppofées ; ce qui eft très-fur
au moins, pour le comte des côtes faxonnes, appelées
ainfi parce qu’elles étoient infe&ées par des
Saxons, peuples alors corfaires.
Craignant d’être trahis pat des troupes nationales
, les Romains avoient mis dans la Bretagne
des troupes étrangères, dont ils étoient plusrfurs.
Suite des révolutions : état de la Bretagne après le
départ des Romains. Sans argent, fans troupes, fans
difeipline, les Bretons, après le départ des Romains,
devinrent bientôt la proie de leurs voifins ennemis.
En vain reçurent-ils quelques foibles fecours, leurs
maux croiffoient chaque 'jour avec leurs défaites.
Entre les différens chefs qu’ils mirent à leur tête,
Vortigere eft le plus connu. Ce fut lui qui, pour
conferver une autorité dont il n’étoit pas digne,
plutôt que pour défendre fon pays, engagea fes
compatriotes à recevoir chez eux les Saxons, fous
(O Pour entendre ceci, voye\ le mot Imperium ro-
MANUM.
prétexté qu’ils les aideraient à repouffer les Piéles.
v Les Saxons vinrent donc fous la conduite d’Hen-
gift & de fon frère Horfa, tous deux fils, d’un roi
du pays. Les premières troupes furent bientôtfuivies
par d’autres, dont le deffein commun étoit de s’emparer
de toutes les terres. Ils y réuffirent en effet,
malgré les efforts de Vortimer, fils de Yortigerne,
& malgré la valeur du célèbre Arthur, dont les
hauts faits ont été fi exaltés, qu’ils paroiffent quelquefois
tenir du prodige.
L’établiffement de l’heptarchie des*Angles & des
Saxons n’eft pas de mon objet : il appartient à la
géographie moderne. Voye[ au mot A n g l e t e r r e .
B r it a n n i . On trouve aufli ce nom employé
comme étant celui d’un peuple de la Gaule; il eft
vrai que c’eft dans Pline feul, qui les met fur la
côte de la Belgique. La pofition qui leur convien-
droit, d’après ion texte, feroit entre 1 q Pagus G ef-
foriacus9 ou territoire de Boulogne, & les Ambiant;
ce qui le' place en-deçà de la Cange. Si q’étoit une
colonie des Bretons, on ignore les circonftances
de cet établiflement. .
BRITANNIA. Je comprends, fous cette dénomination,
les îles que les anciens ont nommées,
lorfqu’ils les connurent en détail, Infules Britannica.
Pour mettre plus de clarté dans ce que je
vais dire, je diviferai ce qui fuit en petits articles
x féparés par leur objet.
i ° . A u lieu de Britannia, les Grecs écrivoient
Bretannia, BpsTavv'iA : quelquefois ils doubloient le
t , comme dans BpeTlctvi*', on trouve dans Strabon
(/. i v ) , ri B/>stW uui; quelquefois aufli ils ne met-
toient qu’un r & une v. On lit dans Denys le
j PérigèteBpeTeO'o/, Bruant. Il eft vrai que Eufthate,
dans fon commentaire fur cet èndroit, remarque
que c’eft une licence que l’auteur s’eft permife pour
la mefure du vers. -Mais l’ufàge le plus confiant
étoit d’écrire par deux nn Britannia : c’eft de ce
mot que nous avons fait Britannique & Bretagne.
2.0, L’île appelée par Céfar Britannia, eft aufli appelée
Albion; & , lorfque fur-tout le'nom de Britan-
»iques fe fut étendu à toutes les îles de cette partie
de l’Océan, le nom d’Albion fut plus particuliérement
appliqué à la plus grande de ces îles.
3°. On s’ eft occupé de l’étymologie de ces deux
noms, 8c les fentimens ont été partagés.
Quelques auteurs font venir le mot Britannia
du mot Brith, que l’on prétend fignifier en celtique,
pajlel,8c, en générais couleur, parce que les
anciens Bretons fe peignoient le corps, comme
font encore aujourd’hui les Sauvages d’Amérique.
Les Romains trouvèrent les peuples de la Calédonie
encore dans cet ufage; 8c * par cette raifon,
ils les nommèrent Picli, les Piâes, c’eft-à-dire, les
peints. Mais on objeéte contre ce fentiment que les
peuples méridionaux de cette île n’étoient ni nus,
ni peints; que les Romains avoient dû favoir leur
nom avant de les avoir vus ; qu’il eft bien plus probable
que ce nom avoit été donné au pays par les
Phéniciens, qui y commerçoient. O r , comme dans
cette langue, Barat Anac fignifie pays de Yétain,
& que l’on en retiroit beaucoup de cette île, on conclut
que de Bratanac s’eft formé Britannia.
Enfin, M. le Brigant, que j’ai déjà cité avec
eftime, trouve une autre étymologie dans fa langue
bretonne, confervée du celtique. Selon lu i, les
premiers habitans de cette île étant des defeendans
de Gomer, des Gomérites, que l’on trouve enfuite
nommés Gombrï, ils donnèrent leur nom à la Bretagne,
appelée par eux Gombrit-ene{ , puis, pour
abréger, Brit-eneç , île des Brits ou Gombrits.
L ’étymologie qu’il donne du mot Albion paraîtra
peut-être moins naturelle. Selon ce favant Breton,
ce mot vient de Al-bi-on, cet autre (p a ys) fera à
nous. Plufieurs auteurs penfent que Albion vient du
latin Albus ( blanc ) , parce que les côtes de l’A ngleterre
offrent cette couleur, vues foit de la France,
foit de la mer.
4°. Sous le nom d’Infila Britannica F on com-
prenoit deux grandes îles & plufieurs petites.
La plus orientale des deux grandes étoit nommée
Britannia & Albion ; lorfque les Romains en eurent
en partie fait la conquête, ils nommèrent Caledonia
la partie feptentrionale qu’ils n’avoient pas pu fou-
mettre. L’autre île , fituée à l’occident, le nommoit
Ierne 8c Hïberma.
Les pedtes îles étoient.. . . au fud , VeElis ou l’ile
de Wight ; les CaJJîterides ou les Sorlingues; à . . . à
l’oueft, Monobla ou 111e de Man ; les Ebudes ou
Wefternes ; . . au nord, les Orcades ou Orcades,
& la Thule, que l’on croit, avec beaucoup de vrai-
femblance, être les îles de Schetlaiid. ( Voye£ chacun
de cès mots).
5°. Les Romains ne firent prefque qu’entrevoir
ces îles au temps de Céfar ; Augufte les menaçoit
lorfque, content de l’hommage des Bretons, il
porta fes armes ailleurs. Ce ne fut qu’au temps
de Claude , & lorfque Agricola , beau - père de
l’hiftorien Tacite, eut fait le tour de la Bretagne,
que l’on eut une idée plus jufte de fâ forme &.
de fon étendue.
6°. De la Britannia proprement dite.
Les principaux fleuves de cette île étoient;
La Tamejîs,. la feule des rivières de cette île que
Céfar nous faffe connoître : Tacite la nomme
Tamefa.
La Sa b r in a , que nommeTacite, & qu’Athênée
appelle ^cifcpicLvct, ou Sabriana.
h'Akona ou Antona, dont parle aufli Tacire.
Ptolemée fait connoître plufieurs autres rivières j
favoir, le Triftnto, l’Alaunus x VIfca ou Ylfaca, le
Tamarus, le Cenio, &c. &c. On les prouvera tous
à leur article.
7°. Les premières conquêtes des Romains ne
s’étendirent pas fort avant dans la Bretagne, puifque
fous l’empereur Claude, elles n’alloienc pas au-delà
de YAltona & de la Sabrina. Mais fous les fucceffeurs
de ce prince,. les Romains pénétrèrent de plus ent
plus dans, l’île ; & , comme ils repouflbient devant
: eux ceux des Infulaires cpfi n’avoient pas Toula