
éroit fituée au fond d’un golfe, & reflembloit à une
prefqu’ile dont le c o l, c ’eft>à-dire l’ifthme, étoit
large de vingt-cinq ftades. La prefqu’île , feloii
Strabon (/iv. 17 ) , avoit de circuit trois cens foixante
flades, ou à peu près dix-huit lieues» De cet iftlnne,
il s’avançoit vers l’occident une langue de terre ,
large environ d’un demi-ftade : elle féparoit la mer
d’un marais,i&i de chaque coté étoit fermée foit
par des rochers, foit par une muraille. Au fud ,
c Ae^—à—dire du côté de la mer, aufli-bien que du
côté du continent où étoit la citadelle, la ville étoit
fortifiée d’une triple muraille, haute de trente coudées.
On ne comprend pas, dans cette hauteur,
celle, des parapets, ni celle des tours qui la flan-
quoient tout à l ’entour, ni des diftances égales :
elles étoient éloignées entre elles de quatre-vingt
toifes. Chaque tour avoit quatre étages, & les fondations
avoient trente pieds de profondeur.
Les murailles n’avoient que deux étages : elles
étoient larges- & voûtées. ‘Dans le bas , il y avoit
de remplacement pour loger trois cens éléphans ,
avec les magafi.ns néceffaires pour leur fubfiftance.
Au-deflùs des éléphans étoient des écuries pour
quatre mille, chevaux , avec les. greniers pour les
fourrages. 11 s’y trouvoit aufli de quoi loger vingt
mille Fantaffins & quatre mille cavaliers. Tout cet
appareil de guerre tenôit, coinme on le v o it, dans
les feules murailles : il n’y avoit qu’un endroit où
les murs fuffen't foibles & bas : -c’étoit un angle
qui fe trouvoit du côté de la terre.
Le grand port, ainfi que celiri que l’on avoit
creufé, pouvoient fe communiquer entre eux :.mais
ils n’avoient qu’une même entrée, large defoixante-
dix pieds, & fermée par des chaînes. Le premier
étoit •peur fe commerce on y trouvoit des boutiques
.& des* demeures pour les matelots.'L’autre
étoit le port intérieur pour les vaifleaux de guerre.'
A u milieu de ce port étoit une île appelée aufli
Ççthon. Elle étoit bordée, aufli-bien que le port,
de grands quai« >, où étoient des loges féparées pour
mettre à couvert deux .cens .vingt bâtimens : au-
defliis étoient des magafxns pour les agrès & les
arméniens, 'L’entrée de chacune de ces loges étoit
ornée de depx .colonnes de marbre', d’ordre'dorique
: dé forte qu’au premier coup-d’ceil l’île &
le port fembloient entourés, d’un portique. Dans
cette île étoit le palais clu commandant des forces
de mer : c’étpit|dé-là ïque l’on, donnoit le fignal.
au fon de la trompette, & que l’on publioit les
édits de la'mariné.""
-Cette île étoit. fi tuée vis-à-vis l’entrée du port,
& s’étendoit .en long d’une manière fi avanrâgeufe ;
que l’amiral pouvoit découvrir fort au loin tout ce
qui étoit fur la mer : au lieu quelles vaifleaux qui
arrivoient ne pouvaient pas voir tous, les détours
de l’intérieur du port. Les bâtimens marchands ne
pouvoient' pas' non plus appercevoir les vaifleaux
de guerre, puifque lès deux ports étoient fépàfos
par une double muraille. Il y avoit, dans chacun
d ’eux, un.è- porte pour entrer dans k ville. An
rc^e * ? n Peut ëu®re douter de la magnificence
des bâtimens par la richefle & la fplendeur de cette
république.
Defiruttion. On peut voir, au mot Carthagenienfes,
une efquiffe des révolutions de cette ville : j’ajouterai
feulement ici qu’elle fut détruite par Scipion,
1 an 146 avant notre ère. En même temps on fit
defenfes, au nom du peuple romain, d’y habiter
jamais , & l’on menaça, par les plus horribles imprécations
, quiconque oferoit jamais tranfgreffer
une loi fi "importante à la sûreté dé l ’état.
Cependant Appien rapporte que trente ans après,
l.un des Gracques, pour faire fa cour au peuple,
y conduifit une colonie. J’obférverai, en paffant,
que ce fut la première que les Romains envoyèrent
hors de Htalie.
Strabon &. Plutarque nous apprennent de plus
que Carthage fut rétablie par Jules-Céfar. Cette
fécondé Carthage devint une des villes les plus con-
fidérables de l’Afrique.: elle en fut même en quelque
forte la capitale fous les empereurs. On. y em-
brafla le chriftianifme, & fes évêques , qui relevèrent
de l’évêque de Rome, & non du patriarche
d’Alexandrie , occupèrent un rang diftingué dans
l’églife d’occident.
L’an 318 de notre ère ,, elle fut, faccagée par
Maxence , & l’an 439, conquife par Genféric, roi
des Vandales. Bélifaire la reprit en 563. Enfin, lors
des conquêtes des Arabes en Afrique, Carthage fut
prife par eux l’an 698, & ruinée de fond en comble.
C a R T AGO N o v a ( i ) , ou Carthage la nouvelle
( Carihagbie )^ ville considérable de l’Hifpanie, au
fud-eft , très-près, à l’oueft, du promontoire Som-
braria , & ail fud du champ Spartérien, Spartenus
campus. Cette ville avoit été fondée l ’an de-Rome
.52.5, par Afdrubal, général Carthaginois,-pour contenir
le pays dans Tobéiffance. Les hiftoriens e s pagnols
, ce qui n’eft pas improbable, prétendent
que depuis l’an J4i2..avantrère vulgaire,. il y avoit
en ce lieu une ville nommée, Contejlæ, d’où la province
avoit pris le nom de Conteflania. Le ,fondateur
en avoit été., félon eux , T e fta , ancien roi
.du pays : mais depuis que les Carthaginois- s’y
étoient établis , cette ville étoit devenue 1? plus
confidérable de celles qu’ils pofledoient en Hifpanie.
Ils en avoient fait leur place d’armes, & y con-
fervoient les otages qu’ils avoient exigés des nations
Hifpanienues les plus puiflantes.
st Elle - eft fituée (difoir Polybe, vers ,1’an 150
(1) Comme les médailles & le,s auteurs portent Car th a g a.
N o v a „ & que Ptolemée place C a r th a g o V ê t u s dans l’intérieur
de l’Hifpanie, le P. Hardouin avoit cru pouvoir
per-fuader que e’étoit relativement à cette dernière, que
l’autre portoit Tépithère. de N ç v a . Mais cela n’eft guèfre
probable-, & aucun-hiftorien , ni-aueuh géographe, excepté
Ptolemée, n’ont parlé de cette ancienne Carthage.
Selon cè jefuite, Cartaveja à fuccédé à Carthago V ê tu s .
;'Le P. Florez n’eft pas du tout de ce fentiment. Les médailles
de Carthago N o y a portent : les unes Carthago ; les
autres K a r th f lg ç ,
i» av. J. C .) au fond d’un golfe qui eft en face
» de l'Afrique. Ce golfe peut avoir vingt flades
„ de profondeur, & la moitié de largeur. Dans
» fa totalité, il préfente l’afoeâ d’un port : à l’entrée
>> eft une île , qui ne laifle de chaque côté qu’ un
m efpace aflez borné aux vaifleaux qui y arrivent.
» Par cette difpofition, l’effort des vagues porte
» fur l’île , & laifle le pcfrrt tranquille, fi ce n’eft
» quand le vent vient de la côte d’Afrique : alors
v la mer reflue par chacun des côtés de l’île : mais
» par tout autre vent on y eft à l’abri du gros
» temps. Au fond <du golfe, cette terre s’avance
» en forme de prefqu’île ; & c’eft-là qu’eft fituée
» la ville. De l’eft au fud, elle eft entourée par la
». mer : au couchant, eft une efpêce d’étang qui
» s’avance vers le nord ; en forte que la langue de
» terre qui joint la prefqu’île au continent , ,n’a
v guère plus de deux ftades. La ville eft baffe,
» & comme enterrée. On y va par une plaine à
» laquelle ort aborde par la mer du côté du fud:
» mais de tout autre côté elle eft entourée de col-
v lines , dont deux hautes & rudes, & trois autres
» plus douces, mais où fe trouvent des cavernes
» & des précipices. Sur la plus haute montagne ,
» qui eft au couchant, eft un palais (
» tel que celui d’un fouverain, élevé , dit-on, par
» Afdrubal, quicherchoit à fe rendre indépendant
» dans cette contrée. Le nord eft fermé par des
». collines, mais qui font hautes. Une d’elles eft
» nommée la colline de Vulcain, & celle qui en eft
» proche, la colline d’ Al'ete, qui, pour avoir trouvé
» des mines, reçut les honneurs divins. La troi-
» fième eft la colline de Saturne. L’étang eft joint
» à la mer par un canal pour la commodité de ceux
* qui travaillent aux vaifleaux ; & fur la langue
» de terre qui joint la mer à l’étang, on a fait
» un pont pour les côtés-de charge ». Polybe ajoute
un peu plus bas : « l’enceinte de la ville n’alloit
» autrefois qu’à vingt ftades, quoiqu’on l’ait efti-
» mée quelquefois davantage ; & actuellement même
» elle ne va pas jufques-là. Je puis l’affurer, j ’en
» ?i jugé- par mes yeux ».
La nouvelle Carthage fut prife l’ an de Rome 542
par Scipion , furnommé l’Africain, après la défaite
d’Annibal., fous les murs de Carthage d’Afrique.
En rapportant quelques détails fur L’état où fe
trouvoit.cette ville lors de fa prife par les Romains,
Tite-Live nous donne la plus grande idée de fa-
. richefle & de fes forces. Selon cet hiftorien, on
y fit prifonniers dix mille hommes de condition
• libre, & un nombre prodigieux de femmes , d’en-
fans & d’efclaves. Les otages, au nombre de trois
cens, o u , félon quelques auteurs, de fept cens
vingt-cinq, furent renvoyés aux peuples auxquels
ils appartenoient. Les machines de guerre y étoient
en tres-grande quantité, puifque Ton y comptoit
cent vingt grandes catapultes (1 ) , deux cens quatre-
. (1) Voyei diClionnaire des antiquités de ce même
ouvrage.
vingt-une plus petites ; vingt-trois balifles de la
première grandeur, cinquante-une plus petites, un
nombre prodigieux de dards, foixante-quatre drapeaux
, &c. Il y avoit, dans le port, huit galères
& cent trente bâtimens chargés de bled. Les magafin-s
eux-mêmes en renfermoient beaucoup, puifque l’on
y en trouva quarante mille boiffeaux, & deux cens
boiffeaux d’avoine. La v ille , prife d’affaut,fut abandonnée
au pillage : mais les foLdats avoient ordre
d’apporter tout le butin tranfportable dans la place
publique. Les hiftoriens qui parlent de la richefle
de cette v ille, difent qu’il y avoit deux cens foixante-
feize coupes d’or, prefque toutes du poids d’une
livre , & dix-huit mille trois cens livres pefant d’argent
tant monnoyée qu’en vaiflelle. La monnoie
de cuivre fut diftribuée aux foldats, & le refte du
butin fut confié aux foins du quefteur Flaminius.
Je ne dois pas omettre ici que ce fut après la
prife de cette ville que les foldats de Scipion lui
amenèrent une jeune fille d’une grande beauté,
qu’il rendit au celtibérienAllucius, auquel elle avoit
été fiancée , en ajoutant à fa dot la même fomme
que les parens offroient pour fa rançon. Polyb e,
qui parle de cette jeune fille, ne dit rien de la
dot.
Carthage la neuve devint colonie romaine au
temps de Céfar, qui y en établit une après la bataille
de Munda. Elle fut Coriventus (2) ; fa jurif-
diélion s’étendit fur foixante-cinq villes.
CAR TAR E . Feftus Avienus nomme ainfi une.
île fur la côte de l’Hifpanie.
CAR TAS INA , nom d’une ville de l’Inde, que
Ptolemée place en-deçà du Gange.
C AR T É IA ( Rocadillo') , ville de la B étique,
au fud. Selon" Tite -L iv e , cette ville fe trouvoit
au-delà du détroit d’Hercule, dans l’Océan : mais
il ne faut pas prendre à la rigueur les. paroles de
cet écrivain. M. Gonduilt, favant Anglois, a démontré
la véritable pofition de Carteiadéjà entrevue
par Rodrigo Caro, favant efpagnol. M. de la
Nauze en a parlé aufli, en traitant de quelques
points de géographie ancienne. (Mém. de lit. t. x x x ,
P-97-). I HBH 1 1 >■ H Il réfulte des recherches de ces favans , i°. que
Carteia étoit fituée au fond de la baie de G ibraltar.
. 20. Que cette ville , ainfi que le dit Pline, étoit
appelée Tartejfos par les Grecs, quoique, les Latins
tranfportaflenr ce nom à Gadès. 11 .eft vrai cependant
que Strabon nomme une île de Tarteffus^formée
par les branches du Battis.
M. deJa Nauze donne de ce changement une
raifon bien vraifemblable. Comme on avoit attaché
une idée de puiftance & de richeffes à la ville nommée
TarttJJ'e, au temps où les écrivains Grecs ré-
digeoient leurs-ouvrages , . c’étoit Carteia qui avoit
I (2) Ce mot doit être expliqué dans le diéïîorihaire des
1 antiquités.