
Le fervice religieux que les Celtes rendoient au
fe u , av<5it le même fondement que celui qu'ils
offroient à l’eau. Ils regardoient le feu comme une
divinité. Us y plaçoientdes intelligences fupérieures
à l’homme. Us le confultoient pour découvrir le
paffé, & pour être inftruit de l’avenir. Ils puri-
fioient par le feu les hommes, les animaux & les
plantes ; & l’idée qu’ils avoient des grandes vertus
du feu , fervoit de fondement au culte qu’ils lui
rendoient.
Les peuples Celtes devinoient par l’air comme
par les autres élémens. Us faifoient principalement
attention aux préfages que l’on tiroit de la foudre.
Le grand objet du culte que l’on rendoit aux divinités
qui préfidoient à l’air, c’étoit d’en obtenir des fai-
fons favorables, & des influences falutaires.
Les peuples Celtes adoroient le foleil, parce qu’il
communiquoit à l’univers une lumière agréable, &
en même temps une chaleur néceffaire pour la
confervation de l’homme, des p la n t e s d e s animaux.
Cette idolâtrie étoit très-ancienne, & étoit
généralement répandue dans tout le monde.
Dans les fêtes que les Celtes confacroient au
foleil, ils lui immoloient des chevaux. Les fane-
tuaires confacrés au foleil étoient ordinairement des
forêts, & l’on choififfoit préférablement celles dont
les arbres ne perdoient point leurs feuilles pendant
l’hiver.
Les Celtes attribtaoient une grande vertu aux
influences de la lune. Us comptoient leurs mois,
leurs années & leurs fiècles par le cours de" cet
aftre. Sa lumière devoir être très-agréable à des
peuples qui tenoient leurs aflemblées religieufes
la nuit. Us lui offroient un culte particulier, comme
à une grande divinité- Les anciens ne donnent
aucun détail fur la nature du culte que les Celtes
rendoient à la lune.
On a prétendu que les peuples Celtes rendoient
tn culte religieux aux âmes des héros , parce qu’ils
étoient perfuadés qu’un homme qui mouroit à la
guerre, ou de quelque autre forte de mort violente,
paffoit infailliblement à une vie bienheu-
reufe.
Les Celtes avoient un profond refpeâ pour leurs
druides. Audi vénéroient-ils dans leurs prophètes,
& dans leurs prophéteffes, le dieu dont ils étoient
les miniftres & les interprètes, & recevoient-ils
leurs décifions comme les oracles même de la
divinité. Cette vénération étoiL portée fi loin par
les peuples C eltes, qu’ils ne faifoient pas difficulté
de donner à leurs pontifes le nom même du dieu
au culte duquel ils préfidoient.
Après les gens. d’.églife, le grand objet de la
vénération des peuples Celtes étoit les bons guerriers.
Les honneurs, les louanges, les diftinétions,
la confiance du public, étoient pour ainfi dire confacrés
aux héros. Vénérés pendant leur v ie , ils
Tètoient auffi après leur mort. On leur donnoit
le titre de Hert ou de Hans, qui étoit réfervè
aux dieux & aux princes.
On a cru qu’Hercule étoit fervi comme un dieu
dans toute la Geltique : mais il eft vraifemblable
que c’étoit quelqu’un de leurs héros qui avoit porté
ce nom : car Cicéron, Varron, &c. ont reconnu
qu’il y avoit eu plufieurs Hercules, & que tous
ceux dont les Grecs & les Latins vantent les exploits
, avoient été les ennemis déclarés des peuples
Celtes, & les deftru&eurs de leur religion.
On prétend que Bacchus avoit auffi un culte
chez les peuples Celtes, & en particulier par les
Efpagnols, les Gaulois & les Thraces. Ce dernier
peuple étoit celui de tous les Celtes qui avoit le
plus de vénération pour ce dieu. On voyoit dans
leur pays un grand nombre de fan&uaires qui lui
étoient confacrés & fervis par des prêtres & des
prêtreffes, qui étoient tous en poffeffion du don
de deviner. U y avoit 'de ces fan&uaires où il falloit
que Je prêtre fût ivre pour avoir le don de pré-,
dire l’avenir.
Les fêtes de Bacchus fe célébroient de nuit. On
s’y rendoit avec des torches & des flambeaux.
Les anciens ont auffi attribué aux Celtes de rendre
un culte à quelques dieux étrangers, tels que Priape,
le dieu des jardins, celui de Caftor & Pollux. Tacite
affiire qu’une partie des Suèves faifoient des facri-
fices à Ifis. Hérodote attribue aux Scythes le culte
de Vénus Uranie.
Outre ces dieux étrangers, les anciens attribuent
aux Celtes le culte de quelques dieux indigètes.
On appelloit ainfi les dieux qui n’étoiênt fervis.
que par un certain peuple, & dans une certaine
contrée.
Les Celtes donnoient fouvent à leurs dieux les
noms des fan&uaires où ils étoient fervis.
Les Celtes admettoient une forte de création :
ils reconnoiffoicnt que le monde avoit eu un commencement,
& ils en rapportoient l’origine au dieu
Teut & à la Terre fa femme,
v Quoique les Celtes reconnuffent un commencement
, ils croyoient que le monde devoit fub-
fiftér éternellement. Us affiiroient que le féjour
où les hommes dévoient -jouir d’une vie immortelle
ne feroit jamais détruit.
Les druides,-dit Strabon, croient que le monde
eft incorruptible : mais ils avouent en même temps
que le feu & l’eau y prendront un jour le dèffus.
La Providence étoit un dogme reçu chez les
peuples Celtes , & parmi les religions païennes ;
aucune ne donnoit autant d’étendue au règne de
la Providence que la leur.
Les Celtes-rapportoient les devoirs de l’homme
à trois chefs généraux ; i°. qu’il faut fervir les
dieux ; 2,0. qu’il ne faut point faire de mal, & qu’il
faut s’étudier à être vaillant & brave.
Quoique ces peuples fiffent beaucoup de cas des
facrifices, & qu’ils attribuaffent une grande efficacité
à leurs cérémonies, ils ne faifoient pas con-
fifter tout le fervice de Dieu dans ce culte extérieur.
Les
Les druides s’appliquoient à l’ étude de la morale
: ils la prêchoient aux peuples pour adoucir
leur férocité naturelle ; ils la propofoient comme
la volonté de Dieu. Le peuple regardoit auffi la
bonne-foi, Vholpitaiité, comme des vertus qui tendent
l’homme agréable à Di,eu.
Les Celtes avoient Vidée d’un Dieu offenfé par
le péché :tnais en même temps d’un Dieu qui dévoie
être appaifé par des facrifices. 11s avoient auffi
des facrifices expiatoires, deftinés à délivrer,le
pécheur de la peine qu’il avoit méritée, par la
fubftitution d’une viâime qui étoit immolée à fa
place.
Le dogme de l’immortalité de l’ame étoit reçu
de toute ancienneté par les Celtes, & c’etoit la-
detfus que toute leur religion étoit appuyee. Les
druides avoient une doftrine fecrète, qui n’etoit
que pour les initiés : mais pour celle-ci, ils ne
cefloient de la propofer & de l'inculquer au peuple,
comme fervant de bafe à l’obligation où font les
hommes de fervir les dieux, d’obferver les loix
de la juftice, & de s’étudier à être vaülans &
braves. Enfin,cette doârine étoit, chezles peuples
Celtes, d’une antiquité à laquelle l’hiftoire ne remonte
point. Elle fervoit de fondement à un grand
nombre de coutumes, les unes fuperftineufes &
les autres barbares : mais qui montrent combien
la perfuafion d’une autre vie étoit enracinée dans
l’efprit de ces peuples.
Les Celtes, félon que l’affure Lucaln , croyoient
que les âmes ne retourneront à la vie qu’une feule
fois. U dit, s’adreflant aux druides : « s’il faut vous
» en croire, les âmes ne defeendent pas dans le
v féjour des ténèbres & du filence , ni dans l’em-
j> pire fouterrain de Pluton. Vous dites (je ne
jj fais fi vous en avez quelque certitude), que le
» même efprit anime le corps dans un autre monde,
» & que la mort eft le milieu d’une longue vie ».
Cette efpérance d’une réfurreélion dilpofoit les
Celtes à méprifer le danger & à braver la mort.
Les Celtes penfoient que les plaifirs & les délices
de l’autre vie confiftoient à manger, boire, dormir
& fe battre : auffi en faifoient-ils l’unique occupation
des bienheureux. 11s penfoient que les héros
fe battoient dans le paradis : mais qu’ils ne fe faifoient
pas de mal.
Dans les temps les plus reculés, les Celtes étoient
tous nomades ; & lorfqu’ils eurent des demeures
fixes , Us continuèrent à tenir leurs aflemblées religieufes
hors des villes & des villages, parce qu’ils
avoient dans l’idée qu’un fan&uaire devoit être
placé, i°. dans un lieu folitaire, féparé du commerce
des hommes ; i° . dans un lieu inculte, où
l’on ne vît rien qui ne fût l ’ouvrage de la nature,
& où la main de l’homme n’eût point dérangé ni
féparé les parties d’une matière qui étoit, pour
ainfi dire , le corps & le véhicule, de la divinité :
c’eft ce qu’ils appeloient un lieu pur.
Tant que les Celtes confervèrent leurs propres
idées, ils n’eurent point de temple fait de main
Géographie ancienne.
d’hommes. Ceux que l’on voyoit dans la Celtique,
les uns avoient été bâtis par des étrangers , les
autres avoient été élevés par les gens du pays,
dans un temps où ils avoient déjà abandonné le,ur
ancienne religion pour embrafler celle des Grecs
ou des Romains, qui les avoient fournis, ou qui
s’étoient établis dans leur voifinage.
Les peuples celtes n’avoient ni images ni ftatues
qui repréfentaffent la divinité fous la forme humaine
ou de quelque animal : cela n’empêchoit
pas qu’ils n’euflent leurs fimulacres : mais ils diffe-
roient entièrement de ceux des autres peuples.
Le fimulacre des peuples nomades etoit une epee
ou une halebarde.
Les peuples celtes qui avoient une demeure fixe^
& qui mifoient leurs auemblées religieufes dans des
forêts, choififtoient ordinairement quelque grand
& bel arbre , pour être le fymbole du dieu quils
adoroient, & l’objet fenfible de leur culte.
La nature du culte que les Celtes rendoient aux
arbres confacrés étoit, 10. qu’ils ail oient faire leurs
prières devant ces arbres, & qu’ils y allumoient
des flambeaux. .
2.0. Us arrofoient l’arbre confacré, & même les
arbres voifins, du fang des hommes & des animaux
qu’ils avoient immolés.
30. Us attachoient à ces arbres la tête & la main
droite des hommes dont ils avoient fait un facrifice
à leurs dieux. On y clouoit auffi la tête des autres
viftimes comme une preuve de la dévotion des
peuples, & de la multitude des facrifices qu’ils
offroient.
40. Chacun faifoit des préfens aux arbres confacrés,
& les guerriers, en particulier, avoient
coutume de leur offrir une partie du butin qu’ils
fi^bient fur l’ennemi.
50. Les arbres confacrés étoient encore une espèce
d’oracles où l’on confultoit la divinité, & où
l’on recevoit fes réponfes.
Quand un arbre confacré mouroit, ou de vieil-
leffe, ou de quelque accident, il ne perdoit pas
le privilège d’être le fymbole de la divinité. On
en ôtoit l’écorce, on le tailloit en pyramide ou
en colonne, & on lui rendoit, fous cette nouvelle
forme, les mêmes honneurs qu’auparavant.
Quelques-uns des peuples celtes plaçoient un
caillou, où quelque grofle pierre, au milieu de
leurs fan&uaires, & autour de laquelle ils alloient
faire l’exercice de leur religion.
Les druides demeuroient dans les fan&uaires avec
leurs femmes & leurs enfans. La garde de ces lieux
étoit confiée au clergé, & en même temps celle
des enfeignes militaires, des vaiffeaux facrés, & des
tréfors qui y étoient dépofés.
L’excommunication des druides emportoit avec
foi l’exclufion de toutes les aflemblées, tant civiles
que religieufes.
Outre les aflemblées que les Ceke-S'tenoient ordinairement
à certains jours de la lune, ils avoient
encore des fêtes folemnelles , qui revenoient tous
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