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4 8 VOYAGÉ
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C H A P IT R E IV.
DE T E N E R IF F E A LA T R IN IT E .
1826.
20 juin.
Ce jour je fermai le rapport que j ’adressais au
ministre de la marine, touchant les opérations delà
campagne jusqu’à cejour. MM. Quoy et Gaimard préparèrent
de leur côté un Mémoire important sur les
mollusques recueillis depuis le départ, pour l’Académie
des Sciences, accompagné de dessins par M. Sainson,
et d'une caisse de ces petits animaux conservés dans
l’alcool.
D’après le compte que nous a remis M. Bretillard,
notre excursion au Pic a coûté à la mission soixante-
douze piastres et demie, indépendamment de la nourriture
qui ne s'y trouve point comprise. On nous a
assuré qu’elle coûte ordinairement à un Anglais qui
l’entreprend au moins cent cinquante piastres.
Le soir, M. Bretillard me conduisit chez le major
Megliorini dont on m’avait vanté le cabinet d’histoire
naturelle. En effet, j’y trouvai une foule d’objets,
comme armes, coquilles, animaux, poissons, oiseaux
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et tableaux divers, le tout dans un désordre assez
gT-and, car le respectable major n’est qu’un curieux
qui connaît peu le prix de ce qu’il possède. Ce qui
fixa le plus mon attention, dans cet amas d’objets
assez hétérogènes, fut une momie complète de Guan-
che, qu’on me dit être celle d’une femme. Elle était enveloppée
de plusieurs bandes de peaux cousues; les
traits du visage semblaient avoir été réguliers, les
mains très-grandes, et la taille de l’individu desséché
atteignait encore cinq pieds quatre pouces. Dureste,
ce procédé de conservation pour les cadavres est bien
inférieur à celui des Nouveaux-Zélandais, vu qu’il ne
reste guère du corps que la peau plus ou moins raccor-
nie, comme aux momies de Palerme. Dans les grottes
sépulcrales des Guanches, on a aussi rencontré des bâtons
en bois dur à poignée ronde, tout-à-fait semblables
à ceux desNouveaux-lrlandais ; des vases en terre et en
bois assez bien tournés, des espèces de petits cachets
triangulaires en terre cuite, et surtout une fouie de
petits disques de la même matière, ayant trois lignes
de diamètre, enfilés comme des chapelets (qui leur
servaient peut-être au même usage que les quipos chez
les Péruviens), des aiguilles en os et une sorte d’étoffe
tressée de fibres ou écorces roussâtres. Cette étoffe
enveloppait quelquefois les momies, mais bien plus
rarement que les peaux de chèvre cousues.
M. Megliorini possédait des échantillons de tous
ces objets; je contemplai avec émotion ces uniques
vestiges d’une race d’humains douce, paisible et digne
d’un meilleur sort, si l’on en croit les historiens qu’a
TOME I. 4
I 826.
Juin.
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