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38 VOYAGE
M. Gaimard, tandis que M. Quoy, à plus de cinquante
pas de distance, debout sur un autre rocber un peu
plus élevé, entendait parfaitement tout ce que nous
disions.
Bien loin sous nos pieds, la mer de nuages, immobile
et constante comme un voile impénétrable, dérobait
à nos regards tous les détails de l’ile, et nous
ne distinguions que quelques sommets de Canary
qui dépassaient son niveau et semblaient autant d’iles
semées sur sa surface.
A buit beures, nous nous étendîmes tous les trois
côte à côte pour dormir, mais M. Gaimard seul goûta
cette douceur : dévorés par les puces, M. Quoy et
moi nous ne pûmes fermer l’oeil de toute la nuit. Plus
aguerris contre leurs piqûres, nos conducteurs et
notre guide dormaient dans d’autres enclos, avec les
cbevaux autour d’eux. Malgré la pureté du ciel, l’éclat
des étoiles parut très-faible.
Dès deux beures nous étions debout; mais, comme
il faisait encore complètement nuit, ce ne fut qu’à
quatre beures que nous nous mîmes en route. Précédés
par notre guide, nous marcbâmes environ une
demi-beure sur les ponces écrasées, entre deux
coulées de laves, avant d’arriver à une petite esplanade
connue sous le nom SAlta-Visla. Immédiatement
après, on se trouve obligé de faire route sur les
laves nues, ce qui la rend fort pénible, bien qu’on y
retrouve souvent les traces légères du sentier formé
par les visites des voyageurs.
Nous vîmes le soleil percer la voûte de nuages sus-
DE L ’ASTHOLABE. 39
pendue sous nos pieds, et les rayons de cet astre,
réfléchis par leur surface, vinrent frapper nos yeux
d’un éclat éblouissant. Quoique l’air fût très-piquant,
nous n’éprouvâmes aucun froid; mais nous étions
fréquemment obligés de faire halte pour reprendre
haleine, essoufflés par l’extrême rapidité de la pente.
En approchant du Pain-de-Sacre, on aperçoit de
temps en temps, dans les crevasses des rochers, de
petits amas de neige, que leur position protège contre
l’action du soleil.
Il faut cbeminer durant une heure environ, continuellement
au travers des laves, pour arriver au pied
du Pain-de-Sucre.
Celui-ci peut avoir soixante toises de bauteur verticale,
tandis que le Piton tout entier en a près de
six cents ; le Pain-de-Sucre couronne le Piton de même
que celui-ci domine la masse entière de la montagne.
Seulement bien moins vaste à proportion, la plaine
qui domine le Pic n’a que deux à trois cents pas
d’étendue depuis ses bords jusqu’à la base du Pain-de-
Sucre , et elle se compose encore de débris de ponces
et d’obsidiennes ou de gros blocs de basalte.
Le Pain-de-Sucre ou Pilon offre une pente très-
escarpée; les ponces mobiles qui la recouvrent en
grande partie rendent son accès très-difficile, parce
que ces mêmes cailloux, cédant trop facilement sous
les pieds, vous permettent à peine de faire la valeur
d’un pas en avant quand vous pensez avancer de deux
et même de trois. Aussi nous fallut-il employer j)iès
de trois quarts d’heure avant de parvenir au sommet
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