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264 VOYAGE DE L ’ASTROLABE. 265
le iioiiiln e des malheureux qui seraient condamnés à
y snhir le juste châtiment de leurs fautes, on en
trouverait qui, susceptibles encore de quelques sentimens
d’honneur, poui'raient revenir à une meilleure
conduite, et par conséquent recouvrer dans leur
nouvelle patrie les droits qu’ils avaient perdus dans
l’ancienne. Les fondateurs avaient considéi’é cette teri'c
comme un asile pour le repentir, où le coupable, purifié
de ses fautes, pourrait un jour redevenir un membre
utile de la société dont il allait faire partie. Mais
l’imprudent orgueil des colons d’origine libre s’attachait
au conU-aire à les frapper d’un éternel sceau de réprobation
!.... Ln vain de longues années d’une bonne
conduite et d’une honnête indusli'ie semblaient mériter
à un infortuné, jadis atteint par les lois, un juste
retour à l’estime de ses semblables; le terrible titre
de convict lui i-eslait à jamais imposé, et sa malheureuse
postérité semblait enveloppée dans la même
proscription que lui; car ces fiers patriciens accordaient
presque autant de mépris aux enfans des émancipistes
qu’aux émancipistes eux-mémes. La conséquence naturelle
d’une telle injustice était que cette classe, ainsi
dégradée dans l’opinion publique, et ne voyant aucun
terme à sa honte, finissait peu à peu par s’y accoutumer,
et ne tentait plus aucun effort pour recouvrer
un rang dont elle était à jamais déchue. Ainsi l’on
voit aux lieux où ils sont persécutés, les juifs justifier
volontairement la réputation qu’on leur donne ; les
parias de l’Inde vivre contens dans l’état d’abjection
où les tiennent les autres castes ; et partout où l’homme
est esclave, ou le voit adopter promptement tous les
vices de sa triste condition. Il résultait encore de cette
proscription qu’un gei'me éternel de haines et de discordes
allait s’établir dans la nouvelle colonie, et ne
pourrait manquer de lui devenir un jour funeste, dès
que les émancipistes ou leurs enfans se trouveraient
assez puissans pour se venger des mépris dont ils
étaient l’objet.
Pour prévenir d’aussi tristes suites, le sage Macquarie
s’opposa de tout son pouvoir à l’ambition de la
faction dominante. 11 réprima constamment les prétentions
de ses membres durant tout le cours de son
administration. Pour parvenir plus sûrement à son
but, il défendit aux militaires d’occnper aucune propriété
territoriale ou de se mêler d’affaires de commerce
; il éleva à la dignité de magistrats plusieurs
personnes de mérite, bien qu’elles fussent sorties de
la classe des convicts ; en outre il ouvrit tous les ports
de la colonie à l’importation libre de toute espèce de
marchandises et sans aucune restriction. Le sage administrateur
alla plus loin ; il admit à sa table quelques
uns des émancipistes dont la belle conduite
et les services lui avaient paru dignes de cette marque
d’estime. 11 espérait, en donnant un pareil exemple,
encourager d’une part le repentir de ceux que la loi
avait dû frapper, sans détruire dans leur coeur tous
sentimens de vertu, et de l’autre amener à des dispositions
plus indulgentes, des hommes qui, trop fiers
d’une origine sans tache, se croyaient exclusivement
appelés aux faveurs du gouvernement.