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trente années, de me donner en peu de mots son opinion
sur ces peuples singuliers ; il eut la complaisance
de me remettre quelques jours avant mon départ
la note suivante qui terminera ce que je m’étais
proposé d’écrire à ce sujet.
« Les observations suivantes sur la conduite des
aborigènes de la Nouvelle-Galles du Sud répandront
quelques lumières sur le caractère de cette race extraordinaire
de sauvages.
» Benilong fut le premier naturel admis à la
table du feu gouverneur Pbillip ; cela eut lieu en l’année
1788, peu après la fondation de la colonie. Le
gouverneur retourna en Angleterre en 1792 et emmena
Benilong, le garda à Londres avec lui jusqu’en
1795 où le feu amiral Hunter fut nommé cbef de la
colonie. Lorsqu’il quitta l’Angleterre, Benilong l’accompagna
à la Nouvelle-Galles du Sud. Après son
retour il vivait cbez le gouverneur et dînait chaque
jour à sa table où il continua durant quelque temps
de se comporter de la manière la plus décente. A la
fin il quitta tous ses vêtemens , renonça aux manières
qu’il avait acquises et se retira dans les bois qu’il ne
quitta plus jusqu’au jour de sa mort. Je l’ai vu souvent
errant dans les forêts dans son ancien état de dégradation,
volontairement assujetti à toutes les privations
et les misères de sa tribu ; et il me parut sous tous les
rapports ce qu’il était avant que le gouverneur Phillip
s’en fût occupé, un dans toute l’étendue du
mot.
» Il y eut un autre naturel que je connus dès son
enfance, qui appartenait à la tribu de Parramatta.
Son nom anglais était Daniel ; c’était un fort beau
jeune homme. M. Caley le botaniste l’avait pris chez
lui et le garda quelques années. Quand M. Caley retourna
en Angleterre, Daniel l’accompagna et y resta
long-temps. Comme M. Caley était employé par feu
sir Joseph Banks, Daniel fut introduit dans les premières
sociétés de Londres. Enfin il revint à la Nouvelle
Galles du Sud , et la première fois que je le vis
après son retour, il était assis tout nu sur le tronc d’un
arbre dans les bois à huit milles environ au nord de
Parramatta. Je lui exprimai mon étonnement de le
voir en cet état et lui demandai pourquoi il avait quitté
ses vêtemens pour vivre dans les forêts ; il me répondit
que les bois étaient ce qu’il aimait le mieux. Peu
de temps après Daniel rencontra une jeune femme
qui était venue libre d’Angleterre, à trois milles environ
de Parramatta, comme elle retournait chez son
père ; il se permit de l’attaquer et de la violer. Il fut
arrêté et exécuté pour ce crime, et mourut comme un
sauvage, malgré tous les avantages dont il avait joui
dans l’état social de la civilisation.
» Pour montrer parfaitement le caractère de ces naturels
, je citerai encore un autre exemple. Un d’eux
nommé Mousquito vivait il y a plus de vingt ans sur
les bords de la rivière Hawkesbury où résidaient
quelques cultivateurs anglais. Mousquito était un sauvage
forcené, il commit plusieurs pillages et même des
meurtres sur les Européens de ce district. A la fin il fut