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H)8 NOTES.
clievaux; cl, le lii au matin, le commandant ct son domestique,
M. Gaimard et moi,' nous partîmes de Sainte-Croix.
Notre bagage , composé de vêtemens pour le froid, de boîtes ct
de papiers pour l’histoire naturelle, de vivres, etc., le tout
réduit au strict nécessaire, était porté par un seul cheval de bât
conduit par un homme. Deux guides chargés de nos cbevaux
de selle suivaient à pied; l’un d’eux portait un baromètre de
Bunten.
On monte jusqu’à la Laguna, jolie petite ville distante de
la mer de deux lieues',', par un chemin difficile, mal entretenu
et hérissé de grosses pierres volcaniques. On s’occupait cependant
alors à faire une chaitssée depuis Sainte-Croix jusqu’au
i’ort qui commando la route à gauche. Il faut convenir qu’on
aurait une bien fausse idée de Ténériffe , si on la jugeait par cc
qu’on en aperçoit de la rade, où tout paraît triste, aride et
stérile , où des montagnes déchiquetées et couvertes de laves
noires offrent à peine des traces de végétation. Rien n’est plus
sombre, surtout la partie droite de la rade , lorsqu’elle est enveloppée
de nuages. Cet aspect est à peu près le même jusqu’à
la Laguna. Les céréales ne viennent qu’au travers des scories.
Mais passé ce lieu , la scène change , et l’on sc croit transporté
dans les plaines les plus fertiles de la France; en effet, tout
était cultivé ct couvert de blé. Bientôt après, en côtoyant la
mer d’une lieue , plus ou moins, les vignes vinrent s’y joindre,
et nous voyageâmes au milieu de la plus belle végétation, et
jouissant à chaque instant des plus beaux aspects. Nous nous
demandions pourquoi, au milieu de tant de moyens apparens
de prospérité, tant de pauvres couverts de haillons, habitant
sous des huttes plutôt faites pour des chiens que pour des
hommes, et demandant sans cesse l’aumône, à tel point que
le salut des enfans est de vous demander un liard (quartillo).
Sur les onze heures nous nous arrêtâmes pour déjeuner à un
lieu nommé Matanza, où se trouve une auberge. Il faisait très-
chaud, et nos montures étaient terriblement tourmentées par
les mouches. C’est là que nous eûmes le déplaisir de voir que
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le baromètre venait d’être cassé par celui qui le portait. En
galopant sur le cheval de l’un de nous, 11 l’avait heurté contre
la selle. La perte de cet instrument nous fut d’autant plus sensible,
que personne u’cn avait encore porté d’aussi parfait au
sommet de la montagne, et que c’était un moyen de vérifier
l’exactilude de la hauteur qu’on lui donne, d’après les travaux
de Borda. Le commandant d’Urville voulait aussi déterminer
la hauteur à laquelle viennent certains végétaux.
Matanza tire son nom d’un ravin profond que nous traversâmes,
et dans lequel les Espagnols qui occupaient cette île
furent défaits parles Guanches. Depuis cc lieu jusqu’à l’Oro-
tava nous avons toujours vu la mer à droite , et quelquefois de
liantes montagnes à gauche ; nous montions et descendions par
des chemins très-roides et scalireux. Les cultures étaient le plus
généralement en vignes ct en ma'is ; ce qui donnait au paysage
une teinte d’un vert foncé , du milieu de laquelle ressortaient
les sommets noircis d’anciens cratères éteints. Ces particularités
se remarquaient surtout dans la plaine de l’Orolava.
Nous devions aller coucher à la ville de cc nom; mais,
comme la journée n’était pas trop avancée , nous descendîmes
visiter le port de l’Orotava. Il est peu profond, et ne reçoit
que des navires tirant peu d’eau. La mer y brise avec force.
La ville est propre et régulière. L’architecture des maisons,
quoique particulière à l’Espagne ct massive, ne laisse pas
que d’avoir un certain agrément, et rien même n’est plus élégant
que la belle verdure des bananiers que l’on aperçoit dans les
cours de quelques-unes.
Nous rendîmes visite à M. Cologan pour qui M. d’Urvllle
avait une lettre. Cette famille Cologaii a , par ses politesses
envers les voyageurs français, rendu, pour ainsi dire , son nom
classique. Celui qui existe maintenant est un jeune homme
dontles manières sont agréables : il avaltpassé plusieurs an nées
à Paris, ainsi que son épouse , et tous les deux parlaient français.
A une demi-lieue environ du port de l’Ürotava e.st le