foncé, des lèvres minces et de belles dents blanches
et régulières. Veulent-elles quelque chose, elles savent
accompagner leur demande de regards très-ca-
ressans. Quelquefois le son de leur voix est singulièrement
doux et mélodieux quand il se fait entendre
au travers de leurs bois solitaires. On voit peu de ces
naturels qui soient affectés de rhumes. Ils semblent
généralement jouir d’une bonne santé, mais on doit
déplorer que parmi les autres calamités que leur ont
apportées les colons, se trouve l’horrible maladie vénérienne;
il est à craindre qu’elle ne leur cause de
longs tourmens, vu qu’ils peuvent souffrir long-temps
sans soulagement. J’ai vu quelques-unes des pauvres
créatures attaquées par ce mal qui étaient devenues
des objets d’horreur.
» A mon avis, leurs manières ont beaucoup changé
en mieux ; ils ne prennent plus la moindre chose dans
les fermes sans permission; en effet, ils viennent
emprunter les pots d’étain, etc., dans les cuisines et
les maisons , mais les remettent toujours à leur place
en quittant l’endroit. Mon jardin contenant quelques
plantations de navets, ils sont très-friands de ces légumes;
cependant ils n’ont jamais tenté d’en prendre
sans demander auparavant la permission ; même ils demandaient
le nombre qu’ils pouvaient prendre, en levant
autant de leurs doigts.
» Il n’est permis aux femmes d’entrer dans les maisons
qu’après que les hommes ont d’abord satisfait
leur curiosité et pris ce qu’ils peuvent obtenir. Alors
les pauvres.femmes font leur humble apparition. Après
la dernière récolte, les femmes et les enfans glanèrent
dans mes champs et mangèrent tant de blé, que
cet excès de nourriture joint à l’humidité du temps les
rendit si malades, qu’ils se roulaient par lerredans leurs
souffrances; mais ils furent promptement rétablis.
» Ils aiment beaucoup les alimens chauds. Une
femme venait de recevoir un pot de lait qu’on lui disait
de boire. Oui, dit-elle, mais il faudrait d’abord
le faire bouillir’. Les femmes durant long-temps furent
irès-effrayées à la vue d’un homme à cheval, disant
qu’elles prenaient l’homme et le cheval pour un seul
animal ; maintenant elles admirent beaucoup les chevaux.
Rien ne plaît tant aux hommes et aux garçons
qu’une course à cheval ; ils aiment aussi beaucoup nos
chiens ; une femme ici, ces jours derniers , s’était
chargée de tous nos petits chiens.
»Les colons feront très-bien d’éviter toute espèce de
querelle avec les naturels et de les traiter avec douceur,
ce sera le moyen d’assurer leur propre repos.
C’est être sage que d’être humain , j ’en parle d’après
ma propre expérience. Nous n’avons jamais éprouvé
la moindre insulte de leur part ; ils viennent même
nous avertir, dès qu’ils ont vu quelqu’une de nos bêtes
égarée. Si jamais les naturels sont traités avec cruauté,
il est sûr qu’ils se vengeront sur la première victime
sans défense qu’ils rencontreront ; ils attaquent rarement
et seulement quand ils sont sûrs d’être les plus
forts. Il peut résulter un grand bien de nous maintenir
avec eux sur un pied amical, et on peut obtenir
d’eux des renseignemens précieux touchant l’inté-
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