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exprès avec un mépris affecté. Elle en agit de même
à l’égard de tous. Les autres ne firent aucune résistance
jusqu’au moment où elle arriva à Yera-Nebi,
un très-joli garçon qui se trouvait à sa gaucbe. Celui-ci,
peu jaloux des coups que ses compagnons avaient
reçus et qui avaient été suivis de sang, lutta avec
elle; s’il ne se fût pas montré très-agile, elle l’eût
tué avec sa propre lance qu’elle lui avait arrachée
des mains. Alors les hommes s’avancèrent, et fournirent
aux spectateurs plusieurs occasions d’admirer
la force et l’adresse avec laquelle ils envoyaient leurs
lances, et la rapidité du coup-d’oeil nécessaire pour
en éviter les atteintes. Le combat dura jusqu’à la nuit.
Alors l’usage de la lance ne leur parut plus loyal, et
ils combattirent avec les casse-têtes, jusqu’au moment
où ils convinrent de se quitter d’un mutuel accord.
Dans cette dernière partie du combat, plusieurs
reçurent des blessures cruelles, et de chaque côté il y
eut plus d’une tête ensanglantée. Cependant rien de
sérieux n’était arrivé, tant qu’il avait fait assez clair
pour éviter les traits des lances.
Le sang versé parmi ces sauvages entraîne toujours
une punition a sa suite ; le coupable est obligé de rester
exposé aux lances de tous ceux qui veulent le
frapper, car dans ces sortes d’exécutions les liens
du sang ou de l’amitié n’ont plus d’empire. A la mort
d’une personne, homme ou femme, vieille ou jeune,
les amis du défunt reçoivent un châtiment, comme si
sa mort avait été occasionée par leur négligence. On a
vu des exemples très-barbares de cette coutume.
Un naturel avait été assassiné. Sa veuve, obligée
de venger sa mort sur quelques-uns des parens du
meurtrier et rencontrant une petite fdle qui lui était
tant soit peu alliée, l’emmena dans un lieu retiré ;
là avec un casse-tête et une pierre acérée elle la frappa
si cruellement, qu’on fut obligé de l’emmener mourante
à la ville. L’enfant avait six ou sept incisions très-
profondes , et une oreille qui avait été coupée jusqu’à
1 os se trouvait dans un très-mauvais état, par la nature
de l’instrument dont on s’était servi. La pauvre
petite fille mourut au bout de quelques jours. Les
naturels à qui cet événement fut raconté n’y prirent
aucun intérêt, mais parurent persuadés que la chose
avait été tout-à-fait juste, nécessaire et inévitable.
On remarqua que toutes les fois que des femmes
avaient une vengeance de ce genre à exercer, elles
ne la consommaient jamais que sur des individus de
leur propre sexe , n’osant pas frapper un mâle. La
petite victime de cette barbarie était chérie dans la
vdle à cause de ses manières douces et paisibles ;
et ce qu’il y eut de plus révoltant dans l’inhumanité
de ce procédé , c’est qu’à la mort de l’homme l’enfant
avait demandé que sa veuve fût reçue et nourrie dans
la cabane de l’officier où elle demeurait elle-même. Sa
mort ne fut pas vengée, car peut-être on la considéra
comme un sacrifice expiatoire.
W atti-wal, l'homme qui commit le crime dont
cette petite innocente fut la victime, échappa sans
accident aux lances de Benilong, de Kol-bi et de plusieurs
autres naturels. Ensuite il fut reçu parmi eux