122 VOYAGE
DE L’ASTROLABE. 123
iû.
A®
1826.
Novembre.
mes instructions, contre celle de Port-Western. En
effet, je savais que l’entrée, et plus encore la sortie du
port Dalrymple, étaient difficiles et souvent dangereuses
pour un navire comme le nôtre ; on est quelquefois
obligé d’attendre un mois ou six semaines
pour appareiller ; d’ailleurs c’est un point désormais
bien connu, et nul besoin ne m’y appelait. Enfin, je
n’ignorais pas combien les recbercbes scientifiques en
tout genre se font avec moins d’assiduité et deviennent
ordinairement moins fructueuses dans les relâches
où l’on est reçu par les Européens, en raison
même des politesses qu’on reçoit, et des devoirs de
convenance auxquels on se trouve astreint. Port-
Western, au contraire, n’était encore connu que
très-incomplètement par les voyages de Baudin et de
Flinders ; il offrait pour ainsi dire un sol vierge à explorer,
et les hôtes que nous pouvions espérer d’y
rencontrer, ne devaient pas beaucoup nous distraire
de nos recherches par les agrémens de leur société.
Telles furent les raisons qui me déterminèrent à conduire
l’Astrolabe à Port-Western.
Vers trois heures après midi, un albatros chloro-
rynque a été abattu d’un coup de fusil, et, sur le désir
exprimé par les naturalistes, j ’ai envoyé la yole pour
le ramasser. C’est un fort bel oiseau de six pieds
d’envergure, et dont le plumage est d’une blancheur
éclatante au-dessous du corps. Les fous à tête fauve
commencent à se montrer, et annoncent l’approche
de la terre.
Contrarié depuis quelques jours par des vents d’E.
fort ennuyeux, je me suis décidé enfin à prolonger la
bordée jusqu’à terre, pour mieux connaître notre position,
et en même temps nous désennuyer un peu
par la vue de la côte. Nous n’avons pas tardé à être
environnés d’oiseaux de rivage, tels que fous à tête
fauve, sternes blanches à tête tachée de noir, et petits
plongeons. Vers midi de nombreux paquets Ao, Laminaria
pyrifera ont passé le long du bord, et les eaux
de la mer ont pris une teinte blanchâtre qui annonçait
le fond. Le vent soufflait à l’E. S. E.'bon frais, avec
une forte houle et un horizon très-brumeux. A midi
quarante-cinq minutes, la terre a été aperçue courant
du N. O. au N. N. E. La partie la plus au nord tenait
au mont Saint-Bernard [Freycinet), monts Schanck et
ViMsXmv [Flinders), près le cap Boufllers.
A deux heures le vent ayant beaucoup fraîchi, et
ne nous trouvant plus qu’à huit ou dix milles de terre,
j ’ai viré de bord et repris la bordée du large. Durant
l’évolution la sonde a donné trente brasses , fond de
gravier et de coquilles.
Celte portion de la côte est basse, sablonneuse, et
d’un aspect triste et monotone. Seul, au second plan,
le mont Saint-Bernard s’élève médiocrement, aplati
au sommet, avec un piton sur la droite. Le cap Montaigne
était caché par la brume, et à quatre heures
nous avions déjà perdu la terre de vue. Les deux
houles combinées de S. E. el de S. O., en se combattant
mutuellement, ont beaucoup fatigué le navire.
J’ai bien regretté que ces fâcheux vents d’E. ne
m’aient pas permis de prolonger la cote de près jus-
1826.
Novembre.