Collins vit deux exemples de cet usage dont il a pu ,
la seconde fois, nous retracer les différentes circonstances,
grâce au crayon d’une personne qui l’accompagnait.
Le 25 janvier 1795, les naturels s’assemblèrent en
grand nombre pour celte importante opération; plusieurs
jeunes gens, bien connus dans l’établissement
pour ne l’avoir jamais subie, allaient être admis au rang
d’bommes. Pemoul-Waï, habitant des forêts, et plusieurs
étrangers vinrent au rendez-voiis ; mais les principaux
acteurs dans les cérémonies n’étant point arrivés
de Kemmiraï, les nuits suivantes s’écoulèrent au milieu
des danses ; à cette occasion les sauvages s’oi-nèrent de
leurs pins beaux atours, et déployèrent certainement
une singulière variété de goûts. L ’un se peignit le milieu
du visage en blanc, excepté seulement la barbe et
les sourcils ; d’autres se distinguaient par de grands
cercles blancs autour des yeux, qui les rendaient
aussi affreux qu’on peut se l’imaginer. Ce ne fut
([ue le 2 février que la réunion fut complète. Le soir
ceux de la tribu de Kemmiraï arrivèrent, et parmi eux
ceux mêmes qui devaient exécuter l’opération. Ils
étaient peints aux couleurs de leur tribu, la plupart
pourvus de boucliers, et tous armés de casse-têtes, de
lances et de bâtons pour les jeter ou ivomeras. Le lieu
choisi pour cette représentation extraordinaire se trouvait
sur la pointede Larm-Cove, et quelques jours auparavant
on avait travaillé à le préparer convenablement
en le nettoyant d’herbes, de broussailles, de branches
d’arbre, etc., etc. Il formait un ovale de vingt-cinq
pieds de long sur seize de large, et il prit le nom de
You-Lang.
Quand l’auteur y arriva, il trouva ceux de la tribu
de Kemmiraï debout, et en armes, à l’une des extrémités
du théâtre, et à l’autre bout se trouvaient les
enfans destinés à perdre chacun une dent, avec plusieurs
de leui's amis qui les avaient accompagnés.
Alors la cérémonie commença : les hommes armés
s’avancèrent en chantant, ou plutôt en poussant un cri
propre à la circonstance, el faisant retentir leurs boucliers
et leurs lances, tandis que de leurs pieds ils faisaient
jaillir la poussière de manière à en couvrir ceux
qui les environnaient. Aunioment où ils arrivèrent près
des enfans, un des hommes armés, se détachant de la
troupe, avança de quelques pas, et, saisissant un garçon,
retourna vers ses collègues, qui le saluèrent par
un cri, montrant en même temps le dessein de recevoir
et de prol éger la victime. C’est de la même manière
que chacun des quinze enfans présens fut tour à tour
saisi et porté à l’autre extrémité du You-Lang, où ils
restèrent assis, les jambes croisées sous leurs, corps,
la tète basse et les mains jointes. Quelque pénible que
fût cette position, on assura que de toute la nuit
ils ne devaient point en bouger ni lever les yeux en
l’air, et que jusqu’à la fin de la cérémonie on ne leur
donnait aucune nourriture.
Les kerredais exécutèrent ensuite quelques-uns de
leurs rits mystérieux. Tout-à-coup l’un d’eux tomba
par terre, s’y roula en prenant toute sorte d’attitudes
forcées, comme s’il eût été tourmenté par des douleurs