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y eût efïectiveinent d’assez fortes présomptions , la
preuve la plus convaincante qu’on alléguât pour le
condamner, reposait sur un rêve fait par un des chefs.
Voilà le motif qui l’avait fait condamner à recevoir autant
de coups de lances sans avoir le droit de les
rendre ; ceux qui combattaient avec lui, tous ses amis
ou ses parens , le faisaient par point d’honneur ou
par amour-propre plutôt que par aucun sentiment de
vengeance bien positif. En effet dès qu’il eut reçu sa
blessure, le combat fut bien moins animé et dura à
peine buit à dix minutes sans aucun incident digne
d’attention. Probablement il suffisait à la tribu offensée
d’avoir répandu le sang du coupable dont les alliés ne
se soucièrent point de pousser plus loin l’affaire. Quelques
naturels parlèrent encore, des femmes gémirent,
et de nouveaux guerriers firent quelques menaces de la
lance et du womerang; mais tout cela .s’apaisa promptement;
à onze heures quarante-cinq minutes chacun
se retirait de son côté au travers des bois.
Après avoir observé encore quelque temps cette
race bizarre, M. Uniacke me fit remarquer un naturel
qui passait pour être fort habile à lancer le womerang.
Je n’avais aucune idée de cel instrument, et,
àma demande, le sauvage l’envoya quatre ou cinq fois.
Lancé d’abord horizontalement, ce projectile, qui
figure un sabre de bois courbé vers le milieu sur deux
plans divers, ne tarde pas à s’élever, en tournant de
droite à gauche, à une bauteur extraordinaire, et
bien en avant de celui qui l’envoie. J’estime à peu près
à 45“ l’angle sous lequel il s’élève lentement, et à cent
cinquante pieds au moins la distance à laquelle il
s’écarte. Après avoir décrit en pirouettant et oscillant
sans cesse cet immense intervalle, il retourne sur lui-
même en suivant une marche semblable, et revient
tomber près de l’homme qui l’a jeté : de sorte que ceux
qui se trouvent à ses côtés ne savent que faire d’abord
pour éviter le womerang; mais on ne tarde pas à saisir
la direction de sa marche, et alors il devient facile de
l’esquiver. Le sauvage en question ne manquait jamais
de le faire revenir directement à ses pieds, el il faut
pour cela une longue habitude. Boungari m’avait promis
un de ces bizarres instrumens ; au moment de mon
départ il me manqua de parole sur ce point comme sur
plusieurs autres.
Par la suite, en lisant avec attention les ouvrages
de Collins et de Barrington, j ’ai été bien surpris de
n’y pas voir seulement mentionner l’usage de ce singulier
projectile. Les noms de womerang et wo-
merra s’y trouvent bien , mais le dernier pour désigner
le bâton à jeter la lance, et l’autre simplement
une espèce de casse-tête. Serait-ce une invention nouvelle
de la part de ces sauvages, ou, ce qui paraît plus
vraisemblable, une arme particulière à quelques peuplades
éloignées de Port-Jackson, dont ces auteurs
n’auraient point eu connaissance? Du reste, la plupart
des Anglais à qui j’en parlai m’assurèrent que cet
instrument leur appartenait positivement
Ail moment de livrer cet ouvrage à l ’impression, j ’ai enfin vu mentionner
cet instrument singulier dans un excellent ouvrage, imprimé à Londres