. i .ii
h
que Balouderrai avait à sa ceinture. Duranl tous ces
préparatifs, les hommes restèrent silencieux, mais les
femmes, les jeunes gens et les enfans poussaient les
cris les plus lamentables. Le père était debout, à
l’écart, sans occupation et silencieux observateur de
ce qui se passait près du corps de son fds ; parfaite
image de la douleur profonde et sans affectation.
Quand tout fut prêt, les hommes et les jeunes gens
aidèrent tous à soulever de terre le corps avec la pirogue
et à les placer sur la tête de deux naturels. Quelques
uns des assistans portaient dans les mains des
touffes d’herbes qu’ils agitaient en avant et en arrière
au-dessus de la pirogue, tandis qu’on la levait dp
terre, comme s’ils eussent voulu exorciser quelque
malin esprit. Aussitôt qu’elle fut placée sur la tête des
porteurs, ils se mirent en marche, précédés par Benilong
et un autre homme , tous deux marchant d’un
pas précipité. Maugo-Ran, le père du mort, les suivait
armé de sa lance et du womerra, tandis que Benilong
et son compagnon ne perlaient que des touffes
d’herbes qu’ils agitaient en marchant, tantôt en se
retournant et faisant face au cadavre, et tantôt en
les secouant au travers des broussailles. Quand ils
faisaient face au corps, dont la tête était en avant, les
porteurs faisaient un mouvement avec leurs tètes d’un
côté à l’autre, comme s’ils eussent voulu éviter les regards
de ceux qui se trouvaient devant eux. Après
s’être avancé ainsi à une petite distance, le compagnon
de Benilong se détourna un peu du chemin ,
s’enfonça dans le bois, et sembla regarder avec beaucoup
d’atlcnlion, comme s’il cherchait quelque chose
qu’il ne pouvait trouver, et ne cessa d’agiter les touffes
d’herbes qu’il portait dans chaque main. Après cette
inutile recherche, tous revinrent sur leurs pas, el
marchèrent un peu plus vite qu’auparavant. En se
rapprochant du terrain où les femmes et les enfans
étaient assis avec les autres hommes, Maugo-Ran
envoya deux lances sur eux, mais évidemment dc
manière à ne pas les atteindre. Ici Benilong prit son
enfant, la petite Dilboung, dans ses bras, et la présenta
au cadavre, tandis que les porteurs chercbaienl
à éviter sa vue, comme on l’a déjà dit. Bidiai-Bldiai,
frère du défunt, petit garçon de cinq ans, fut alors
appelé; il vint avec une répugnance li'ès-visible cl
fut présenté de la même manière que l’autre enfant.
Ensuite ils s’avancèrent vers la tombe, qui avait été
préparée dans le jardin du gouverneur. On releva deux
fois le porteur qui marchait en avant ; mais Tami du
mort, Kol-bi, le porta duranl toute la route. Yellou-wai
aplanit le fond de la fosse, et y sema de Therbe ;
ensuite il s’y étendit lui-même tout de son long,
couché d’abord sur le dos, puis sur le côté droit. A
la prière de Benilong, quelques tambours s’étaient
rendus à cette cérémonie ; ils battirent deux ou trois
marches, tandis qu’on préparait la tombe. Gela lui
lit beaucoup de plaisir et parfois il montra le mort,
puis le ciel, comme s’il voulait indiquer qu’en ce moment
il se trouvait quelque rapport entre ces deux
objets. En déposant le corps dans la fosse, on eut
grand soin dc le placer de manière que le soleil dans