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l’Angleterre. On a compris que tous les naturels des
bords del’Hawkesbury ont deux femmes, et généralement
on trouve plus d’exemples de la pluralité des
femmes que delà monogamie chez ces sauvages. Jamais
on n’a observé qu’il existât dans la famille des
enfans des deux femmes. Comme on doit naturellement
s’y attendre, les deux femmes sont continuellement
jalouses, et se querellent l’une l’autre. Cependant
on a cru remarquer que la première, eu égard à
la priorité d’attachement, réclamait le droit exclusif
aux faveurs conjugales; tandis que la seconde, ou
celle du dernier choix, était réduite à devenir l’esclave
et le souffre-douleur de la famille.
Certainement la pudeur n’était point une vertu dont
l’un ni l’autre sexe se fit honneur cbez ces sauvages.
Pourtant quand les femmes se furent aperçues que les
blancs attachaient une idée de honte à se montrer à
nu, elles devinrent, au moins plusieurs d’entre elles,
extrêmement délicates et réservées à cet égard devant
les étrangers ; bien que la nudité continuât de leur être
parfaitement indifférente vis-à-vis des hommes de leur
nation.
Cependant ces êtres ne sont pas toujours étrangers
aux vrais sentimens de l’amour dans toute sa pureté,
comme le prouve l’anecdote suivante rapportée par
Barrington, qui a beaucoup connu le jeune homme
dont il est question. Ce naturel, âgé de vingt-deux
ans environ, appartenait à la tribu de Parramatta, et
avait deux soeurs, l’une de vingt ans, et l’autre seulement
de quatorze ans. ünjour qu’il revenait de chasser
le kangarou, il ne vit pas ses soeurs venir au devant
de lui comme de coutume. Imaginant qu’elles étaient
allées chercher de l’eau ou quelques vivres, sans entrer
dans sa demeure, il se décida à s’asseoir au pied
d’un arbre pour se reposer en y attendant leur retour.
Le soleil disparut, et la nuit ne tarda pas à étendre
ses voiles ; des éclairs très-vifs annoncèrent un prochain
orage ; en peu d’instans la pluie tomba par torrens
, et força le jeune homme de quitter son arbre
pour chercher un abri dans sa grotte. Mais à peine y
mettait-il les pieds qu’un éclair montra à ses yeux effrayés
le corps de sa plus jeune soeur baigné dans son
sang. Déjà troublé par le combat des élémens, à ce
spectacle sa détresse fut au comble ; à genoux près de
sa soeur il cherchait à la relever, mais elle ne pouvait
l’entendre, car elle avait perdu tout sentiment. Il courut
chercher de l’eau pour lui en frotter le visage, ce qui
la fit revenir à elle-même. « O mon cher frère! s’écria-
t-eile, notre soeur nous est ravie, et j ’ai presque été
massacrée pour m’y opposer. Le méchant, après l’avoir
frappée de son casse-tête, s’est saisi d’un de ses
bras pour l’entraîner hors de la grotte, je me suis attachée
à l’autre pour la retenir ; mais au moment que le
barbare s’en est aperçu, d’un coup de son casse-tête il
m’a jetée par terre, dans l’état où vous m’avez trouvée.
» En finissant ce récit, un torrent de larmes
inonda ses joues, et son frère ne put s’empêcher de
pleurer aussi, en même temps qu’il méditait sa vengeance
, et rêvait aux moyens de l’exécuter. Ils passèrent
la nuit dans ce iriste entretien. Dès que le soleil
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