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ainsi que les femmes, et Ton cessa de s’occuper d’eux.
Seulement la malheureuse que j’ai désignée semblait
accablée des coups qu’elle avait reçus, elle pouvait
a peine se soutenir, et fut entraînée dans les bois par
les femmes de sa tribu. On motiva cet excès de rigueur
sur un autre crime que celui qui lui était commun
avec ses complices, que Ton s’était contenté
d’effrayer et d’humilier publiquement.
La cérémonie avait commencé à dix heures, et la
punition des coupables avait duré une demi-heure
environ. Quelques minutes après, plusieurs guerriers
entrèrent en lice et furent successivement suivis par
d’autres, de sorte qu’un combat général s’engagea
d’une vingtaine d’hommes contre un égal nombre ;
du reste les lances s’envoyaient de chaque côté avec un
ordre et une précision admirables , et ce combat ressemblait
bien plutôt à un tournoi en règle qu’à un
engagement confus. Les sauvages combattaient avec
une gravité, un sang-froid et un courage vraiment
dignes d’éloges ; tous les coups étaient attendus et •
parés sans jamais reculer, tandis que des femmes
parcouraient souvent les rangs pour exciter les hommes.
J’en distinguai une entièrement nue , dont les
formes et la tournure offraient un ensemble parfait.
Llle s’avança vers un guerrier qui baissa la tête devant
elle et auquel elle asséna deux coups de casse-
lète avec beaucoup de calme et de dignité; elle
revint encore deux ou trois fois à la charge, puis
elle disparut de l’assemblée , et je ne pus m’assurer
si les traits de sa figure répondaient à la beauté de
ses formes. Tandis que les lances volaient envoyées
des deux cotés à peu près en nombre égal, je remarquai
un jeune homme des Cinq-Iles, contre lequel tous
les traits du parti opposé semblaient se concentrer, et
qui paraissait privé du droit de représailles, car il ne
put en user que deux ou trois fois. Bidgi-Bidgi, chef
de Kissing-Point, semblait particulièrement acharné
contre lui, et provoquait ses guerriers à la vengeance.
Comme les deux partis changeaient à chaque instant
de position, et par conséquent les lances de direction,
pour éviter leurs atteintes les spectateurs étaient souvent
obligés de manoeuvrer avec souplesse, et pour
cela personne ne se faisait prier. La force avec laquelle
ces lances pénétraient les boucliers nous faisait
juger qu’il y aurait eu plus que de l’imprudence à risquer
d’êlre frappé. D’ailleurs les combattans ne faisaient
pas la moindre attention aux Européens qui les
environnaient ; les chefs seuls des tribus inactives
avaient quelquefois l’attention de nous avertir et de
nous engager à nous tenir sur nos gardes. Depuis
quinze à vingt minutes, ce combat durait sans incident
remarquable ; je me décidai à faire seul le tour du
champ de bataille et à visiter les groupes de femmes
et d’enfans épars dans les bois d’alentour. J’examinai
quelque temps leurs figures désagréables , leurs nez
aplatis, leurs belles dents, leurs yeux sauvages ,
leurs formes rarement gracieuses dans les jeunes
femmes, toujours affreuses dans celles qui avaient
nourri, leurs enfans alertes et vigoureux et leurs
nombreux chiens. Dans un bois à l’écart, je trouvai
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