■ i I
G
de ma tournure. Notre chef leur parla ensuite assez
long-temps, leur demandant évidemment de ne pas
me faire de mal, ce qu’ils s’empressèrent aussitôt de
promettre par leurs signes. Puis on me remit encore à
la femme du chef, qui me ramena à l’endroit où l’on
m’avait laiss’é la première fois avec elle. De là cependant
je pus avoir une vue complète du cercle autour
duquel la foule était assemblée.
» Il me parut (jue, tandis que je me trouvais avec les
chefs, un autre combat s’était engagé ; car je vis un
homme emporté par ses amis, qui appartenait à la
tribu que j’avais suivie; le sang coulait en abondance
de son côté, oèi il venait de recevoir un coup de
lance. Il fut apporté à l’endroit où je me trouvais et
placé sur les genoux de deux hommes, avec quelques
peaux de kangarous étendues sur lui. Les hommes,
les femmes et les enfans criaient et se lamentaient à la
manière du bas peuple d’Irlande. De temps en temps,
on le lavait copieusement avec de l’eau ; mais la blessure
était évidemment mortelle, aussi en moins d’une
heure il expira.
» La femme du chef m’emmena alors à une petite
distance du cadavre ; le reste de la tribu se mit tout de
suite à le dépouiller ; mais à la distance où j ’étais, je ne
pus voir de quelle manière ils s’y prirent. En même
temps, deux autres hommes venaient d’entrer dans
l’arène pour combattre. ( Ici je ne dois pas négliger
de remarquer qu’avant chaque combat on observait
toujours la même pratique qu’a décrite Pamphlet dans
celui dont il fut témoin. ) Le troisième combat allait
commencer, tandis que les nôtres s’occupaient à dépouiller
leur compagnon décédé, lorsqu’un épouvantable
cri annonça qu’un incident imprévu venait
d’avoir lieu dans l’arène. Ln effet, ainsi que je l’appris
plus tard, les spectateurs s’aperçurent qu’une perfidie
avait eu lieu entre les deux champions , mais je
ne pus jamais me faire expliquer en quoi elle avait
consisté.
» Sur-le-champ l’assemblée quitta l’arène, et notre
troupe, suivie de ceux qui avaient pris son parti, se
forma sur une seule ligne, tandis que de leur part
les adversaires en firent autant sur le côté opposé.
Le combat devint alors général ; plusieurs ensemble
de chaque parti s’avançaient, e t, après avoir envoyé
leurs lances, se retiraient dans leurs rangs, ainsi que
le pratiquent les soldats de l’infanterie légère. D’autres
couraient derrière des arbres et épiaient le moment
d’envoyer leurs lances d’une manière plus sûre.
De cette façon, le combat dura plus de deux heures ;
pendant ce temps plusieurs combattans rentrèrent
dans leurs rangs grièvement blessés, et un autre
homme de notre parti fut tué ; mais je n’eus aucun
moyen de m’assurer combien l’ennemi avait eu de
morts. Les nôtres commencèrent à plier ; ce mouvement
ayant été observé par les femmes et les enfans
avec lesquels je me trouvais, ils me firent signe de
les suivre et décampèrent aussitôt, à l’exception de
ceux qui étaient occupés à dépouiller le corps mort.
Ne pouvant pas courir aussi vite que les autres, je
tombai bientôt au milieu de ceux du parti ennemi,
TOME 1 . 3 4