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tiraient point les serviteurs libres, leurs compagnons
de travail, en convicts, mais qu’au contraire ceux-ci
feraient des autres de bons serviteurs. Les malfaiteurs,
isolés et forcés à la réflexion, étaient soumis à l’influence
d’un exemple bien puissant en pareil cas ; au
lieu d’apprendre aux autres à blasphémer, ils rougissaient
bientôt eux-mêmes de le faire. Introduits dans
la salle des prières chaque matin au chant du coq, les
moeurs simples des puritains gagnaient leur conscience
endurcie. C’est pourquoi, il y a une centaine d’années,
on savait très-bien que c’était un excellent système
d’envoyer des convicts dans un pays où l’agriculture
avait pris un grand développement, où le travail de la
terre réclamait un si grand nombre de bras, qu’il était
de l’intérêt même du cultivateur de bien les traiter ;
où les habitudes vertueuses étaient si profondément
enracinées, que des individus isolés se trouvaient insensiblement
obligés de se ployer aux moeurs et aux
coutumes de la masse. Tout cela était connu en Angleterre
, par exemple, par lord North et ses contemporains;
connu en Amérique par les vice-rois, les
gouverneurs et leurs contemporains Washington et
Francklin.
» Quand l’Amérique eut conquis son indépendance,
le gouvernement anglais ne sut plus où envoyer ceux
de ses criminels qui se trouvaient condamnés à la déportation.
A la fin, comme une espèce d’enfant perdu,
d’aventure romanesque, d’expérience morale et philantropique
, on résolut en dernier ressort de les débarquer
sur les riantes prairies que sir Joseph Banks
avait décrites comme environnant une grande baie sur
la côte deNew-South-Wales, qui fut ensuite désignée
sous le nom de Botany-Bay, tant par compliment envers
sir Joseph , qu’à cause des nombreuses plantes
et des fleurs rares et nouvelles découvertes dans son
voisinage. Ce nom élégant, comme tous ceux que l’on
voit prostituer à de vils emplois, devint bientôt un
terme de mépris et de dérision. Botany-Bay, dureste,
fit bientôt place à Port-Jackson comme établissement
pénal, et ce fut dans l'anse de Sydney que la première
flotte des criminels anglais vint jeter l’ancre. Ce fut,
dit-on communément, sur le lieu même où vient de
bâtir Robert Johnson, dans George-Street, que son
père le colonel Johnson, alors officier dans les troupes
de marine, a posé le premier le pied d’un Anglais, et
hissé le pavillon de la Grande-Bretagne.
» Depuis cette époque, c’est sur le sol de la Nouvelle
Galles du Sud que l’Angleterre et l’Irlande débarquent
chaque année leur population criminelle.
Cependant les Washington, les North , les Fox et les
Pitt étaient tous morts, et avec eux probablement fut
perdue la connaissance ou au moins le souvenir qu’une
contrée nouvelle, mais étendue, est la plus favorable
pour recevoir, domicilier et réformer des convicts
employés à la culture des terres, et qu’il est dans la
nature même des choses qu’un établissement purement
pénal soit une expérience très-hasardeuse, et
que la nécessité seule peut justifier. Ce qui nous fait
croire qu’on oublia peu à peu les avantages de transporter
les convicts dans une contrée libre et agricole.
w.