CIIAPiTRf: II.
SEJOUR SUR I.A RADE DE GIBRALTAR ET TRAVERSEE JUSQu ’a TÉNÉRIFFE.
I Sa6.
21 mai.
Dégoûté des inutiles tentatives que j’avais faites
jusqu’alors, et réfléchissant aux dangers gratuits que
j’encourais en tenant plus long-temps la mer, je me
décidai à relâcher et laisser tomber l’ancre au mouillage
de Carnero (Sandy-Bay des Anglais) par vingt
brasses, fond de sable et gravier.
Accompagné de la plupart des officiers, le jour
suivant je traversai la rade et me rendis à Gibraltar
oùM. Sylvestre de Sacy, notre consul, et fils du savant
membre de l’Académie, nous fit l’accueil le plus
honnête et m’offrit tous ses services. Nous obtînmes
sur-le-champ du major de la place la permission de
visiter en détail les fortifications de ce rocher fameux.
G est un travail digne des Romains ou mieux encore
des Cyclopes de la Fable ; il semble qu’en cette occasion
l’orgueil anglais se soit plu à faire parade de tout
son pouvoir, à prouver aux nations de l’Europe qu’aucune
force humaine ne pourrait jamais le chasser d’un
point aussi important. En effet, ce serait une entreprise
cbimériqiie que de vouloir réduire par la force
ce rocher inaccessible, percé dans toute son étendue
de casemates, de magasins et de batteries , et défendu
par plus de six cents canons de gros calibre. La
lùmine, la trahison ou la nécessité des traités pourront
seules un jour remettre Gibraltar aux mains de ses
maîtres légitimes et naturels.
Une race de singes, la même que celle qui habile
la côte d’Afrique, vit sur les flancs de ce rocher
escai'pé des fruits du Chamoerops humilis et des jeunes
pousses du laitron ; les autorités locales protègent sa
conservation. La végétation a beaucoup de rapport
avec celle du Levant, et surtout avec celle de l’île de
Malte. On nous fit voir la grotte de Saint-Michel,
remarquable par ses énormes stalactites et ses beaux
effets de cristallisation variés sous toutes les formes.
De larges crevasses sillonnent ses flancs et doivent
s’enfoncer à de grandes profondeurs, comme l’atteste
le bruit prolongé des cailloux qu’on lance dans leurs
cavités.
Nous rentrâmes dans la ville par les jardins qui
l’accompagnent vers le sud. Délicieux et parfaitement
tenus, comme tout ce qui appartient aux Anglais
, ils forment une promenade charmante et reposent
bien agréablement la vue fatiguée de l’aspect
sauvage et dénudé du mont qui les domine.
Gibraltar compte une population de 20,000 ames ,
mélangée d’Anglais , Espagnols , Génois et Juifs ;
ceux-ci, dit-on, forment à eux seuls le quart de ce
1826.
Mai.
iW'l
h h
Pl. r.
;
i t ' ■ ! !