10 VOYAGE DE L’ASTROLABE. II
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1820.
2 2 avril.
L’ancre est levée, et la corvette est déjà sous voiles,
quand la brise d’E. S. E., jusqu’alors maniable, fraî-
cbit, et bientôt soulève une mer assez dure qui nous
empècbe de virer vent devant, au moment où nous
arrivons devant le creux Saint-Georges, au seul endroit
où la rade de Toulon offre quelques roches.
Menacé de tomber à la côte, je fis mouiller rapidement
l’ancre du bossoir en carguant toutes les voiles.
Bientôt le coup de vent fut déclaré et souffla durant
trente heures avec une grande violence. Du reste ce
retard fut heureux, car ies quatre nouveaux tbcrmo-
métrograpbes envoyés de Paris arrivèrent dans la
journée du 24, et par là l’expédition ne se vit point
obligée de renoncer à des expériences curieuses qui
attiraient l’attention des physiciens, et dont elle devait
être la première à rapporter une suite aussi complète.
De bonne heure , le 25, on releva l’ancre ; comme
il faisait calme plat, les canots du port joints à nos
petites embarcations nous traînèrent lentement vers
l’entrée de la rade. A neuf heures il vint une petite
brise d’O. S. O., qui nous permit de faire voiles, et
qui ne larda pas à devenir très-fraîche. A six heures
du soir il venta grand frais, la mer devint très-grosse,
et il nous fallut mettre à la cape sous la misaine et le
grand hunier au bas ris. Dans la nuit le coup de
vent fut furieux; les raffales, devenues très-violentes,
se succédèrent presque sans relâche, et la houle
devint très-làtigante. Avec un navire dont l’armement
s’était fait à la hâte et surchargé d’un si grand
nombre d’objets étrangers aux navigations vulgaires
, un assaut aussi brusque pouvait nous surprendre
désagréablement et nous causer quelque avarie
majeure. Mais tout avait été prévu; les manoeuvres
nécessaires se firent avec calme et à propos ; en un
mot, on eût dit que nous étions depuis six mois à la
mer. L’équipage même déploya une activité remarquable,
et qui me donna d’heureuses espérances
pour l’avenir. Aussi quand le surlendemain, le vent
étant devenu plus modéré, nous eûmes la possibilité
d’augmenter de voiles, nous n’eûmes aucun dommage
à réparer, et l’on n’aurait pu s’imaginer que nous
venions d’être secoués par une bourasque aussi impétueuse.
Ce même jour, à trois heures après midi, il fit calme
plat; j’en profitai pour faire la première expérience
de température à profondeur. Le thermométrographe
n° 9 de Bunten fut descendu à trois cents brasses et
y resta un quart-d’heure ; retiré du cylindre en cuivre
où l’eau n’avait nullement pénétré, l’index ne donna
qu’un degré de moins que la température de la surface
qui avait été de 13", 8 . Cet essai me fil juger quels
soins minutieux et quelles précautions il me faudrait
apporter dans ces expériences, afin de prévenir autant
que possible toutes les sources d’erreurs, surtout
éviter la rupture de ces fragiles instrumens.
Nous eûmes le 27 et le 28 les terres de Minorque
en vue dans l’O. N. O ., à une grande distance,
cl nous finies peu de route. IMM. Quoy et Gaimard
commencèrent leurs récoltes de zoologie, et glanèreni
à la surface des ondes ces mollusques bizarres que
1826.
Avril.
26.
28.