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jardin botanique, belle demeure où se trouvent d’agréables
ombrages qui, il faut le dire, manquent à Ténériffe où l’on
paraît avoir sacrifié l’agréable à ce qui est productif. Ce lieu,
maintenant négligé par les circonstances malheureuses dans
lesquelles se trouve l’Espagne, fut créé, au milieu d’une plaine
dépourvue d’eau et d’arbres, par un riche habitant qui, depuis,
le céda au gouvernement. Il paraît contenir encore un assez
grand nombre d’arbres et d’arbrisseaux étrangers au sol des Canaries.
Nous J trouvâmes, par hasard, M. Berthelot, Français habitant
la ville de l’Orotava (qu’il ne faut pas confondre avec
le port du même nom), ct auquel le consul nous avait recommandés.
Dans une ville où nous ne connaissions personne, où
l’on ne trouve point d’auberge , M. Berthelot nous fut du plus
grand secours, non-seulement en nous offrant sa maison, mais
encore en nous procurant un guide ct en nous donnant tous
les renseignemens convenables pour aller au Pic : car ce n’est,
à proprement parler, que de l’Orotava que commence l’ascension.
Sans lui nous nous fussions trouvés fort embarrassés et
à la merci de nos conducteurs. Ceux que nous avions pris à
Sainte-Croix ne connaissaient point le chemin de la montagne ;
il fallut s’en adjoindre un autre, et de plus un cheval chargé
d’eau, et son conducteur, parce que l’on n’cn trouve point
dans l’endroit où l’on couche. Il faut aussi que toute la troupe,
hommes et animaux, aient des vivres pour deux jours. Autrement,
je le répète, on peut manquer son voyage. On vient
déjà de voir que nous nous étions presque aventurés jusqu’à
rOrotava, croyant y trouver à coucher et des guides. Le
mieux est, lorsqu’on a du temps, de s’assurer de ces choses
avant de partir de Sainte-Croix.
M. Berthelot est créateur et directeur d’un lycée dont l’enseignement
est modelé sur ceux de France. Malheureusement
pour les Canaries, on parlait de le faire fermer. Entre autres
professeurs, il s’était adjoint, pour les mathématiques, M. An-
bert. Français depuis long-temps fixé en Espagne, et que les
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troubles de la Péninsule avaient forcé de venir à Ténériffe.
Tous deux cultivaient les sciences avec succès, ct joignaient
celles d’agrément aux plus immédiatement utiles. C’est ainsi
qu’ils sont très-bien versés dans la botanique, surtout celle du
pays. M. Aubert écrit même sur la physiologie végétale, ct
M. Berthelot adresse de temps en temps des Mémoires aux sociétés
savantes. Je me souvenais parfaitement d’avoir vu de lui,
dans le journal de M. de Férussac , la description d’une nouvelle
espèce de violette qui ne croît que sur les flancs et au
sommet du Pic, et qu’il nomme V io la teydensis. Les momens
que nous avons passés dans la société de ces messieurs ont été
courts, mais nous pouvons dire très-agréables.
La ville d’Orotava est grande, les rues sont larges, bien
pavées, mais fatigantes par la rapidité de leur pente; quelques
maisons sont belles. Celle de notre hôte, vaste et propre
à un établissement public , contient précisément, dans son
jardin , le fameux dragonnier, antiquité végétale à laquelle
les amateurs vont rendre visite, et qui, depuis la conquête des
Canaries, n’avait varié ni en hauteur ni en épaisseur. Mais
dans ces derniers temps un coup de vent avait abattu sa tête
respectable. Le reste était entretenu avec beaucoup de soin.
Sa circonférence est de quarante-huit pieds; la bauteur de
sa tige, jusqu’à la naissance des branches, de vingt-deux.
Le lendemain matin à huit beures, notre petit équipage,
composé de neuf personnes et sept cbevaux, quitta la ville.
Partout nous étions pris pour des Anglais : ce qui indique que
ce sont eux qui font le plus souvent de ces courses. Nous commençâmes
à monter par les chemins les plus scabreux que j aie
vus de ma vie. Mais telle était la bonté de nos cbevaux que pas
un ne broncha, soit en allant, soit en revenant, sur ces pavés
basaltiques qui étaient parfois très-glissans. Peu habitués à des
pentes aussi rapides, nous descendions et nous voyions alors
ces animaux galoper dans des sentiers en vraie forme d’escalier.
Ceux de nos guides qui étaient montés ne descendaient jamais,
et allaient presque toujours le trot. Les cbevaux de ces îles
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