goût du crayon, je vois un autre avantage
bien plus précieux, c’eft que ces Portraits
fourniront d’excellens modèles à
deflîner. Je fais que les phifionomies n’annoncent
pas toujours la fagacité des hommes
: cependant il eft probable que la tête
des grands Génies étant organifée différemment
que celle des autres hommes ,
elle ait un caractère qui lui foit propre, 6c
où labeauté de leur ame foit comme empreinte.
Que fera-ce encore, fi cette Gravure
a été faite d’après de bons deffeins,
tels que ceux qui repréfentent les Méta-
phyficiens modernes ? (b ) Je les dois. Moniteur
, aux plus grands Peintres de l’Académie
Royale de Peinture. On lira leur
nom à la fin de chaque Eftampe, 6c c’en
fera aftez pour rendre ces Eftampes recommandables.
A l’égard du tribut que ces Peintres ont
acquis par là à la reconnoiftance publique,
il faut laiffer aux Savans , aux Amateurs
de la Philofophie 6c des beaux Arts , le
foin de le leur payer. Ma voix eft trop
foible pour les remercier dignement. Ils
font afl'urément au-deflus de mes éloges ;
& jefens là-deflus plus qu’il ne m’eft pof-
fible d’exprimer.
Voilà, Moniteur, ce que je puis dire actuellement
fur l’utilité duDeftein,&fur celle
des Portraits desPhilofophes dont vous
écrivez l’Hiftoire. Vous trouverez peut-
être ceci très-foible 8c de peu de valeur ;
mais ne faites attention qu’au zèle qui l’a
di<üfé,& penfezque ce n’eft point l’ouvrage
d’un homme de Lettres. C’en feroit bien
aftez pour moi de contribuer par mon burin
à la perfection du Deftein & des Arts
qui en dépendent. Ç’a toujours été auffi là
l’objet de mes voeux 6c de mes travaux.
Vous avez été témoin plufieurs fois de
mes recherches. Soyez le confident des
fôtisfaélions qu’elles m’ont procurées, par
la découverte de la Gravure dans le goût
du crayon.
En 1740 je formai le projet d’un Livre
à deftiner, & je compris que pour réuf-
ftr il falloit trouver une façon de graver
qui imitât le crayon. J’en fis un eflai, dont
on peut voir les Eftampes à laBibliotèque
du Roi. Cet eflai ne me fatisfit point aftez
pour que je continuafte. Je méditai, 6c je
fis de nouvelles expériences ; 6c peu content
de mes fuccès , j’attendis du temps
6c de mes réflexions de plus grandes lumières.
Ce ne fut qu’en 175" 3 que je me
hafardai à faire un nouvel eflai d’après les
Deflèins d’un Profefleur de Paris. J’en
fis voir des épreuves à plufieurs perfonnes ;
mais je ne les diftribuai point au Public.
On m’engagea à perfectionner cette invention
; 6c encouragé par ces follicita-
tions, je parvins en 17y 6 à imiter aftez
bien le crayon; de forte qu’en 17^7 j’eus
fix feuilles, que je crus pouvoir préfen-
ter à Monfieur le Marquis de M a r i g n i ,
Directeur 6c Ordonnateur Général des
Bâtimens du Roi 6c des Académies. J’en
donnai auflî à l’Académie Royale de Peinture
, qui en parut fort fatisfaite. Monfieur
le Marquis fut inftruit de cet accueil qu’elle
avoit fait à mon travail ; 6c attentif comme
il eft à favorifer les découvertes utiles,
& à récompenfer ceux qui les font ,*il obtint
du Roi une penfion, dont il me fit délivrer
le brevet. Ce généreux Protecteur
des Arts ne fe borna pas là. En 175*8 il
me donna le titre de Graveur des Defleins
du Cabinet du Roi. Cette nouvelle faveur
me fut accordée à l’occafion du rapport
que l’Académie Royale de Peinture
avoit fait de ma découverte, dont voici la
teneur.
Extrait des Regijlres de /’Académie
Royale de Peinture & de Sculpture.
Du Samedi 16 Novembre 1757*
Le peur F rançoi s, Graveur ai
Taille-douce , a fait préfenter à VAJfem-
(£) Quelque recherche qu’on ait faite pour avoir !e
portrait de tous les Metaphylïciens modernes , on n’a
pu découvrir ceux à’-Abbadie 8c de Clarke. Pour y fujj-
pléer , j'ai gravé deux fujets allégoriques , qui repre-
fentent le génie de l’un & de l’autre , en attendant
qu'on puiiîe être mieux inftruit fut cet article. A cet
égard , je prie les perfonnes qui pourroient en avoir
des nouvelles , de m’en donner avis , 8c de m’informer
fi les portraits.dont ils auront connoiflancc ont ete
peints d’après nature. C’eft une attention que j’ai eue
dans la gravure des autres portraits' que je public*
blée des EJlampes qu il a gravées dans une
manière non ujitée jufqu’à préfent, qui imite
le maniement large du crayon. U Académie a
fort approuvé ce genre de Gravure, comme
très-propre à perpétuer les Deffeins des bons
Maîtres 3 & à multiplier les exemples des
plus belles manières de dejjîner. Les morceaux
que leJieur François a exécutés dans
cette manière, ayant pareillement été approuvés
par la Compagnie, elle a chargé le Secrétaire
de lui délivrer un Extrait de la préfente
Délibération.
Je fouffigné Secrétaire perpétuel de V Académie
Royale de Peinture & de Sculpture,
certifie le préfent Extrait véritable G’ conforme
à VOriginal. A Paris ce 26 Novembre
175*7. Signé C O C H I N .
Vous qui connoiftez , Monfieur, mon
zèle pour le progrès des Arts, 6c mon de-
fir de bien mériter des humains , vous
comprenez que de pareilles fatisfaélions
dévoient m’enflammer davantage. Auftï je
redoublai d’ardeur, 6c j’imaginai de graver
lesDefleins lavés 6c ceux au crayon noir 6c
blanc fur papier gris ou bleu Je me fuis contenté
de faire voir jufqu’ici mes premiers
efîàis, en attendant la perfedion de ces
idées. J’efpère allier cette dernière manière
de graver avec celle qui imite le
crayon rouge , en réunifiant la Planche
du crayon rouge avec celle du crayon
noir & blanc, afin de donner au Public des
Planches qui imitent les trois crayons.
Voilà , Monfieur , Phiftoire abrégée
de mes travaux. Puiflai-je la rendre plus
confidérable par la fuite , & gagner ainfi
la bienveillance des perfonnes éclairées
qui aiment les Arts, 6c ceux qui les cultivent
!
J e fuis, 6c c .
Catalogue des EJlampes nouvelles qui fe trouvent
chez, F r a n ç o i s , Graveur, à Paris , rue Saint
Jacques, à la Vieille Pojle.
T Rois Volumes in - fo lio repréfentant les Châteaux que le Roi de Pologne occupe
en Lorraine.
Un Volume in -q u a r to des antiques du “Cabinet de M. A d a m .
Un Volume in - fo l io repréfentant le Palais d’Apollon.
Les quatre principales a&ions militaires , en quatre Planches.
Huit Payfages de moyenne grandeur.
Vingt différens cahiers de figures, d’ornemens 6c de fleurs.
Vingt-cinq petits morceaux de choix, pour faire des Tableaux.
Quelques morceaux propres pour l’Optique.
Les Portraits de l’Archiduc d’Autriche, du Prince Charles de Lorraine, 6c de
M. le Comte de Saint Florentin.
Cours de Deftein compofé de pieds, de mains, de Figures entières , de Squelettes
& autres, deux Volumes in - q u a r t o .
S u i t e d u m êm e O u v r a g e .
Les Portraits 8c l’Hiftoire des Philofophes modernes, in -q u a r to 6c in -d o u^ e , Pre-j
nner Volume contenant les Métaphyficiens.