vacité celle de fon dpoufe qu’il avoit
faite quelque temps auparavant. Ses amis
craignant que feul livré à fa douleur oc a
fes réflexions, il ne tombât dans quelque
fàcheufe maladie , employèrent tout le
crédit que fon amitié pour eux leur don-
noit, pour le déterminer à prendre une
nouvelle compagne. Ils y parvinrent • oc
C ollins fe remaria en 1724. avec la
fille du Chevalier Wothesley, Baronnet.
Il auroit été à fouhaiter que ce, nouvel
e n g a g em e n t . e û t d é fo rm a is d iftra it n o tr e
Philofophe de l’étude , ou que des emplois
conformes à fon état eulfentablo-
lument difpofé de fon temps,; le refte de
là vie aurait été plus tranquille , & nous
n’aurions pas à gémir de fes écarts. Mais
un Prêtre lui ayant par malheur rappelle
fa difpute fur l’autorité de l’Eglife Anglicane,
il voulut mettre fon fentimentla-
delfus dans un plus grand jour. A cette
fin , il publiaun EJJai Hiftoriq u e &- C r i t iq u e
fur les trente-neuf articles de l’EgUJe Jj në£ '
cane. C’eft une réponfe à Y Apologie de 11-
glife Anglicane, & à YEJfaifurles trente-
neuf articles , par le Dofteur Bennet. Et
comme cet Ouvrage l’engagea dans 1 étude
de l’Hiftoire Eccléfiaftique, il voulut
examiner les fondemens de la Religion
Chrétienne : examen qui, avec les dilpo-
fitions où il était,ne pouvoit queluietre
nuifible. Auffi donna-t-il entièrement dans
l’erreur. Son intention étoit d’abord de
feire voir que le Chriftianifme eft fonde
fur le Judaïfme ; c’eft-à-dire, que le nouveau
Teftament eft fondé fur l’ancien ; que
les preuves les plus convaincantes en faveur
de la Religion Chrétienne, font tirées
de l’accompliftement des Prophéties;
que fi ces preuves font folides , la Religion
Chrétienne eft invinciblement établie
: & que fi elles ne le font pas , cette
Religion eft fauffe. Or il crut que ces
preuves étoient typiques & allégoriques.
Ce fut en accumulant les fophifmes qu il
tâcha de fe le perfuader. Il voulut auffi le
faire croire au Public ; & pour cela il mit
au jour un Difiours fur les fondemens & les
raifons de la Religion Chrétienne, &c. qui
lui fit un tort confidérable. On l’attaqua
de toutes'parts. M. Wifthon fut un des
principaux adverfaires. Quoique ce Dif-t
cours foit extrêmement fubtil & captieux,
M. Wifthon y démêla fort bien les fuppo-
fitions ou les propofitions affirmatives ,
qui ne font foutenues d’aucune preuve
réelle & authentique. Il en fit une lifte, &
par-là il mit en évidence la foibleffe des
argumens de C o l l i n s . Non content d attaquer
l’Ouvrage, M. Wifthon en vient à
des perfonnalités ; ôc il faut avouer qu’il
eût beaucoup mieux fait de les fupprimer.
C’eft un fort mauvais moyen que celui
des injures pour faire revenir quelqu’un
de l’erreur. La vérité, & fur-tout celle du
Chriftianifme , doit être annoncée avec
fimplicité. On eft affez perfuadé qu’un
homme qui fe fâche a tort ; ôc dans une
caufe auffi excellente que celle que M.
Wifthon foutenoit, le ton de la modératiQn
étoit le feul qu’il y avoit à prendre. Auffi
un Journalifte Anglois * en rendant compte
de l’Ouvrage de M. Wifthon, remarque
» que fes expreffions font un peu coleri-
» ques, & que fon antagonifte pourra bien
» être charmé de fes emportemens, & y
» trouver quelque motif fecret de triom-
*> phe cr. Il paroît certain que cela fit un
peu tort à l’Ouvrage, & que ce futlàune
des raifons qui rendirent inutiles les démarches
qu’il fit auprès du Chancelier,
pour obtenir la révocation delaCommif-
fion de Juge de Paix qu’avoit C o l l i n s ,
& dont il croyoit qu’il s’etoit rendu indigne
par fon Difcours.
Notre Philofophe eut un adverfaire
moins célèbre que M. Wifthon, mais plus
modéré que lui : ce fut M. Greene , qui
combattit fon Ouvrage avec des raifons
d’autant plus viétorieufes, qu’elles etoient
tout à la fois polies ôc folides. C o l l i n s
en fentit toute la force, ôc pour fa défenfe
il publiaun Ecrit intitulé : Lettre de VAuteur
du Difcours des fondemens & C-V°urfcr~
vir de réponfe aux Lettres de Ai. Greene. Il
travailla enfuite à fortifier fon Ouvrage
* M. Armani dt lu Chapelle. Bibliothèque Angloife , Tom. X I , Pa«. 1 , pag. , & c*
par de nouvelles preuves ; Ôc il mit au jour
à cette fin un Livre intitulé : Syftême fur
le fens littéral des Oracles, examiné par rapport
à la difpute agitée à l’occafion d’un Livre
publié depuis peu fous ce titre : Difcours
fur les fondemens , &c. Dans ce Syftême ,
Uprès s’être défendu autant qu’il lui eft
poffible, il finit par ces termes remarquables
: » Le véritable ôc unique fyftême fe-
» Ion lequel le monde doit ôc veut être
» conduit, fe réduit à deux chofes. i°. A-
30 établir une liberté de croire Ôc de prati-
3» quer tout ce qu’on voudrait, ôc qui ne
» ferait pas préjudiciable à la paix & au
» bonheur de la fociété. Par- là les hom-
3t> mes auroient le droit de fuivre leur
» confcience qui releve de Dieu feul.
a? 2°. A ce que la loi naturelle feule, dont
» l’obfervation eft abfolument néceiïaire
» à la fociété, & tout ce qui peut être
» fondé fur elle, fût appuyé par les fanc-
» tions civiles des Magiftrats ; puifque
* cette loi ne ferpit jamais mieux enten-
M due, mieux établie Ôc mieux pratiquée,
» que lorfqu’ii n’y auroit des peines éta-
oo blies que contre l’infraétion feule qu’on
a? y ferait, & qu’on mettrait un frein à la
» fureur ôc au zèle des hommes fur d’au-
» très fujets à l’égard defquels leur de-
» voir eft entièrement perfonnel, ôc con-
» fifte à s’inftruire le mieux qu’il leur eft
a» poffible ; à acquiefcer aux opinions à
» proportion du degré d’évidence qu’ils
» ont de leur vérité ; & à pratiquer les cho-
30 fes ( indifférentes) qu’ils font convaincus
a» qu’il eft de leur devoir d’obferver , laif-
3o fant de la même manière aux autres la
» liberté de fe conduire à leur gré. Oh î
» quelle piété, quel refpeft pour Dieu ,
» ( qui confifte en ce que chacun le ferve
*> fuivant les mouvemens de fa confcience )
3o quelle vertu , quel ordre, quelle paix
3o ne verroit-on pas régner dans le mon-
3o de, fi les hommes n’avoient en vue que
a» la piété , la vertu, l’ordre & la paix,
s» & qu’ils ne fiffent cas de tout le refte ,
10 que comme des moyens par rapport à
a» la fin ! (a )
Des propofitions fi hardies ; quelque
philofophiques qu’elles fbient , ne pou-
voient manquer d’être eenfurées, d’autant
mieux qu’elles tenoient au fond du fyftême
entièrement repréhenfible. Auffi fout l’Ouvrage
le fut-il très - vigoureufement par
une foule d’Auteurs , & entr’autres par
M . Wifthon, zélé adverfaire de C o l l i n s
( b ) . Ce ne fut pas fans chagrin que notre
Philofophe vit fondre fur lui cet orage. Il
étoit fujet depuis quelques années à des
accès de gravelle* Ses douleurs provoquées
apparemment par les violences
qu’il fe fit dans cette occafion , fe firent
fentir avec plus de vivacité, ôc il fuccom-
ba le 13 Décembre 172p. Avant que d’expirer,
il déclara, qu 'ayant toujours travaillé
le mieux qu’il lui avoit été poffible à fervir
Dieu, fon Roi & fa Patrie, il étoit perfuadé
qu’ il alloit dans le féjour defliné à ceux qui
laiment» Il ajouta: La Religion Catholique
confifte à aimer Dieu fon Prochain ; Ôc il
exhorta ceux qui étoient autour de lui, à
ne jamais perdre ces principes de vue. Il
fut enterré dans la Chapelle qui porte le
titre d’Oxford, où fa femme lui fit ériger
un monument avec une épitaphe.
Quoique C ollins eût beaucoup
d’ennemis, on le regreta prefque univer-
fellement. Les Gens de Lettres perdirent
en lui un bienfaiteur ôc un véritable ami 3
les pauvres, un père qui les foulageoit autant
qu’il le pouvoit; & tous ceux qui con-
noifloient les qualités de fon coeur, répan-•
dirent des larmes fur fa tombe. Sa Bibliothèque
étoit ouverte à tous les Savans. Il
fe faifoit un plaifir de communiquer toutes
les lumières & tous les fecours qui dépendaient
de lui. Cette bonté d’ame s’é-
tendoit même fur ceux qui écrivoient contre
fes Ouvrages : il étoit fi obligeant, qu’il
leur expliquoit fes fentimens , & leur in-
diquoit la manière de les attaquer avec
avantage. Quel homme, s’il eût eu plus de
docilité , ou fî l’objet de les études eût
toujours été au niveau de fes lumières &
des forces de l’efprit humain t
publiés contre ce Syftême, dans le DiSlionnaire Hîfte»
rique & Critique de M. Chauffepit , Ait. C o l l in s .
HH Syfttme fur le fens littéral des Oracles , ch. 13.
(*) On peut voir la Lifte des Ouvrages qui ont etc