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D U G U E T. i
A P R E* s avoir développé les liens
qui unifient les hommes entr’eux,établi
leurs droits réciproques, & découvert
les loix qui forment la fociété, ilreftoit
à prefcrire les qualités., les vertus & les
devoirs du chef de cette fociété. Jacques-
. Jofeph D u G u e T entreprit cette tâche
, & fon travail a répondu à la grandeur
du fujet. C e Legiflateur Moralifte
naquit le p Décembre 1 , à Mont-
brifon, petite V ille du Forez près de
L y on. Son pere étoit Avo cat du R oi
au Préfîdial de cette Ville ; & fa mere
s’appelait Marguerite Colombet. Dè s la
première jeunelle , D u G ü e t montra
une pénétration & un jugement exquis.
L ’un & l’autre lui attirèrent des éloges 9
auxquels fa mere, qui l’aimoit beaucoup,
étoit fur-tout très-fenfible. A l’âge de
douze ans il donna une preuve de fa capacité
, qui furprit tout le monde. I l fai-
foit alors fes Humanités dans le College
du lieu de fa naiflfance , dirigé par les
Prêtres de la Congrégation de l’Oratoire.
Pendant les vacances , comme il
cherchoit quelques livres d’amufement,
il trouva à la campagne parmi ceux de
Ion pere, l’Aftrée à?Honoré d'Urfé, roman
hiftorique , qui a fait à fon Auteur
une grande réputation, & qu’on ne lit
plus depuis long-temps. L a le&urede ce
roman lui plut beaucoup ; & il eftima que
le plan de cet Ouvrage étoit aflez beau
pour mériter d’être fuivi. Sur le champ il
xéfolut de compofer dans le même goût
une hifloire de ce qu’il avoit appris des
avantures particulières des familles de la
V ille de Montbrifon. L ’exécution de ce
projet ne languit point. En peu de temps
notre Ecolier le remplit d’une maniéré
bien fupérieure à ce qu’on pouvoit attendre
d’un enfant de fon âge. I l le lentit lui-
même 5 & flatté de ce fuccès, il en fît
part à fa mere. 'Madame Duguet écouta
tranquillement la Iedure d’une partie de
cet Ouvrage : mais loin de l’approuver
ni de faire connoître les mouvemens naturels
de joie qu’une capacité fi rare dans
un âge fi peu avancé produifoit dans fon
coe u r , elle dit à fon fils d’un air férieux
«Sa^affligé : Vous feriez bien malheureux ,
mon fils , fi vous faifiez un fi mauvais
ulàge des talens que Dieu vous a donnés
, & elle fit difcontinuer la ledure. L e
jeune Auteur écouta fans murmurer cette
remontrance, & ne penfa qu’à en profiter.
Lorfqu’il fut feui il jetta fon écrit au
feu. Dès ce moment après avoir renoncé
pour jamais à la ledure des romans, il fe
livra tout entier à fes études. On s’ap-
perçut aifément de cette nouvelle ad i-
vité ; car il acheva fes Humanités, & fit
fa Philofophie avec un luccès que fes
condifciples & fes maîtres admirèrent
également.
Lorfqu’il eut fini fon cours de Philo-
lophie , il demanda à (on pere la permifî-
fion d’entrer dans la Congrégation de
l’Oratoire, ce qu’il obtint. I l vint pour
cet effet à Paris, afin d’être reçu dans la
Maifon de l’Inftitution, où on l’accueillit
d’autant plus gracieufement , que fon
mérite y étoit connu. C ’étoit vers la fin
du mois de Septembre de l’année 1 66 J ,
Notre jeune Philofophe trouva tant d’a-
grémens dans cette Maifon, que quoique
l’ufage ordinaire foit de n’y laifîer les
novices qu’une année , il obtint la per-
miflîon d’y relier encore environ deux
ans. I l y reçut laTonfure & les quatre
* Vît de À'/. Duguet, Prêtre de la Congrégation de l’O-
reto.ire. Bibliothèque,dts Auteurs Eccléjtaftiquet dû dix-
sfcpticme iiécic , par M. Dupin, Tem. II. Supplc.
ment au Diflionnaire de "Moreri , art. Duguet. Scs Let.
tres Sc fes autres O images.
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