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s’engageant dans une certaine progreflton
d’idées faites peu à peu & par degrés : ce
qui ne le fait pas fans peine & fans attention.
Au refte, à chaque pas que l’efprit fait
dans une démonftration, il faut qu’il ap-
perçoive par une connoiffanee de {impie
vue la convenance ou la difconvenance de
chaque idée, qui lie enfembleles idées entre
lefquelles elle intervient pour montrer
la convenance ou la difconvenance des
deux idées extrêmes. Sans cela, on auroit
eiicore befoin de preuves pour faire voir la
convenance ou la difconvenance que chaque
idée moyenne a avec celles entre lefquelles
elle eft placée, puifqu’il n’y a point
de connoilTance, lorsqu’il n’y a point de
perception d’une telle convenance ou difconvenance.
Les deux premiers degrés de connoif-
fanee font donc 1’ intuition ô ç la démonftration.
Tout ce qui ne peut pas fe rapporter
à l’un d’eux, avec quelqu’affurance
qu’on le reçoive,eft F o i ou O p in io n , ôc non
point connoilTance du moins à l’égard de
toutes les vérités générales. Car l’efprit a
encorè une perception qui regarde l’exif-
tence particulière des êtres finis hors de
nous : connoilTance qui va au-delà de la
fîmple probabilitémais qui n’a pourtant
pas toute la eertitude des deux degrés de
connoilTance dont on vient de parler : e’eft
celle qui regarde l’exiftence des objets particuliers
qui exiftent hors de nous, en vertu
de cette perception & de ce fentiment intérieur
que nous avons de l’introduction actuelle
des idées qui nous viennent de la
part de ces objets. Ceci forme une troifîé-
me connoiffanee qu’on appelle S e n j i t i v e ,
qui a,comme les deux précédentës, je veux
dire V In tu it iv e ô c la D ém o n j ir a t iv e , diffe-
rens degrés & différentes voies d’évidence
Ôc de certitude.
De tout cela il fuit : I. Que nous ne
pouvons avoir aucune connoiffancë oh
*ious n’àvôns aucune idée.
II. Que nous ne faurions avoir decon-
noilïance" qu’aiitant que nous pouvons ap-
percevoir la convenance ou la difconve-
nanée de nos4déés ce qui fe fait, comme
'$>ïi a vu,de trois manières; ou par In tu i t io n ,
K E.
c’eft-à-dire en comparant immédiatement :
deux idées ;ou par R a ifo n , en examinant la
connoilTance de deux idées par l’intervention
de quelques autres idées; ou par S e n -
f a t i o n , en appercevant l’exiftence des cho-;
lès particulières.
III. Que nous ne faurions avoir une
connoilTance intuitive qui s’étende à toutes
nos idées, & à tout ce que nous voudrions
favoir fur leur fujet, parce que nous ne
pouvons point examiner & appercevoir
toutes les relations qui fe trouvent en-
tr’elles , en les comparant immédiatement
l’une avec l’autre.
IV. Que notre connoilïànce raifonnée
ne peut point embralTer toute l’étendue
de nos idées ; parce qu’entre deux différentes
idées que nous voudrions examiner
, nous ne faurions trouver toujours des
idées moyennes, que nous puifhons lier
l’une à l’autre par une connoilTance intuitive
dans toutes les parties de la déduction
; Ôc par-tout où cela manque, la connoilTance
Ôc la démonftration nous manquent
auflï.
V. Que la connoilTance fenfîtive eft
beaucoup moins étendue que les deux au*-
tres , parce qu’elle ne s’étend pas au-delà
de l’exiftence des chofes qui frappent ac-î
tuellement nos fens.
Ainfi l’étendue de notre connoilTance
eft non-feulement au-deflbus de la réalité
des chofes; mais elle ne répond point encore
à l’étendue de nos propres idées.
Cela forme des bornes très-étroites ; & il
eft vifïble que notre ignorance a beaucoup
plus d’étendue. Les chofes les moins con-
fîdérables & les plus communes ont des
côtés obfcurs où la vue la plus pénétrante
ne fauroit rien difcemer. Les caufes de
cette ignorance font telles. Nous manquons
d’idées. Nous ne fauriops découvrir
îa connexion qui eft entre les idées que
nous avons. Nous négligeons de fuivré ô c
d’examiner exactement nos idée?.
Premièrement , nous n’avons que des
idées imparfaites & incomplettes des corps
qui font à notre difpofition ; & pour que
nous acquérions à leur égard une véritable
connoilTance , il faudroit que nos idées
fuffent claires ô c complexes. En fécond
lieu, nous ne pouvons trouver la connexion
qui eft entre les idées que nous avons
actuellement ; parce qu’il y a dans plu-
fieurs de nos idées des relations Ôc des liai-
fons qui font fi vifiblement renfermées
dans la nature des idées même, qu’il eft
impolfible de concevoir qu’elles en puif-
fent être féparées par quelque puiffance
que ce foit; comme nous ne pouvons découvrir
aucune connexion entre la manière
dont les fënfàtions des couleurs ô c des fons
fe produifënt en nous avec aucune idée que
nous ayons. Enfin là où nous avons des
idées complettes, & où il y a entr’elles une
connexion certaine que nous pouvons découvrir
, nous fommes fou vent dans l’ignorance,
parce que nous ne fuivons point
ces idées que nous avons ou que nous pouvons
avoir, ÔC que nous ne trouvons point
les idées moyennes qui peuvent nous montrer
quelle efpèce de convenance ou de
difconvenance elles ont l’une avec l’autre.
En nous renfermant donc dans le cercle
de nos connoiffances , nous pouvons les
étendre, en acquérant & fixant dans notre
efprit des idées claires, diftinétes &
complettes, autant que nous pouvons les
avoir, ô c en leur affîgnant des noms propres
& d’une lignification confiante. Ainfi
tout l’art de devenir favant ou d’étendre
la capacité de l’entendement, confîfte i °.
A acquérir ô c à établir dans notre efprit
des idées déterminées des chofes dont nous
avons des noms généraux ou fpécifiques ,
ou du moins de toutes celles que nous voulons
confiderer , ô c fur lefquelles nous
voulons raifonner ÔC augmenter notre
connoiffanee. 2 ° . A trouver des idées
moyennes qui puiffent nous faire voir la
convenance* ou l’incompatibilité des autres
idées qu’on ne peut comparer immédiatement.
En méditant fur ce fyftême , on faura
ce que c’eft que l’Entendement ; quelles
font les fburces de fes connoiffances ;
comment il les acquiert , ô c de quelle
maniéré il peut en étendre les limites.
S y f lêm e d e L o k e f u r V éd u ca tio n des
enfq.ns.
Le bonheur dont on peut jouir dans le
monde, confîfte a avoir l’efprit bien réglé
Ôc le corps en bonne difpofition. ( M e n s
f a n a in corpore f a n o , dit J u v e n a l ). Ces
deux avantages renferment tous les autres.
Celui qui poffede tous les deux, n’a pref-
que rien à defîrer ; Ôc celui qui eft privé
de l’un ou de l’autre,eft affurément malheureux.
Car fi l’on n’a pas l’efprit droit, on
ne trouve jamais le véritable chemin du
bonheur ;& quand notre corps eft foible
ô c mal fain, on ne fauroit faire de grands
progrès. Tout l’art de bien élever les
enfans confîfte donc à leur former un
bon tempérament, Ôc à bien régler leur
efprit.
I. La première chofe à laquelle on doit
prendre garde quand un enfant vient au
monde, c’eft de ne pas le couvrir trop
chaudement en Eté comme en Hiver. Car
la chaleur tient les pores extrêmement ouverts
, facilite une tranfpiration trop abondante,
affoiblit par-là le corps, & occafîon-
ne plufieurs maladies qui ne viennent que
de la fuppreflîon de la tranfpiration. En
nous conformant à la nature , nous devrions
aller tout nuds , & nous fendrions
moins les effets du froid ô c du chaud. Lorf-
que nous venons au monde, le vifage n’eft
pas moins tendre qu’aucune autre partie
du corps : c’eft la coutume d’être à découvert
qui l’endurcit & le rend fupportable
au froid. Il y a des gens en Angleterre
qui portent les mêmes habits en Hiver
qu’en Eté, fans être plus fenfîbles au froid
que les autres hommes, Ôc fans en fouffrir
aucun inconvénient. Mais la partie du
corps qu’on doit couvrir le moins, c’eft la
tête ; car il n’y a rien qui caufe plus de
maux de tête, de rhumes , de toux, ô c c .
que de fe tenir la tête chaude. Ainfi les
enfans doivent aller le jour en plein air la
tête nue,& coucher même fans bonnet, la
nature ayant pris foin d’endurcir la tête
comme il convient, & de la couvrir de
cheveux.
Il faut auffi accoutumer les pieds au
froid. A cette fin, il faut fouvent laver
les pieds pour les fortifier , ô c prévenir
par ce moyen les incommodités, comme
les engelures, les corps aux pieds, qui
viennent d’ordinaire aux perfonnes élevées
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