C H A R R O N .
mal & d’incommodité , empoifonne pref-
que toujours fes biens , (|s voluptés &
fes plaifirs. Toutes chofes font mêlées &
détrempées avec leur contraire. Nul mal
fans bien ; nul bien fans mal. .L'homme
,ne peut.être , quand il le ^voudroit, du
-tout bon, ni du tout méclftnt. II.eft im-
.puiflant à tout. I l ne peut faire tout ibien,
ni exercer toute .vertu , paroe.que plusieurs
vertus font incompatibles. L a cha-
,rité &la.juftice fê contredjfentfouvent.Ce
fieroit une charité .de -fauver a la guerre
•jin ami, & c’eft une injuftice de le tuer.
iOn éft même fouvent obligé d’ufer de
.mauvais moyens, .pour Xortir d’un plus
grand mal.
Cette foibleffe dans la pratique de la
•vertu ,.fe mar.ifelle encore plus lorfqu’il
.s’agit de la-vérité. L'homme eft fort à dé-
'.firer,&foible à recevoir. Les deux moyens
,qu’il emploie, pour parvenir à la eonnoif-
Lance de la v é r ité , font la raifcn & l’expérience.
Or tous les deux font fi foibes
ëc fi incertains, que nous ne pouvons eu
.-rien tirer de véritable. L a raifon fie transforme
en mille façons. Elle éft frêle ,
pliable & chancelante. E t il y a d’autant
moins à compter fur l’expérience, que les
tévénemens font toujours dufemblables.
I l n’eft rien de fi .univerfel en la nature
que. la diverfîté;: rien fi rare ni fi difficile ,
( fi la chofe n’eft pas abfolument impolfi-
b le )q u e la fîmilitude. Or fi l’on.nepeut
-remarquer cette tliifemblance, quelle v érité
peut-on déduire?
Enfin pour faire connaître en peu de
roots la foibleflç de l’homme, ç’eft .qu’il
n ’e ft capable que de chofes médiocres, &
qu’il ne p e u t fouffrir les extrêmes. Car fi
elles fout petites, il les méprife & les dédaigne.
Si elles font grandes & éclatantes,
ri les redoute & les admire-
C e ne feroit encore rien , fi l’homme
dtoit confiant dans lés choix; mais la plupart
de fes aélions ne font que des faillies
& 4 e s boutades que le^:o,èçafions déterminent.
L ’irréfoUition d ’une part ; l’in-
xonftaupe &. l’inftabilitéde l’autre : voilà
le vice le plus commun de la-nature humaine.
Nous fuiv-on.s les inclinations de
notre appétit, felon que le vent des ctr-‘
confiances nous emporte, & non fuivant
.laraifon. L a vie eft un mouvement inégal
, irrégulier, multiforme. De tous les
'animaux l’homme eft le plus double & le
plus contrefait, le plus couvert & le plus
artificiel. I l y a chez lui tant de cabinets,
tant d’arrieres - boutiques , d’où il fort
tantôt homme, tantôt fatyre; .tant d e
foupiraux, par lefquels ilfouffle le chaud-
,& le froid ,que rien n’eft fi difficile à fonder
Sc k connoître. T au t ce qu’il fait eft
un cours -perpétuel d’erreurs. Il rit &
pleure d’une même chafe. 11 eft content
& malcontent. Enfin il veut & ne fait ce
qu’il veut.
Si l’homme eft fa r t, ro'hufte ,.confiant
& endurci,.c’eft à la mifere. I l eft miféra-
ble par eflénce. Son entrée dans le monde
eli iionteufc, -vile, me-prifee ; fia fortie ou
fa mort eft au contraire glorieufe& honorable.
» i o .L ’aftion de planter & faire
» l’homme eft honteufe, & toutes fes par-
» ties les approches, lesltpprêts, les gu-
» fils & tout ce quijy fart, eft tènu.& ap-
» pelle honteux, & n’y a rien d é fi hon-
» teu-x en la nature humaine. L ’a&ion de
» le perdre & tuer honorable, & ce qui
» y fêrt eft glorieux : On le .dore & enri-
î chit ; ou s’en pare , 0» le porte au
» c ô té , en ia main, fur les épaules. 2 ° ,
„ O n fe dédaigne d’aller v o ir naître un
».homme : chacun court & slaffemble
» pour le voir, mourir„fiait au l i t , (oit en
» place publique , fort èn la campagne
» rafe. 3 °- On fe -cache, on tue la chan-
»delle ou le fait à la dércfbée-;: e’eft
» gleipe dcpompede le défaire;: gmàllume
».-les-chandêîles pour le voir mourir , on
» .l’exécute en plein jour ; on (brine, la
» trompette , « 1 le combat , & on fait
» un carnage en plein midi 4». Il n’y a
» -qu’une maniéré de faire des hommes J
» pour les-ruiner mille & niille moyens.,
» inventions , artifices, j® . f i n ' y a a y
»èun lo y e r , honneur, ou récorhpenfe
» affignée pour ceux qifi favent. faire ,
» multiplier,coriferver Fhumainênature.;
’» tous honneurs , grandeurs, richeifes ,
».dignités, empires, triomphes ,trqplmes,
N E JT
Si nous ne voyions que les rayons de
lumière , qui tombent perpendiculaire-- '
ment fur les parties des corps', itous ap-
percevrions la couleur telle qu’elle eft •
niais les rayons qui tombent obliquement
fur Ses corps viennent auffi à l'oeil, & altèrent
la couleur pure , que le corps réfléchit
félon la direélion perpendiculaire.
O r le moindre changement d’obliquité
change la couleur réfléchie, par-tout où
le corps mince, ou la plus petite particule
eft plus rare que le milieu qui l’environne;
de forte qu'une telle petite particule
, lorfque les incidences font différemment
obliques , réfléchiffent toutes
fortes de couleurs dans une fi grande variété
, que la couleur qui réfui te de
toutes ces couleurs confufément réfléchies
d’un amas de telles particules, eft
plutôt un blanc ou un gris qu’aucune autre
couleur , ou ne devient tout au plus
qu’une couleur fort imparfaite. Mais fi
le corps mince ou la petite particule eft
beaucoup plus denfe que le milieu qui
l ’environne, les couleurs font fi peu
changées par le changement d’obliquité,
que les rayons qui font le moins obliquement
réfléchis, peuvent prédominer
au point de faire qu’un amas de ces fortes
de particules paroilfe dans un degré fen-
fibie de la couleur même des particules
confédérées à part.
Comme la couleur dépend de la grof-
feur des parties dont un corps eft com-
pofé ; par H couleur d’ un corps on peut
connoître la groffeur de fes parties : &
voici comment. Les parties des corps
produifent les mêmes couleurs, que produit
une plaque d’une égale épaiffeur ,
pourvu que la denfité rétroaélive des deux
foit la même. L ’expérience apprend que
la plupart de ces parties- ont à peu près
la même denfité que l ’eau & le verre.
Qela pofé, on trouve par le calcul, que
le diamètre d’un corpufcule qui eft égal
au verre en denfité, ôc qui réfléchit le
verd d’un troifiéme ordre (ondiftingue
les nuances d’une même couleur par ordre
) eft la partie d’un pouce.
Mais puifqu il n’y a que fept couleurs
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primitives dans la Nature, Comment le
mélange de ces feules couleurs peut-il
produire toutes les couleurs ? Cela dépend
d’une combinaifon du blanc & du noir
qui entre dans ce mélange, laquelle devient
infinie. Cependant bn peut en avoir
une idée par les faits fuivkns.
Un mélange de rouge Sc de jaune homogènes
compofe un jaune orangé, qui
refièmble à l’orangé homogène ; Ôc fi on
mêle ainfi les couleurs voifines fuivant
leur ordre, rouge, orangé, jaune, v e rd ,
on peut en compofer des couleurs fem-
blables aux couleurs homogènes intermediaires.
Ainfi le jaune ôc le verd mêlés
enfemble produifent la couleur d’entre
deux ; & fi à cette couleur on ajoute du
b leu, il en réfulte un verd qui tient le
milieu entre les trois couleurs qui entrent
dans fa compofîtion. Car fi le jaune & le
bleu font de part ôc d’autre en proportions
égales, ils attirent également le
verd d’entre deux dans la compofition ,
& le tiennent,. pour ainfi dire , de telle
forte en équilibre , qu’il ne tire pas plus
fur le jaune d’un côté que fur le bleu de •
l’autre, ôc que par i’aâion de ces deux
couleurs mêlées, cette couleur compofée
demeure toujours mitoyenne. Si à ce
verd mélangé on ajoute un peu de rouge
& de v iole t, le verd ne difparoît point
encore, mais il devient feulement moins
v i f & moins foncé ; ôc fi on augmente la
quantité du rouge ôc du v io le t, ce verd
devient toujours plus foible & plus détrempé
, jufqu’à ce que par la fupériorité
des couleurs ajoutées, il eft comme éteint
ôc change en blanc ou en quelque couleur.
De même fi à la couleur de quelque
lumière que ce fo i t , on ajoute la
lumière blanche du Soleil, qui eft compofée
de toutes les efpéces de rayons,
cette couleur ni né s’évanouit , ni ne
change, d’efpéce , mais elle devient feulement
plus foible ; Ôc à mefure qu’on y
- ajoute de cette lumière blanche,, elle devient
toujours plus foible & plus délayée.
Enfin lorfqu’on mêle le rouge & le violet
, on produit, félon leurs différentes
proportions, les différens pourpres , qui
à l’oeil ne reflèmblent à la couleur d’au-
C