G R O T I U S . 1 1 j i
T O U T ce qu’il importe à l’homme
de fayoir eflentiellement, peut Te
réduire à deux points : vivre avec foi 8c
avec les autres. L e premier s’appelle
Morale, & le fécond Législation. L a Morale
apprend à compenfer les dégoûts de
la vie par de véritables plaifirs. L a L é gislation
a pour but de diminuer les premiers
& d’augmenter les autres. Celle-ci
rapproche les hommes , forme entr’eux
une douce iinion , les maintient dans une
aimable fociété, ,& les met en état de fe
rendre des .fervices mutuels. Elle établit
les droits du Public & celui ..des Parti -
.culiers , 8c les autorife à prendre les armes
, lorfque ces droits font violés. Mais
ce n’eft que dans ce cas qu’il eft permis
d’allumer le flambeau de la guerre. C e pendant
on court, aux armes fans raifon
ou po,ur de très-légers fujets ; ,8c quand
qn les a une fois en main, on foule aux
pieds tous,, ciroits divin 8c humain , comme
fi l ’on eut acquis Le pouvoir de commettre
impunément toutes fortes de crimes.
Ce. malheur ne provient que de ce
qu’on ignore qu’il efl une loi de faire la
guerre , 8c que ceux qui la tran{greffent
font refponfables d.e tous l.es meurtres
qui fe font alors. • •
C ’eft.ce qu’a folidement établi un des
plus grands hommes, qui ayent vécu depuis
la .■ renaHfance des Le ttres, dans un
Xmité de la .Legi dation , qui eft un.chef-
d oeuvre. Quand je ne l’aurois pas déjà
nommé ce grand homme , on le recon-
noîtroit à l’éloge que je fais de fon livre.
'ke.;kj<^:eur jugera fi je me préviens trop
en fa faveur ; car je vais écrire fon hiftoire
avec la plus exaéfce impartialité. Je dirai
naïvement ce qu’il a fait en bien, en mal :
mais je crois devoir avertir que le rôle
qu’iU joué dans la fcène du monde, eft
un des plus variés, qu’aucun mortel ait
encore rempli.
Hugues G r o t i u s , ou Grot, qui eft
fon propre nom , naquit à Delft le i o
A v r il de l’année I y 8 3 , de Jean de Grot>
Doéteur en D ro it , Bourguemeftre de
Delft,& Curateur de l’Univerfité de L e y -
de; 8c d’Alide Overfchie, d* une famille delà
première diftinétion. Il apporta en naif-
fant les difpofitions les plus heureufes.,
On remarqua en lui beaucoup de péné-,
tration, un grand jugement 8c une mémoire
admirable. Son pere n’oublia rien
pour cultiver ces difpofitions. J1 fut lu i- ,
même -.Ion gouverneur ; 8c il s’attacha,
également à lui former l’efprit & le coeur.
Son intention étoit bien moins d’en faire
un favant qu’un homme de bien. Le Précepteur
qu’il choifit, nommé LuJJ'on , fut.
principalement chargé de le féconder dans
ce dernier article ; 8c cet homme avoit
allez de lumières 8c de vertus pour lui
apprendre en même-temps les fciences
divine 8c humaines.
A 1: ’âge de huit ans , G r o t i u s
donna des preuves éclatantes de fes progrès
dans les Belles-Lettres, par de très-
jolis vers élégiaques qu’il fît. Son pere
jugea dès-lors, qu’il ne falloit pas différer
de lui procurer des Maîtres habiles,
plus capables que lui 8c fon Précepteur
de l’inftruire. I l l’envoya d’abord à la -
Haye chez le Miniftre Ütengobad, célébré
parmi les Arminiens, 8c en fui te à
l’Univerfité de Leyde. G R o T 1 u s
avoit alors douze ans. L e favant Fran~ ,
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