§ L w O
grin. Placeurs Savansvinrent au fecours
de notre Philofophe. Meilleurs Bulfin-
ger , Thuming , Cramer , prirent hautement
fa défenfe. Son innocence & fon
bon droit parvinrent même jufques au
peuple ; & un Maréchal indigné du
mauvais traitement qu’on lui avoit fait
à H a l l, quitta fa forge pour écrire en fà
faveur contre le Doéleur Lange..
Devenu plus tranquille fur toutes les
calomnies qu’on avoit débitées contre lui,
W o l f oublia les Théologiens de Hall
& leurs adhérans. Non content d’enfei-
gner la Philofophie & les Mathématiques,
il donna encore des leçons de Jurifpru-
dence. 11 travailla enluite. à mettre au
jour les ouvrages qu’il méditoit depuis
long - temps : c’étoit fur la Phyfique
expérimentale & fpéculative, fur la D y namique
, fur la Métaphyfique , fur la
Pfychologie oul&fcience de l’âme, fur
la Théologie naturelle;en un mot, fur
prefque toutes les Sciences car W o l f
embrafToit toutes les connoiffances ha?
maines , Sc ne croyoit pas qu’on pût en
perfectionner, une particulière fans y faire
intervenir les-autres. C ’eft auffi ce qu’ont-
reconnu les grands génies-, parce qu’ils ont
eu allez de fàgacité pour réunir ces con-
noilfances, Sc pour fentir leurs connexions.
Sc leurs mutuelles dépendances^
Ces productions furent admirées de.
toute l’Europe., Elles humilièrent beau-r
coup les Théologiens de Hall. Le s véritables
Savans géraifloient de ce qu’on avoit
facrifié notre Philofophe à leur jaloulîe
Sc à leur haine. Ils- fentoient le vuide
qu’il lailfoit dans leur Univerfité. L e Roi
en fut inftruit..Moins- obfédé par les ennemis
de l’illultre ex ilé ', il réfléchit fur
le jugement qu’on portoit dans le monde
de la manière dont il l’avoit traité. IL
apprit qu’on l ’eftimoit fur - tout à Londres
Sc à Paris., qu’il avoit été reçu membre
des Académies de ces. deux grandes
V.illes , Sc qu’il jouifloit d’une confiée- ’
ration univerfêlle. C e Prince comprit
alors qu’on Payent- trompé. I l voulut
pourtant être pleinement informé de la
conduite de W o l f à Hall , Sc de celle
de. fes ennemis.. I l nomma à.cet effet
L F.
des Commiflaires intelligens Sc non fuf-
peCbs , pour examiner cette affaire. L e
comptequeces Commiffaireslui rendirent
fut très-favorable à notre Philofophe«
Sa Majefté s’empreffa de réparer l’injure
qu’elle lui avoit faite. Elle défavoua
publiquement elle-même la conduite
qu’elle avoit tenue à fon égard , le rap>-
pela à H a ll, Sc lui propofa les conditions
les plus avantageufes, les plus honorables
, Sc les plus propres à faire oublier-
tout lepalfé. W o l f répondit à ces avan-
ces fi glorieufes avec beaucoup, de- refc
peCt., mais il s’excufa de ne pouvoir:
quitter l ’afile où. il avoit été reçu pendant
fa difgrace. L e Roi . fît encore, une
fécondé tentative & elle n’eut pas un
meilleur fuccès- C ’étoit en 1735» qu’il
rékéroit fes propofitions. I l mourut
l ’année fuivante. Frédéric I I , fon fils ,
aujourd’hui régnant, ne fut pas plutôt-
monté fur le trône , qulil donna ordre
dès le fécond jpur.de fon règne de demander
a W O L F , s’il ne pouvoit pas ef-
pérer de le revoir dans fes Etats ; Sc dans.-
le cas qu’il parût porté à quitter Mar-
bourg, il lui. lailfoit le foin de propofer.
lui -même les, conditions. Senfible aux
bontés de Sa Majefté, W o l f confentit
de retourner à Hall Sc s’en remit au.
Roi fur les latisfadions qu’il vouloit lui
faire. 11 déclara en même temps-, que la
reçonnoilfance qu’il devoir au Prince,
qui l’avoit protégé contre les perfécu-
tions-de fes-ennemis ,.ne lui permettoit
pas.de demander fa démiflîon. L e Roi-
approuva cette délicatelfe. I l fit faire
cette démarche par fes Ambaffadeurs au.
Roi dè Suède & au Landgrave de Heffe-
C a lfe l, qui ne. pouvant rien refuferàSa.
Majefté Pruffienne , virent partir notre.
Philofophe avec regret...
I l fe mit donc en route pour occuper
à Hall la chaire du Droit de la Nature-
Sc des Gens,à laquelleleRoi l’avoit nommé.
11 y rentra .le 6 Décembre 1740 *■
comme en triomphe. On frappa à ce-
glorieux événement une médaille, fur un
côté de laquelle on voit fon bufte Sc fon
nom au-deffus qui forme la légende; SC
on lit ces paroles dans l ’exergue : Halaim
JT O
reïïqmt 1723. A u revers de la médaille
eft un S ole il, q u i, perçant les nuages,
éclaire de fes rayons la ville de Hall. La
légende de ce côté eft conçue en ces termes
: Cunttando novo injurgit lurhine ;
& l’exergue : Halam reverfus 17 40 . L e
Roi le décora, à fon arrivée, des titres
de Confeiller intime & de V ice -C h a n celier
de l ’Univerfité, Sc lui fit expédier
le brevet d’une penfion de deux mille
écus d’Allemagne. En 1 7 4 1 , Sa Majefté
le nomma Curateur de toutes les Uni-
verfités de fes Etats ; Sc deux ans après
il fuccéda à M. de Ludowig, mort Chancelier
de l’Univerfité. Enfin , l’Electeur
de Bavière profita du temps o ù il
fut Vicaire de l’Empire , pour lui donner
des marques de fon eftime en le créant
Baron libre de. l’Empire ; qualité que
le Roi lui confirma dans fes Etats.
Pendant qu’on combloit notre Philofophe
de richeilès Sc d’honneurs , il ne
cefToit de bien mériter des humains en»
les éclairant. I l avoit déjà publié fon ouvrage
-fur le Droit de la Nature Sc des
Gens en neuf volumes* in-4 0. I l en fit-
un abrégé en un volume in-4°* qui parut
fous le titre ülnflitutiom. Il reprit en fuite
fon fyftême de Philofophie, lequel con-
fiftoit à enchaîner toutes les connoiffances*
humaines par une fuite de propofitions ,.
déduites tellement l’une de l ’autre , que
les vérités, ou les propofitions* les plus
Amples , précédaient toujours les plus
compofées. Cet édifice devoit être élevé-
fur des axiomes Sc des définitions évi-^
dentes, Sc fur des expériences ineontefi
tables. Afin de ne point, s’égarer dans
une fi vafte entreprife, il divifa la Phb-
lofophie en théorique Sc en pratique , Sc
fubdivifa chaque partie de la manière
fuivante^
Philofophie théoriques
Logique , ou l’art de penfer.-
Métaphyfique, qui le divife en'
Ontologie-.
Cofmologie générale , ou la fcience-
diu- monde en général.
P fy ch ologie , ou-do&rine de l ’amei
L P.
Théologie naturelle^
Phyfique expérimentale Sc dogmatique,
comprenant les caufes efficientes Sc
les caufes finales.
Philofophie pratique; .
Philofophie pratique univerfelle#
Ethique ou Morale.
(Economie;
Politique.
Notre Philofophe travailla fans relâcha
à l’exécution de ce plan. I l s’attacha
d’abord à donner des définitions claires
de toutes chofes ; Sc c’eft une particularité
bien remarquable dans fon fyftême, que
le grand nombre de définitions qui s’y
trouvent, Sc qui font d’une clarté , d’une
exactitude, Sc d’une jufteffe qui étonnent
la raifon. L a Cofmologie qu’il y fit entrer
, eft une fcience de fon invention^
I l jugeoit que pour avoir un fyftême-
complet de Philofophie , il falloir montrer
comment l’aCtualité des êtres con-
tingens reçoit fa déterminaifon dans le
monde; de quelle manière ils dépendent
d’un Etre different du monde ; quelle eft-
l ’idée qu’on doit fe former- du corps en
général ; quels font les vrais élémens &
les élémens' fuppofés des chofes corporelles
; comment du fein de ces élémens^
naiflent la matière Sc la force motrice,
& c. Ainfi la Cofmologie traite de l’enchaînement
des chofes, Sc de la manière
dont l’Univers en réfulte ; de l’idée des
corps dont le monde eft compofé, Sc de
la nature universelle oude la perfection de:
l’Univers. Dans les- autres parties de fà
Philofophie r W o l f fit un grand ufage
des principes-de Leibnitç , fur la raifon
fuffifante, fur la connexion des chofes, fur
l ’harmonie préétablie,fur les Monades, fu r
POptimifme, Sce. I l eft vrai que ce grand
homme ne lesavoit donnésque comme des-
matériaux épars & fans ordre d’un édifice^
qu’il n’avoit pas mêmefongé à conftruire,-
Sc que notre Philofophe les a mis en»
oeuvre , Sc en a formé le plan Sc Rordon--
nance du plus beau.-fyftême du: monde;-
I l ne l’acheva pas pour©nrce fy-ftême,»
Sc il mourut avant que d’avoir traiter